Soutien de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron : les réactions critiques des sénateurs LR

Soutien de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron : les réactions critiques des sénateurs LR

En appelant à rallier le président sortant, Nicolas Sarkozy pourrait bien accélérer la décomposition politique de la droite, qui n’a pas voulu trancher entre l’opposition à Marine Le Pen et le ni ni. Interrogés par Public Sénat, de nombreux sénateurs estiment que l’ancien chef de l’Etat est allé « trop loin ».
Romain David

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La rupture est actée. Nicolas Sarkozy est sorti de sa réserve mardi matin pour apporter son soutien à Emmanuel Macron. « Je voterai pour Emmanuel Macron parce que je crois qu’il a l’expérience nécessaire face à une grave crise internationale plus complexe que jamais, parce que son projet économique met la valorisation du travail au centre de toutes ses priorités, parce que son engagement européen est clair et sans ambiguïté », fait savoir l’ancien président dans un communiqué publié sur Facebook et Twitter vers 10 heures. Surtout, avec cette prise de position, Nicolas Sarkozy va au-delà du front républicain contre l’extrême droite, en appelant explicitement à un rassemblement autour de l’actuel locataire de l’Elysée. Le président fondateur des Républicains appelle à « sortir des habitudes et des réflexes partisans ». « La fidélité aux valeurs de la droite républicaine et à notre culture de gouvernement doit nous conduire à répondre à l’appel au rassemblement d’Emmanuel Macron en vue de l’élection présidentielle », écrit-il.

Si la rumeur d’un soutien à Emmanuel Macron au second tour allait bon train depuis plusieurs semaines, l’appui qu’apporte l’ancien président au projet politique de son successeur n’a pas manqué de susciter une certaine émotion dans les rangs des LR, déjà douchés par leur défaite historique à la présidentielle dimanche. Nicolas Sarkozy semble à présent tourner le dos au parti qu’il a fondé en 2015, et qui traverse depuis 48 heures une forte période de turbulences. Lundi, une majorité d’élus se réjouissait du champ de liberté accordé par une motion adoptée à la quasi-unanimité du bureau national. En résumé : pas de consigne explicite de vote au second tour, mais aucune voix pour Marine Le Pen. Un texte « qui permet à chacun d’y picorer ce qu’il veut », selon la formule d’un parlementaire, proche de l’ancien chef de l’Etat. Mais la position de Nicolas Sarkozy menace à présent de briser la fragile unité qu’a tenté de préserver Christian Jacob, le patron des LR, avec ce texte.

La nécessité d’une droite de gouvernement

Dans un communiqué dégainé en début d’après-midi, Gérard Larcher, le président du Sénat, répond à Nicolas Sarkozy en invoquant la nécessité de « conserver une force d’alternance crédible ». « L’opposition ne peut être réduite à une confrontation entre la majorité présidentielle et les partis des extrêmes », souligne le second personnage de l’Etat. C’est l’une des craintes régulièrement invoquées par les LR ; la disparition de la gauche et de la droite de gouvernement laisserait le champ libre aux extrêmes dans cinq ans. En marge de son déplacement à Mulhouse mardi, Emmanuel Macron a adressé ses remerciements à Nicolas Sarkozy pour « sa confiance et son soutien ».

« Ce vote ne peut en aucun cas, de mon point de vue, et là je me sépare de Nicolas Sarkozy, être un ralliement ! », martèle Philippe Bas auprès de Public Sénat. Le sénateur de la Manche suivra l’exemple de Gérard Larcher le 24 avril : un bulletin pour Emmanuel Macron, au nom du seul front républicain. Rien de plus. « Nous sommes une grande famille qui a gouverné la France, issue du général de Gaulle, nous avons compté dans nos rangs des personnalités aussi éminentes que Valéry Giscard d’Estaing ou Jacques Chirac », rappelle l’élu. « Nous avons encore quelque chose à dire, nous ne pouvons pas devenir les supplétifs du macronisme. »

Un sentiment d’abandon

À l’aile droite du parti, où le vote blanc semble l’emporter, l’agacement est encore plus prononcé. « La position de Nicolas Sarkozy est une position personnelle. Ce n’est pas celle de notre famille politique », a voulu rappeler Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, dans un tweet. « Nous ne reconstruirons pas la droite en nous diluant dans le macronisme. Nous rebâtirons sur la fidélité à nos convictions » soutient-il. « Je pense que Nicolas Sarkozy est allé un peu trop loin dans son message », estime auprès de Public Sénat Stéphane Le Rudulier, soutien du très droitier Éric Ciotti au congrès d’investiture de décembre. Il reproche à l’ancien chef de l’Etat d’avoir une vision à court terme. « La droite républicaine n’est pas morte. Il y aura une recomposition des forces politiques après 2022 puisque le président Macron, s’il est réélu, ne pourra plus se représenter », explique l’élu des Bouches-du Rhône. « Toutes les cartes vont être redistribuées. La droite républicaine a forcément un avenir. »

« Nous attendions avant le premier tour que vous veniez aider votre famille politique. Vous parlez maintenant. C’est trop tard, comme Grouchy à Waterloo. Ce sera clairement non pour moi », a indiqué sur Twitter le député sudiste Julien Aubert, qui estimait en mai dernier qu’Éric Zemmour pouvait avoir sa place dans une primaire de la droite. Il se réfère au marquis de Grouchy, maréchal d’Empire, chargé par Napoléon de couper la route aux armées prussiennes pendant la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815. Grouchy est rappelé en urgence par l’empereur sur le champ de bataille, mais arrive trop tard pour empêcher le débordement de l’armée française. Dimanche soir, c’est la droite qui a connu son Waterloo, avec les 4,78 % récoltés par Valérie Pécresse. Durant toute la campagne de premier tour, Nicolas Sarkozy a refusé d’accorder un soutien officiel à son ancienne ministre du Budget. Une absence qui est venue empoisonner la campagne de la candidate. Jusqu’à ce que le nom de l’ancien président soit spontanément sifflé par plusieurs milliers de personnes lors du meeting du 3 avril, porte de Versailles. Une scène qui en dit long sur le divorce qui s’est opéré entre Nicolas Sarkozy, longtemps adulé par les militants, et une partie de sa famille politique.

« Nicolas Sarkozy essaye à présent de nous tuer. Ça ne le gêne pas, sans doute parce qu’il en tire un intérêt personnel », glisse un poids lourd de la droite sénatoriale. À en croire un article du Monde, il aurait pu monnayer son soutien à Emmanuel Macron. « Je veux choisir le Premier ministre et je veux un groupe de 50 députés » aurait-il déclaré devant un élu, selon des propos rapportés par le quotidien. « De toute façon, nous nous sommes fracassés sur le rocher du premier tour. LR n’est plus dans le coup. À l’heure où l’on parle, nous ne sommes plus qu’un parti d’appoint », commente une parlementaire interrogée sur le rôle que pourrait jouer l’ancien leader de la droite dans la recomposition du paysage politique.

« Seul un vrai rassemblement peut nous sortir de l’ornière du populisme »

Ancien ministre du logement de Nicolas Sarkozy, le sénateur Marc-Philippe Daubresse estime que l’ex-chef de l’Etat, face à la menace que représente l’extrême droite, ne pouvait plus garder le silence. « On pouvait s’interroger sur le fait qu’il ne prenne pas position avant le premier tour, mais il n’y a aucun étonnement, dans un contexte où Marine Le Pen peut accéder à la présidence, à ce qu’il soutienne le camp républicain », salue-t-il. En revanche, il se montre plus nuancé lorsqu’il s’agit d’évoquer le reste du communiqué : « Je pense qu’il aurait dû attendre les législatives avant de poser cette réflexion. Pour savoir de quelle manière la France peut être gouvernée, il faut attendre les élections de juin. C’est le peuple qui choisit, laissons-le s’exprimer », balaye-t-il.

« À force de ne pas vouloir réagir à chaud, on finit par ne plus réagir du tout, même à froid », s’agace la sénatrice Céline Boulay-Espéronnier, qui trouve son compte dans la déclaration de l’ancien président. « Ma sensibilité n’était pas représentée par la motion adoptée lundi. Le parti a voulu maintenir l’unité, mais est-ce que l’on maintient l’unité avec un consensus mou ? Je pense que seul un vrai rassemblement peut nous sortir de l’ornière du populisme », soutient-elle. Et d’insister sur la proximité idéologique entre le marcheur et le fondateur des Républicains. « Le sarkozysme a infusé le programme d’Emmanuel Macron », souligne Céline Boulay-Espéronnier, qui cite le programme du président sortant sur le travail, les retraites ou encore l’éducation. « Nicolas Sarkozy reste une figure tutélaire de la droite. On ne peut pas accuser le dernier président de droite que nous avons eu de trahir la droite, de renoncer à ses idéaux. S’il fait ce choix, c’est parce qu’il pense être dans le sens de l’histoire », conclut-elle.

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