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Législatives : en accusant Emmanuel Macron de « coup d’Etat administratif », Marine Le Pen prépare « une cohabitation de combat »

Sur France Inter, ce 2 juillet, Marine Le Pen a accusé Emmanuel Macron de tenter un « coup d’Etat administratif » en procédant à une vague de nominations à certains emplois clés de l’Etat. Une formule polémique autant que politique, mais qui pose la question de la répartition des pouvoirs au sein de l’exécutif.
Henri Clavier

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« Coup d’Etat administratif », c’est par cette formule forte que Marine Le Pen a évoqué la vague de nominations à des postes clés de l’administration lors du Conseil des ministres du 26 juin. L’ex candidate à l’élection présidentielle accuse également le locataire de l’Elysée de vouloir « contrer le vote des électeurs ». Un couplet également repris par Éric Ciotti qui voit dans cette vague de nominations un « signe de défaite ». Prudence prévient néanmoins Bruno Daugeron, professeur de droit public à l’Université Paris-Cité, affirmant qu’il s’agit « d’une formule politique et non juridique ». Dans un communiqué, l’Elysée rappelle qu’ « être en responsabilité suppose du sang froid et de la mesure », avant de mentionner l’article 13 de la Constitution qui énonce que « le Président de la République nomme aux emplois civils et militaires ».

Le Conseil des ministres du 26 juin a effectivement entériné un certain nombre de nominations, et d’autres pourraient suivre lors du prochain Conseil des ministres, ce mercredi 3 juillet. Ces nominations concernent des emplois de hauts fonctionnaires, à des postes clés de l’administration, des emplois militaires (notamment le chef de l’état-major de l’armée de l’air), plusieurs ambassadeurs, ainsi que deux recteurs.

« C’est habituel, il est déjà arrivé dans le passé qu’il y ait, avant une échéance électorale, un mouvement de nominations »

« Il n’y a pas de difficulté juridique, aucun texte n’est violé, ce genre de nomination est conforme et cela suit la liste des postes énumérés à l’article 13 et aux textes qui complètent cette disposition », assure Julien Bonnet, professeur de droit public à l’Université de Montpellier. « C’est habituel, il est déjà arrivé dans le passé qu’il y ait, avant une échéance électorale, un mouvement de nominations », abonde Bruno Daugeron. L’article 13 de la Constitution prévoit d’ailleurs que le Président de la République signe les décrets pris en Conseil des ministres, et nomme aux emplois civils et militaires. La loi fondamentale énumère un certain nombre de postes, dont les ambassadeurs, les conseillers d’Etat, les préfets ou les recteurs d’académie. Une ordonnance de 1959 et un décret de 1985 complètent la liste des postes dont la nomination doit être décidée en Conseil des ministres. Naturellement, les personnes nommées en Conseil des ministres ne peuvent être révoquées que par un décret en Conseil des ministres. « Le pouvoir de nomination du Président de la République a été élargi depuis le décret de 1985 qui étend la liste des nominations devant se faire en Conseil des ministres », souligne Bruno Daugeron.

« Une manifestation du présidentialisme »

Au-delà de l’extension des nominations en Conseil des ministres, la pratique des institutions a multiplié la signature de décrets en Conseil des ministres. « Une manifestation du présidentialisme », selon Bruno Daugeron, alertant sur la répartition floue des compétences au sein du pouvoir exécutif, c’est-à-dire entre le Premier ministre et le Président de la République. Concrètement, cela signifie que, dans l’éventualité d’une cohabitation avec Emmanuel Macron, le Premier ministre devra probablement composer avec Emmanuel Macron s’il veut revenir sur les nominations du 26 juin. La jurisprudence du Conseil d’Etat affirme par ailleurs, qu’à partir du moment où un décret, même simple, est présenté en Conseil des ministres, celui-ci doit être signé par le Président de la République.

« Le chef du nouveau gouvernement devra en passer par la signature du Président de la République »

En effet, conformément à l’article 13 de la Constitution, les décrets de nomination doivent être signés par le Président de la République. « Le chef du nouveau gouvernement devra en passer par la signature du Président de la République. Donc, toute la question est de savoir si le Président de la République a le droit de conditionner sa signature et refuser de signer un décret », explique Bruno Daugeron. En 1986, François Mitterrand s’était opposé à son Premier ministre, Jacques Chirac et avait refusé de signer les ordonnances. Néanmoins, cette interprétation de la Constitution n’a rien de figé et dépend assez largement du capital politique dont bénéficie le chef de l’Etat. « On est toujours à la limite, il y a ce que le droit dit et ce que la légitimité permet de faire. Les contraintes qu’un Président pourrait opposer à son gouvernement dépendent de sa légitimité politique », considère Julien Bonnet. En cas de refus de signer certains décrets ou ordonnances, aucune juridiction ne serait en mesure d’apprécier la légalité de ce positionnement, conformément à la théorie des actes de gouvernement.

Ainsi, en cas de majorité absolue du RN, le nouveau Premier ministre devra convaincre le chef de l’Etat d’apposer sa signature sur les décrets de nomination en Conseil des ministres. « Dans cette hypothèse, il ne pourrait pas faire ce qu’il veut concernant la nomination des préfets, incarnation de l’Etat dans les départements, et qui font partie de la liste des emplois de l’article 13 », analyse Bruno Daugeron.

Préparer le rapport de force

En multipliant les interprétations de la Constitution, Marine Le Pen semble poser ses termes d’une possible cohabitation qui s’annonce tendue. En effet, aucune disposition de la Constitution ne précise la répartition des rôles entre le chef du gouvernement et le chef de l’Etat en cas de cohabitation. « Ça annonce une cohabitation plutôt de combat », juge Bruno Daugeron. En affirmant, qu’avec ces nominations Emmanuel Macron cherche à « contrer la volonté du peuple », Marine Le Pen oppose la légitimité du Président de la République et celle de la majorité issue de l’Assemblée nationale. Sans doute une façon d’acculer Emmanuel Macron et de le pousser à la démission en cas de blocage. Ou une manière de préparer son électorat à un renoncement sur certaines promesses électorales.

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