« J’ai essayé, mais je n’y arrive plus ». Dans un communiqué publié sur Twitter dans la nuit de lundi à mardi, le militant Taha Bouhafs indique qu’il renonce à se présenter aux élections législatives dans le Rhône. Une information confirmée dans la matinée par Alexis Corbière, sur France 2. « Tout cela est un grand constat d’échec », a déploré le député de la Seine-Saint-Denis à propos du jeune homme qui avait reçu l’investiture LFI, une décision qui était loin de faire l’unanimité au sein de la « Nouvelle union populaire, écologiste et sociale » (NUPES). « Nous voulons que l’Assemblée nationale, que l’on appelle la maison du peuple, soit le lieu où se réunissent des femmes et des hommes qui sont toute la richesse de notre peuple », a encore déclaré Alexis Corbière.
« Je m’en veux de ne pas avoir su le réconforter autant que nécessaire »
« Taha Bouhafs retire sa candidature aux législatives. Une meute s’est acharnée contre lui », a estimé le leader insoumis, Jean-Luc Mélenchon, également sur Twitter. « À 25 ans, c’est lourd de vivre avec des menaces de mort et des mises en cause publiques quotidiennes. Je m’en veux de ne pas avoir su le réconforter autant que nécessaire », écrit encore le candidat malheureux à la présidentielle. Pour sa part, Clémentine Autain, qui avait défendu la candidature de Taha Bouhafs sur notre antenne la semaine dernière, a dénoncé dans un tweet « la violence des attaques venues de l’extrême droite, relayées ad nauseam dans les médias, par la macronie et jusque dans certains rangs à gauche ».
« On peut s’inquiéter du fait que des habitants de cités populaires qui décident de s’engager subissent des campagnes de calomnie comme celle qu’a subie Taha Bouhafs », a également voulu alerter le coordinateur de La France insoumise, Adrien Quatennens, sur Sud Radio mardi matin.
La colère des communistes
Journaliste indépendant, Taha Bouhafs est connu pour avoir filmé et diffusé la vidéo à l’origine de l’affaire Benalla, en marge des violences du 1er mai 2018. Il a été condamné en juin 2020 pour « injure publique eu raison de l’origine », après avoir qualifié sur Twitter la syndicaliste policière Linda Kebbab d'« arabe de service ». Taha Bouhafs a fait appel de cette décision, mais son investiture dans la 14e circonscription du Rhône, un bastion communiste jusqu’en 2012, a déclenché une importante polémique, aussi bien dans les rangs de la gauche que de la droite.
Lundi sur France 2, Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français, avait interpellé LFI pour demander au mouvement de « revoir » la candidature de Taha Bouhafs. « Je ne comprends pas que La France insoumise puisse présenter quelqu’un sous ses couleurs qui a été condamné en première instance pour injure raciale », a-t-il déclaré. Il a également invoqué « la colère et la candidature de Michèle Picard », la maire communiste de Vénissieux, déjà candidate aux législatives de 2012 et 2017.
La semaine dernière, alors que l’accord électoral à gauche n’était pas totalement bouclé avec le PS, la fédération socialiste locale s’était fendue d’un communiqué qui, sans citer nommément Taha Bouhafs, semblait implicitement le viser : « Nous invitons [LFI, le PC et EELV] à investir des candidats qui s’inscrivent pleinement dans le respect de ces valeurs communes. Il serait particulièrement dommageable que la grande alternative de Gauche que nous souhaitons proposer aux Français soit perturbée par la présence de candidats […] suscitant le trouble et la polémique en raison de condamnation sur le plan judiciaire ».
« Depuis plusieurs semaines, j’encaisse une tempête d’attaques sans précédent. Tous les jours, une nouvelle calomnie, une nouvelle insulte, une nouvelle menace de mort, une nouvelle accusation », rapporte Taha Bouhafs dans son communiqué. « J’ai sous-estimé la puissance de ce système quand il veut vous broyer », ajoute-t-il. « J’ai été soutenu, pas assez pour tenir, mais assez pour être reconnaissant ».
« Nous prenons connaissance du retrait du candidat présenté par la France Insoumise pour la 14e circonscription », ont réagi les communistes de Vénissieux dans un communiqué relayé par la presse locale, estimant que « la raison l’a emporté ». « La NUPES doit reconnaître Michèle Picard comme la candidate qui peut rassembler toute la gauche. Nous attendons maintenant son soutien », ajoutent-ils. Une injonction qui n’est pas du goût de tout le monde à gauche. « Bien évidemment, c’est La France insoumise qui choisira sa candidature sur cette circonscription et personne d’autre », a fait savoir sur Twitter Manuel Bompard, qui a piloté pour LFI les négociations entre les différents partis de gauche en vue des législatives.
« Cette circonscription a été attribuée à LFI, et nous n’avons pas à discuter du choix de leur candidat »
« On a tous fait cet accord parce que ce sont les électeurs qui le demandaient. Pour une fois, les partis ont écouté le message transmis, mais l’accord en lui-même a été compliqué à faire, cela a nécessité des discussions un peu ferme », rappelle auprès de Public Sénat, le sénateur écolo Guy Benarroche, secrétaire régional d’EELV en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Maintenant, à partir du moment où l’accord a été accepté, il faut respecter le fait que cette circonscription a été attribuée à LFI, et nous n’avons pas à discuter du choix de leur candidat, même si je comprends la position des communistes », ajoute-t-il, en précisant que les Verts n’avaient pas de raisons de dénoncer l’investiture de Taha Bouhafs. « Il est jeune, il a sûrement dit un certain nombre de choses de manière très maladroite, comme tout un tas d’hommes politiques avant lui, mais est-ce que cela justifie toutes ces attaques ? Je ne le crois pas. »
Guy Benarroche identifie trois circonscriptions susceptibles de nourrir les crispations au sein de l’alliance électorale à gauche : la 15e circonscription de Paris ou s’annonce un duel entre la candidate investie, Danielle Simonnet (LFI), et la députée socialiste sortante Lamia el Aaraje ; celle du socialiste et opposant au Mariage pour tous Jérôme Lambert, en Charente ; et enfin la circonscription abandonnée ce lundi par Taha Bouhafs. « Est-ce que ce genre de tensions sur les investitures peut abîmer l’accord ? » interroge le sénateur. « Si cela se passait dans 50 circonscriptions, ce serait dommageable. Mais là je n’en vois que trois, et je trouve plutôt remarquable, d’ailleurs, qu’il n’y en ait pas plus. »