Législatives : « Au fond du trou », le PS doit tout reconstruire

Législatives : « Au fond du trou », le PS doit tout reconstruire

Rien n’a été décidé au bureau national du PS, au lendemain d’une défaite historique. Rendez-vous est pris pour un conseil national à la fin du mois. Mais le travail de reconstruction sera long pour un PS explosé façon puzzle par la vague Macron.
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Un champ de ruines. Le Parti socialiste se retrouve laminé, au lendemain du premier tour des élections législatives. Elles prennent la forme d’une réplique de la présidentielle. Le PS/PRG/divers gauche ne rassemblent que 9,51% des voix sur l’ensemble du territoire. Dimanche prochain à l’issue du second tour, Solférino ne pourra conserver que 20 à 30 sièges. Un cataclysme politique pour les socialistes.

« La grande explication va venir, mais elle n’est pas pour aujourd’hui »

Devant les grilles du siège, dont la vente est évoquée pour renflouer des caisses qui vont en prendre un sérieux coup, les journalistes attendent les quelques socialistes qui s’aventurent jusqu'au bureau national de ce lendemain de défaite. Les mines sont sombres, les lunettes de soleil de rigueur. Gueule de bois électorale. « Vous voulez quoi ? Que je saute dans la Seine ? Que je me flagelle sur la place publique ? » s’agace l’ancienne ministre Laurence Rossignol, qui va retrouver sa place au Sénat la semaine prochaine. « Vous voulez voir mourir la bête ? Elle n’est pas encore morte » lâche en poussant la lourde porte le député européen Emmanuel Maurel, responsable de l’aile gauche. La bête n’est peut-être pas morte, mais au sol et gisante.

Seule une trentaine de membres du bureau national a fait le déplacement pour écouter Jean-Christophe Cambadélis. Bien que terriblement affaibli, lui-même éliminé dès le premier tour, « il était comme un Sphinx » raconte un participant. En réalité, au-delà du constat de catastrophe et de défaite historique – « une crise sociologique, idéologique et stratégique » résume Emmanuel Maurel – rien n’a été décidé. « La grande explication va venir, mais elle n’est pas pour aujourd’hui. Ce sera la semaine prochaine. Et les gens importants n’étaient pas là », raconte un autre. Le bureau national se réunira lundi prochain sous forme d’un séminaire, qui pourrait prendre des allures de thérapie de groupe, avant un conseil national annoncé pour le 24 juin.

« Cambadélis fait partie de cette génération qui doit passer la main »

Avant le bureau de ce lundi, où les ex-frondeurs étaient bien représentés, certains voulaient pourtant en découdre. Gérard Filoche a poussé un coup de gueule dont il a le secret, mettant la responsabilité de la situation sur les dos de « Hollande et Valls » (voir la vidéo). Alexis Bachelay, proche de Benoît Hamon, éliminé comme son camarade dès le premier tour, commence par expliquer qu’il ne demande pas la démission du premier secrétaire, tout en l’enterrant : « La tête de Cambadélis a déjà roulé dans la sciure. On ne va pas tirer sur l’ambulance » lance-t-il, avant de dégommer ceux « qui se sont accrochés pendant 20 ans, les Guigou, les Cambadélis. (…) [Ce dernier] fait partie de cette génération qui doit passer la main ».

« C’est une opération mains propres. Les Français en avaient marre de voir les mêmes têtes à droite comme à gauche depuis 20 ou 30 ans », continue Alexis Bachelay, « on va faire une cure d’opposition, une cure d’humilité aussi. On avait quasiment tous les pouvoirs il y a 5 ans, là on est quasiment au fond du trou ». Regardez :

Alexis Bachelay : "On avait quasiment tous les pouvoirs il y a 5 ans, là on est quasiment au fond du trou"
00:38

« Aujourd’hui nous sommes à terre. Soit on est assez intelligent pour avoir un collectif soudé, soit nous allons disparaître »

A la sortie, le ton a subitement changé et devient plus mesuré. « C’était un début d’analyse. On aura d’autres moments pour s’expliquer. C’est une catastrophe, on peut utiliser tous les superlatifs, mais on reconstruira » souligne l’ex-député des Hauts-de-Seine.

Eduardo Rihan-Cypel, lui aussi emporté par la vague En Marche, ne fait pas du cas Cambadélis le sujet du jour : « Je ne crois pas que la priorité soit de couper des têtes ». « Aujourd’hui nous sommes à terre. Soit on est assez intelligent pour avoir un collectif soudé, soit nous allons disparaître » prévient-il. « Ce serait une solution de facilité (de changer de premier secrétaire). Et ça change quoi ? Ce n’est pas le sujet » confirme la conseillère régionale d’Ile-de-France, Marie-Pierre de la Gontrie, future candidate aux sénatoriales de septembre sur la liste socialiste parisienne. Une ancienne ministre, abonde : « Je ne vois pas pourquoi on déstabiliserait davantage le bateau en faisant un putsch sur le capitaine. Cambadélis a des qualités politiques et la lucidité ». Un autre socialiste remarque que de toute façon, « aucun n’est en position de se présenter comme un recours quelconque… »

Pour l’heure, les socialistes vont tenter de sauver ceux qui peuvent encore l’être, en jouant de l’argument de « la diversité démocratique nécessaire à l’Assemblée » affirme Rachid Temal, secrétaire national à l’organisation. Gérard Filoche appelle à un désistement réciproque avec les candidats de la France insoumise pour « avoir le maximum de députés pour un groupe parlementaire rouge-rose-vert ». Mais « depuis le début, la France insoumise a toujours rejeté tout accord » remarque Rachid Temal.

Avant de s’en remettre, les socialistes sont partis pour un long travail sur eux. « On n’en a pas pour 48 heures. Il faudra du temps » explique une socialiste. Marie-Pierre de la Gontrie abonde en ce sens :

« Un parti, c’est comme un être humain. Il y a un temps de deuil, de métabolisation et un temps de rebond ».

Mais déjà, certains ont une idée sur la ligne à suivre. « Si l’on veut redonner du souffle à la gauche et à l’idée socialiste, il faut repenser complètement l’organisation du parti, affiner son cap stratégique, être résolument à gauche,  donc pour la stratégie d’unité des forces de gauche, ne pas être un faux nez d’En Marche ou un groupuscule d’appoint de la majorité présidentielle » soutient la sénatrice de l’aile gauche, Marie-Noëlle Lienemann. Elle continue : « Personne ne s’impose comme leader naturel dans ce parti. La première phase c’est d’être bien au clair sur le cap stratégique. Ça va se jouer assez vite quand il y aura le vote de confiance pour le gouvernement. Ce sera pour ou contre. Toute ambiguïté serait mortifère et acterait un éclatement encore bien plus important ». Regardez :

Marie-Noëlle Lienemann : "Le PS ne doit pas être un faux nez d’En Marche"
00:24

Analyse que ne partage certainement pas l’ex-ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, qui s’en sort bien dans sa circonscription de la Sarthe où La République En Marche n’avait pas mis de candidat. Il a « compris » qu’« il fallait donner une majorité à Emmanuel Macron » et se dit « constructif ». Le réel va vite rappeler les socialistes à leurs divisions : vote de confiance, qui définit l’appartenance à la majorité, puis vote sur les ordonnances sur la loi travail.

« Je vais retourner chercher du boulot »

Dans l’immédiat, les 120 salariés de Solférino ne pourront certainement pas échapper à un plan social. Le parti va voir ses subventions publiques considérablement réduites et devra réduire la voilure. Elles étaient de 26 millions d’euros en 2012, lorsque le PS avait 279 députés… Elles sont notamment fonction du nombre de parlementaires et du nombre de voix obtenues aux législatives. Un comité d’entreprise est prévu à la fin du mois pour aborder ces questions.

Si le PS panse ses plaies, certains quadras pensent déjà à l’avenir. Bien que défait dès le premier tour, Eduardo Rihan Cypel, 41 ans, s’imagine en être. « Je veux reconstruire, ça va être le rôle de ma génération. Je serai de ceux qui vont reconstruire notre famille » assure le socialiste, qui ne souhaite pas que le PS devienne « un parti satellite de la gauche » comme « le PRG ou le PCF ». Alexis Bachelay, 43 ans, en rigole, tout en y pensant : « Si je reste en vie et en bonne santé, dans 15 ans, je suis encore là ! ». D’ici là, il sait quoi faire : « Je vais retourner chercher du boulot ». Comme la majorité des députés socialistes.

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