Il faudra attendre encore pour le texte immigration. Faute d’accord avec les LR, la première ministre Elisabeth Borne a annoncé ce mercredi que le projet de loi ne reprendra pas son parcours législatif dans l’immédiat. Les discussions pour la recherche d’un accord vont continuer.
« Aujourd’hui, il n’existe pas de majorité pour voter un tel texte, comme j’ai pu le vérifier hier en m’entretenant avec les responsables des LR. Ils doivent encore dégager une ligne commune entre le Sénat et l’Assemblée nationale, tenant compte de la nécessité de trouver une majorité dans chaque assemblée, autour d’un texte nécessairement équilibré. Aujourd’hui, ils n’y sont manifestement pas », a constaté la première ministre, en présentant sa feuille de route pour les prochains mois, à l’issue du Conseil des ministres. Et d’insister :
Le point de désaccord entre députés et sénateurs vient notamment du fait qu’Eric Ciotti, président des LR, veut des quotas de demandeurs d’asile. Mais les sénateurs n’en veulent pas, soulignant que la mesure serait censurée par le Conseil constitutionnel.
« Par ailleurs, ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays », souligne Elisabeth Borne
« Par ailleurs, ce n’est pas le moment de lancer un débat sur un sujet qui pourrait diviser le pays. Nous allons donc continuer les échanges pour trouver un chemin autour du projet de loi. Et si nous ne pouvons pas trouver d’accord global, nous présenterons en tout état de cause un texte à l’automne, avec comme seule boussole l’efficacité », annonce Elisabeth Borne, qui se dit malgré tout « confiante sur notre capacité à trouver un chemin ».
Du côté de Matignon, on explique qu’Elisabeth Borne s’est notamment entretenu avec le président LR du Sénat, Gérard Larcher, sur le sujet. Le projet de loi initial, qui avait été présenté par les ministres Gérald Darmanin et Olivier Dussopt, prévoit à la fois un durcissement des mesures d’éloignement et des régularisations pour les métiers en tension. Il a déjà été adopté en commission des lois au Sénat. Mais la majorité sénatoriale est divisée. Les LR refusent toute régularisation dans les métiers en tension, quand les centristes soutiennent le principe. Faute d’accord, ils n’avaient pas touché au principe en commission des lois, mais les LR annonçaient déjà des amendements de suppression pour les débats dans l’hémicycle. La majorité sénatoriale n’aura finalement pas eu le plaisir de montrer ses désaccords, puisque le texte a ensuite été retiré de l’ordre du jour de la séance, du fait de la crise politique résultant du recours au 49.3 sur les retraites.
« On n’a pas du tout renoncé à un titre métiers en tension », assure Matignon
Cette pause prolongée pour le texte immigration ne signifie pas pour autant que l’exécutif est prêt à couper la jambe gauche du texte, afin de plaire aux LR. « On n’a pas du tout renoncé à un titre métiers en tension », assure un responsable de Matignon, qui ajoute que « si nous avions renoncé à ça, il suffirait qu’on présente ce texte-là (celui déjà adopté en commission des lois au Sénat, ndlr). Ce n’est pas du tout le cas ». Si les discussions n’aboutissent pas avec les LR, le texte présenté à l’automne « sera un autre texte », précise-t-on toujours du côté de Matignon. Soit un nouveau projet de loi.
Emmanuel Macron avait exprimé de son côté, en début de semaine, son souhait d’« une loi efficace et juste, en un seul texte tenant cet équilibre », alors qu’il avait annoncé fin mars vouloir saucissonner le projet de loi en plusieurs textes, face à la difficulté de trouver une majorité sur le texte d’origine.
« On va se donner le temps pour avoir un travail plus serein et posé »
Mais alors que le chef de l’Etat semble remettre en haut de la pile le sujet immigration, sa première ministre affiche une volonté de prendre le temps nécessaire, le temps de trouver un difficile compromis. « On ne va pas lancer un ballon qui s’appelle projet de loi immigration, si c’est pour avoir de la surenchère. On va se donner le temps pour avoir un travail plus serein et posé », soutient un proche d’Elisabeth Borne à Matignon. La première ministre ne désespère pas de trouver une majorité. Mais pour l’heure, elle renvoie la faute sur les LR, sans qui pourtant, Elisabeth Borne ne trouvera pas d’issue au texte, sauf à recourir au 49-3.
« Sur le 49-3, je vous le redis, ma volonté est de chercher des majorités », répète la première ministre, qui avait exclu de l’utiliser à nouveau, en dehors des textes budgétaires. Sur le sujet, Emmanuel Macron est lui moins affirmatif… Les deux têtes de l’exécutif ont parfois deux visions distinctes des choses.