Texte contre texte. Les sénateurs socialistes examinent ce jeudi 6 novembre, dans leur niche parlementaire, une proposition de loi (PPL) constitutionnelle qui prend des allures de PPL anti-RN, même si son auteur s’en défend. Il s’agit d’une proposition de loi déposée par le sénateur PS Eric Kerrouche, et l’ensemble du groupe PS, qui vise à durcir les conditions de modification de la Constitution (nous en parlions ici et là). Il a peu de chance d’être adopté par le Sénat, où la droite et le centre détiennent la majorité, la PPL ayant déjà été rejetée en commission.
« Porte dérobée »
Si seul l’article 89 de la Constitution permet théoriquement de modifier notre loi fondamentale, le RN compte faire comme le général de Gaulle qui, en 1962, avait modifié le texte de 1958 en passant par l’article 11, prévu normalement pour les référendums portant sur la politique économique, sociale, environnementale ou les services publics. En détournement de l’article 11. Mais il existe déjà ce précédent.
« Il y a un projet de révision constitutionnelle déposé par le RN qui dit comment ce texte va violer la Constitution en utilisant l’article 11 pour la transformer », dénonce ce mercredi Eric Kerrouche, lors d’une conférence de presse. Avec ce texte, qui porte sur l’immigration, « 20 % de la Constitution serait transformée ». La France « passerait du jour au lendemain à autre régime », que le sénateur PS des Landes qualifie de « régime autoritaire, avec des mesures illibérales ». L’idée est donc que « cette porte dérobée » qu’est la modification par l’article 11 « soit fermée ». La PPL limite ainsi strictement au seul article 89 la possibilité de changer la Constitution.
« Un bouclier pour la Constitution »
La proposition de loi constitutionnelle du RN, déposée en janvier 2024 par Marine Le Pen elle-même et appelée « citoyenneté-identité-immigration », entend modifier 18 articles de la Constitution et en ajouter 7 autres. Il compte de nombreuses mesures : inscrire la priorité nationale au détriment des étrangers, suppression du droit du sol, restriction du droit d’asile, interdiction ou presque de toute régulation ou encore affirmer la supériorité de la Constitution sur toute règle européenne. « Il y a un article que je qualifie de pétainiste, qui exclut les étrangers et binationaux des fonctions administratives », dénonce encore Eric Kerrouche.
Si le texte est bien une réaction à la PPL du RN, il ne vise pas seulement le parti d’extrême droite, assure le socialiste. « Est-ce que ce texte est un texte anti-RN ? Non. C’est aussi un texte anti-RN », précise Eric Kerrouche, qui ajoute : « Dans le contexte de dérive illibérale, on ne peut écarter que n’importe quel Président puisse utiliser cette possibilité ». Le texte se veut donc plus global, que le seul cas du Rassemblement national. C’est pourquoi le socialiste veut en faire « un bouclier pour la Constitution ».