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Législatives : comment expliquer la « revitalisation » du « front républicain » ?

Alors que beaucoup d’analystes et de sondeurs avaient plus ou moins enterré le « barrage républicain » contre le RN à l’aune des dernières élections, le parti d’extrême-droite n’a finalement obtenu qu’entre 138 et 145 députés, loin derrière l’alliance de gauche et la majorité présidentielle. « Cet enjeu de contrer la possible victoire du RN a été extrêmement mobilisateur », souligne Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa.
Alexis Graillot

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Coup de théâtre au soir du 2e tour des élections législatives. Alors que l’ensemble des sondeurs prédisait une majorité, a minima relative en faveur du RN, le parti à la flamme a subi une sévère déconvenue, ne recueillant qu’entre 138 et 145 sièges, soit presque 1,5 à 2 fois qu’estimés dans les dernières intentions de votes.

Un « front républicain » d’autant plus étonnant que la gauche n’avait remporté que la moitié de ses duels face au RN en 2022. Une campagne qui avait alors revêtu des enjeux tout autres, puisque la poussée du RN n’avait pas été observée dans les sondages. Le parti dirigé à l’époque par Marine Le Pen avait en effet recueilli 89 députés, très loin des 20-50 estimés.

« Des désistements accompagnés d’encouragements »

Fait majeur de cet entre-deux-tours : les désistements. En effet, les estimations de notre partenaire Ipsos (lire notre article) montraient que les électeurs du NFP et d’Ensemble ont massivement joué le jeu du « front républicain ». 72 % des électeurs de l’alliance de gauche se sont ainsi reportés sur les candidats de la majorité présidentielle lorsque ceux-ci affrontaient un candidat RN. Quant aux électeurs d’Ensemble, ils ont voté 2 fois plus pour un candidat LFI qu’un candidat RN (43 % vs 19 %), et encore plus massivement pour un candidat PS, EELV ou PCF (54 % vs 15 %).

« Cet enjeu de contrer la possible victoire du RN a été extrêmement mobilisateur », note Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa, pour qui « le vote pour faire barrage au RN est devenu un élément communément partagé ». Et de continuer : « Cette revitalisation a été accentuée par l’ampleur des enjeux ». Le « front républicain » s’est avéré d’autant plus important que l’exécutif s’est massivement mobilisé durant cet entre-deux-tours pour ne pas mettre « d’équivalence » entre le RN et le NFP. Sur France Inter, le 3 juillet dernier, Gabriel Attal appelait d’ailleurs à faire « barrage » au parti d’extrême-droite, même avec un bulletin LFI… alors même que le Premier ministre dénonçait le 13 juin dernier, à l’occasion d’un déplacement à Boulogne-sur-Mer, un « accord de la honte » entre les différentes composantes du NFP. « Ces désistements ont été accompagnés d’encouragements dans la grosse partie des cas », dissèque le sondeur, qui souligne particulièrement le rôle du parti présidentiel dans ce barrage. « Ensemble a joué un rôle positif, ça a enjoint les électeurs à pratiquer ce front républicain », fait-il valoir.

Pour autant, le « front républicain » s’est traditionnellement pratiqué en l’absence de « contrepartie électorale », à l’image du choix des listes de gauche de se retirer en Nord-Pas-de-Calais et en PACA, à l’occasion des élections régionales de 2015. En l’espèce, l’absence de majorité claire pour un bloc dans cette élection obligera sans nul doute les partis à opérer des « contreparties programmatiques », note le sondeur.

Une campagne du RN marquée par les polémiques

Candidats « fantômes », propos racistes, multiples maladresses, imbroglio sur la binationalité et la réforme des retraites, de nombreuses controverses ont émaillé la campagne du RN, laissant planer le doute sur la capacité du parti dirigé par Jordan Bardella à gouverner le pays. « On a vu que le 1e tour des législatives avait permis aux candidats d’atteindre des scores relativement élevés », analyse Erwan Lestrohan. Avant d’ajouter : « En revanche au 2e tour, les candidats RN ont dû sortir du bois dans des circonscriptions où les habitants se sont dits que les compétences requises pour être député n’étaient pas réunies », continue-t-il.

Pour le directeur conseil chez Odoxa, ce 2e tour a constitué un « référendum pour ou contre le RN », alors même que les élections européennes d’il y a quatre semaines, avaient débouché sur un « référendum pour ou contre la majorité ». Le sondeur s’estime à cet égard, « impressionné » par l’ampleur des reports de voix, dont il reconnaît que les estimations par les sondeurs à la veille de l’élection, étaient « timides » (lire notre article). Il cite à cet égard les exemples de François Ruffin et d’Élisabeth Borne, malmenés au 1er tour face à leur adversaire RN, et qui ont finalement réussi à renverser la vapeur, un peu contre toute attente. « Cela montre que les Français sont capables de faire front républicain », analyse-t-il, expliquant cependant que ces reports « singuliers » s’opèrent au regard de « l’intensité de la menace ».

Néanmoins, au regard de cette assemblée fragmentée, difficile de savoir comment la chambre basse pourra être gouvernable. Mais pour Erwan Lestrohan, il est important d’éviter une vision centrée sur le point de vue des états-majors des partis. « Les Français sont probablement beaucoup plus satisfaits de cette majorité introuvable que les partis politiques », analyse-t-il, notant que la composition de l’Assemblée en 2022 « convenait bien aux personnes interrogées ».

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