French Parliamentary Elections, Paris, France – 07 Jul 2024

Législatives : au Rassemblement national, le temps du bilan

Alors qu’il espérait la majorité absolue, le RN doit finalement se contenter de la troisième place après les législatives. Au sein du parti, l’heure est donc au bilan et à la réorganisation, avec la démission de Gilles Pennelle, notamment chargé d’identifier des candidats pour ces élections anticipées. Un départ qui pose la question de la formation des militants du parti, épinglés durant la campagne pour leurs propos polémiques.
Rose-Amélie Bécel

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Annoncé vainqueur des élections législatives durant toute la campagne, espérant une majorité absolue ou misant du moins sur une confortable majorité relative, le Rassemblement national se retrouve finalement en troisième position à l’issue du second tour des élections législatives. Avec 142 députés contre 88 lors de la précédente législature, le parti réalise une percée historique, mais reste loin de Matignon et est écarté d’office de toutes les discussions pour former un nouveau gouvernement.

Le 7 juillet au soir, dans son discours après l’annonce des résultats, Jordan Bardella fustigeait les « arrangements électoraux » et l’« alliance du déshonneur » entre le bloc de gauche et le bloc macroniste, pour faire barrage à l’élection de ses candidats dans de très nombreuses circonscriptions.

Mais désormais, parmi les cadres du parti, l’heure est à l’« examen de conscience », comme l’a appelé de ses vœux le premier vice-président du parti Louis Aliot, au micro de RTL au lendemain du second tour. Le président du Rassemblement national reconnaissait ainsi devant les caméras sa « part de responsabilité, tant dans la victoire aux élections européennes que dans la défaite d’hier ». Au même moment, sur Twitter, Marine Le Pen invitait son parti à « faire aussi le bilan de ce qui peut être, incontestablement, amélioré dans l’avenir ».

Avec sa démission, Gilles Pennelle paye-t-il l’échec du « plan Matignon » ?

Cet examen de conscience post-législatives semble avoir fait sa première victime dès le 8 juillet, avec la démission de Gilles Pennelle, directeur général du Rassemblement national, d’abord annoncée par Le Monde puis confirmée quelques heures plus tard par l’AFP. Élu eurodéputé début juin, le conseiller régional breton occupait ses fonctions dans le parti depuis 2022, dans la foulée de l’élection de Jordan Bardella à la présidence du RN. Aux côtés du président, il était notamment à la tête des différentes fédérations locales du parti, de la formation des cadres et élus, mais aussi du service élections.

Il était aussi et surtout l’artisan du « plan Matignon », un vaste programme d’anticipation d’une prise du pouvoir du RN avant 2027, visant à préparer 577 profils capables de se porter candidats pour le parti dans toutes les circonscriptions du pays en cas de dissolution de l’Assemblée. Deux ans plus tard, des dizaines de candidats pour ces législatives 2024 ont été épinglés dans les médias pour leurs propos racistes, antisémites ou complotistes. D’autres ont révélé un certain manque de compétences politiques dans leurs débats sur les chaînes de télévisions locales.

Avec sa démission, Gilles Pennelle paye-t-il l’échec du « plan Matignon » ? Absolument pas, tranchent deux sénateurs du Rassemblement national. « Je sais de source sûre que son départ était acté depuis les élections européennes, car il était en position éligible. Il jouera certainement toujours un rôle, mais plus à la tête des fédérations du parti », affirme Aymeric Durox. « Gilles Pennelle avait prévu de ne pas conserver sa place, comment voulez-vous être à la fois eurodéputé et directeur général de parti ? », ajoute Joshua Hochart. « Son départ n’avait pourtant jamais été évoqué avec la presse ni communiqué aux cadres du mouvement », observent pourtant les journalistes du Monde dans leur article annonçant sa démission.

« Nous devenons un mouvement de masse, ce qui implique un renouvellement en interne »

Quoi qu’il en soit, deux ans après l’élection de Jordan Bardella à sa tête, le Rassemblement national semble aujourd’hui amorcer une nouvelle réorganisation. « Nous devenons un mouvement de masse, avec plus d’électeurs et plus de moyens, ce qui implique un renouvellement en interne », remarque Aymeric Durox. La question de la formation des candidats s’impose donc de nouveau comme un enjeu pressant, dans le contexte d’une Assemblée nationale instable, qui pourrait de nouveau être dissoute dans un an.

« S’agissant des candidats qui ont tenu des propos qui n’ont pas à être tenus, à ma connaissance aucun n’a été élu. On peut en conclure que cela a joué un rôle pour le parti dans ces élections », note le sénateur RN de Seine-et-Marne. Son collègue du Nord Joshua Hochart mise sur « la solidarité au sein du parti » : « Nos candidats sont nombreux à venir des classes populaires, ils ont moins d’aisance dans les médias que des énarques, mais cela ne fait pas d’eux de mauvais députés. En faisant grandir notre délégation à l’Assemblée, les nouveaux entrants vont contribuer à la formation des futurs élus. »

« Le Rassemblement national a toujours manqué de cadres et fonctionné de façon centralisée »

Le problème de la professionnalisation des candidats du Rassemblement national pourrait-il se régler de lui-même, par une augmentation du nombre d’élus ? Pour la sociologue Safia Dahani, codirectrice de l’ouvrage Sociologie politique du Rassemblement national, il reste structurel : « Il n’y a pas de formation institutionnalisée des militants, en tout cas je ne l’ai pas observée sur le terrain. Le Front national, devenu Rassemblement national, a toujours manqué de cadres et fonctionne de façon centralisée, avec beaucoup de turnover et d’évictions en interne ». « Il y a bel et bien une cinquantaine de cadres supérieurs qui sont formés au RN. Ce qui n’a pas changé, c’est la formation au niveau des militants, qui n’est pas excellente », expliquait de son côté le sociologue Erwan Lecœur, interrogé par Public Sénat ce 8 juillet.

Cet enjeu avait d’ailleurs bien été identifié par Jordan Bardella, qui avait fait de la formation des militants l’un des points de sa feuille de route lors de son élection à la tête du parti. Dans une interview accordée à Ouest France après sa nomination comme directeur général, Gilles Pennelle le listait également parmi ses priorités : « Il y a une volonté de très forte professionnalisation du parti dans l’objectif de la prise du pouvoir. C’est un immense chantier ». Une chose est sûre, ce n’est désormais plus lui qui s’y attellera.

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