Entre souveraineté alimentaire et guerre en Ukraine : la visite de Marine Le Pen au Salon de l’agriculture

Entre souveraineté alimentaire et guerre en Ukraine : la visite de Marine Le Pen au Salon de l’agriculture

C’était ce mercredi au tour de Marine Le Pen de déambuler dans les allées du Salon de l’agriculture. Un passage obligé pour les candidats à l’élection présidentielle – et en particulier pour la candidate du RN – qui a pris des allures particulières, compte tenu de la situation en Ukraine.
Public Sénat

Par Louis Mollier-Sabet / Image : Samia Dechir

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C’est une chorégraphie savamment orchestrée. Marine Le Pen est arrivée ce matin au Salon de l’agriculture, et a fait son entrée dans le hall 1 devant l’enclos de « Neige », l’égérie de l’édition 2022 du Salon de l’agriculture. L’abondance n’était alors pas qu’une référence à la robe de la star du salon, mais aussi au nombre de journalistes et de visiteurs essayant d’attraper une image de la candidate du Rassemblement national. C’est presque devenu une règle : les premières semaines de mars des années d’élection présidentielle, les candidats s’empressent d’afficher leur familiarité avec le monde rural et l’agriculture.

« La tête de ma mère, c’est Marine Le Pen »

Les hommes politiques mériteraient presque leur stand au Salon de l’agriculture, tant les visiteurs les suivent, les observent et les photographient presque plus que les bovins, un peu lassés du flot de visiteurs. Devant des Salers du Cantal – pourtant magnifiques – un jeune garçon s’écrie ainsi « la tête de ma mère, c’est Marine Le Pen » et s’empresse d’appeler des amis en facetime pour leur faire partager sa trouvaille. « Je vais l’épouser », lâche un visiteur conquis, et un peu plus âgé. D’autres sont un peu plus circonspects, surpris, voire intimidés de se retrouver nez à nez avec la finaliste de la dernière élection présidentielle. Malgré le monde, la candidate du RN fait les choses dans les règles de l’art et discute quelques minutes avec l’éleveur des Salers, prends des photos devant ce bétail de première qualité et continue sa déambulation, où elle répétera l’opération tout le long des allées du hall 1 du Parc des Expositions.

Depuis Jacques Chirac, la ficelle est un peu grosse, mais l’effet bain de foule et le temps accordé aux exposants finit quand même par produire ses effets. Le travail de « dédiabolisation » de ces dernières années aussi, même si les agriculteurs ont toujours occupé une bonne place dans l’électorat du Front, puis du Rassemblement national. « Ça fait plaisir qu’elle s’arrête et qu’on discute. On attend beaucoup de la présidentielle et qu’on nous aide », confient par exemple les éleveurs d’Aurillac avec lesquels Marine Le Pen vient de discuter, sans toutefois être totalement convaincus : « On espère surtout avoir des actes derrière. » Et si le passage de Marine Le Pen est apprécié, c’est aussi par comparaison : « Il y en a un qui est venu samedi matin, il est passé au fond, là-bas, et il a filé. » Il est vrai qu’Emmanuel Macron, qui avait passé 14h au Salon lors de l’édition 2019 – un record – a dû, cette fois, écourter sa venue.

» Lire aussi : Salon de l’agriculture : « La guerre aura des conséquences sur nos exportations », prévient Emmanuel Macron

« Nous sommes en guerre » 2.0 ?

Alors que le Président de la République s’exprimera ce soir à 20h sur la situation en Ukraine, il est difficile pour la sacro-sainte valse des candidats au Salon de l’agriculture de se dérouler sur le rythme habituel. La dernière édition du Salon avait déjà été perturbée, il y a presque 2 ans, puisque la deuxième semaine d’exposition n’avait pas eu lieu. Dans la foulée, le 16 mars 2020, Emmanuel Macron avait annoncé le premier confinement aux Français par ces mots : « Nous sommes en guerre. » Il ne les répétera probablement pas ce soir, et – contrairement à 2020 – le Salon ne devrait pas être écourté. Mais le Salon de l’agriculture n’aura pas eu le retentissement politique habituel qu’il a lors des années d’élection présidentielle, à l’image d’une campagne qui n’aura jamais vraiment commencé.

Marine Le Pen en est consciente et ne trouve « rien d’anormal » à ce qu’Emmanuel Macron assume ce soir sa « casquette » de Président de la République, et de chef de la diplomatie et des armées françaises. En échange, la candidate du Rassemblement national estime qu’Emmanuel Macron devra prendre « son autre casquette de candidat à la présidentielle », notamment « parce qu’il doit un bilan aux Français. » Marine Le Pen attend donc non seulement une déclaration de candidature, mais aussi un débat avec le chef de l’Etat, dont l’entourage avait en effet évoqué la possibilité qu’Emmanuel Macron ne débatte pas avant le premier tour : « Si le président de la République, par stratégie, essaie de passer au-dessus des réponses qu’il doit aux Français sur ces sujets, il commet une véritable erreur et il est déconnecté de l’attente forte du peuple. »

« Il en va de la souveraineté alimentaire de la France, un pilier de notre liberté »

Mais la guerre en Ukraine ne fait pas que polluer la campagne électorale, elle a très rapidement plombé le cours de certaines matières premières et certains secteurs attendent encore les répercussions à long terme de cette crise. En tout état de cause, le choc sera rude, et le retour de bâton des sanctions économiques ne sera pas indolore, particulièrement pour le secteur agricole dépendant des exportations de blé ukrainien, russe et kazakh. Pour répondre à « l’augmentation très importante » du prix des matières premières et de l’énergie, Marine Le Pen demande des « aides directes d’urgence » et un « quoi qu’il en coûte » de l’agriculture, et non un « quoi qu’il en coûte de Bercy. »

Au-delà de la crise conjoncturelle due à la guerre en Ukraine, Marine Le Pen incrimine les politiques européennes (PAC) et les lois Egalim 1 et 2, qui ont d’après elle produit un « saccage stratégique de l’agriculture française. » Pour la candidate du Rassemblement national, « il y a le feu à la ferme » et l’Etat doit pouvoir intervenir « si nécessaire » pour « arbitrer les prix » et empêcher « une pression trop importante de la grande distribution sur les prix. » Marine Le Pen fustige aussi « les idées loufoques de la gauche, qui considère que ce n’est pas grave que les agriculteurs disparaissent, puisqu’on les remplacera par des migrants. Il en va de la souveraineté alimentaire de la France, un des piliers de notre liberté avec la souveraineté énergétique. »

» Lire aussi : Salon de l’agriculture : la « souveraineté alimentaire » au cœur des promesses des candidats

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