Si les modèles des différents instituts de sondage se confirment, la République en marche et ses alliés du MoDem, qui ont récolté 32,3% à eux deux au premier tour, pourraient ravir plus de 400 sièges de l’Assemblée nationale ce dimanche.
Cette perspective d’un Palais Bourbon dominé à plus de 70% par la majorité présidentielle préoccupe 53% des électeurs interrogés par Elabe. Selon ce sondage réalisé les 13 et 14 juin pour RMC et BFMTV, 61% des Français souhaitent même que le second tour « rectifie le premier tour en apportant une majorité moins importante que prévu » au président de la République. Parmi les électeurs d’Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, ils sont 40% à se prononcer en faveur de ce correctif.
La proportion s’élève chez les partisans des formations politiques arrivées derrière LREM au premier tour des législatives : 62% chez les électeurs proches du PS ou du PRG, 77% pour ceux de la gauche non socialiste, 74% pour les Républicains et 84% pour les partisans du Front national.
Ces chiffres sonnent en premier lieu comme une mise en garde. « Cela vaut pour avertissement à Emmanuel Macron et l’exécutif parce que la large majorité qu’ils auront au sein de l’Assemblée nationale n’est pas le reflet d’une majorité au sein du pays », commentait ce matin sur RMC Yves-Marie Cann, le directeur des études politiques d’Elabe.
« Peu de candidats en mesure de rectifier le premier tour »
Cette volonté de certains électeurs de vouloir corriger les excès du premier tour peut-elle se concrétiser dimanche ? « Cela me semble difficile », nous répond Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof :
« Il y a quand même très peu de candidats qui vont être en mesure de rectifier le tir au second tour. L’essentiel des configurations sont des duels LREM contre LR : l’essentiel des seconds tours vont attirer des électeurs de ces deux formations. »
Le politologue concède que cette envie de correction pour six Français sur dix « peut jouer sur une partie de l’électorat LR qui a envie de redresser » le premier tour. « Mais il est pas mal déboussolé, avec un Premier ministre et un ministre de l’Économie issus de leurs rangs », note-t-il.
Et la barre est haute. « L’écart en moyenne nationale entre LREM et LR est tellement important qu’on ne voit pas comment c’est possible. Il faudrait un énorme sursaut d’abstentionnistes de droite pour corriger » le premier tour, estime Bruno Cautrès.
Durant les trois derniers scrutins, mis à part 2007, où l’abstention s’était stabilisée au deuxième tour (+ 0,4 point par rapport au premier), l’abstention des électeurs a toujours progressé d’un tour à l’autre, passant de 35,6% à 39,7% en 2002, et de 42,8 à 46,7% en 2012. Yves-Marie Cann expliquait ce matin sur RMC :
« Si cette participation baisse par rapport à dimanche, cela risque d’amplifier la dynamique en faveur d’Emmanuel Macron et de ses futurs députés. En revanche si les oppositions mobilisent davantage, cela pourrait contribuer à rectifier à la marge. Car aujourd’hui, il n’y a pas de suspense quant à savoir si En Marche aura la majorité absolue ou pas au sein de la future Assemblée. »
Reflux marqué de la droite aux législatives de 2007
Historiquement, les seconds tours des élections législatives ont rarement infléchi les dynamiques enclenchées au premier tour. C’est même l’inverse qui se produit. « Généralement, on constate que le second tour amplifie le résultat », note Bruno Cautrès.
Mais il existe un précédent notable : celui des législatives de 2007. Il y a dix ans, l’UMP de Nicolas Sarkozy était promise à une large majorité, les instituts de sondage anticipaient un groupe de plus de 400 députés à l’Assemblée nationale. Finalement, les scrutins du 17 juin 2007 ont été marqués par un reflux de l’UMP, qui a remporté 320 sièges. Beaucoup moins qu’en 2002.
Plusieurs facteurs expliquent que la « vague bleue » ait été contenue. Un différentiel de participation, que le Cevipof avait mis en lumière, explique ce rééquilibrage en faveur de la gauche. D’un côté, en plus de bon reports de voix de la part des partisans du MoDem, la gauche a su remobiliser son électorat, notamment dans les circonscriptions les plus difficiles. De l’autre, une partie des électeurs de droite ne s'est pas déplacée, face à une victoire qu’elle considérait comme acquise. Un scénario qui pourrait se reproduire. Bruno Cautrès n’exclut ni « un effet de démobilisation » ni « un sentiment chez les électeurs qu’il n’y a pas plus d’enjeux ».
Pour 2007 un autre élément d’explication, plus souvent invoqué, est à rechercher dans la soirée électorale du premier tour, lorsque le ministre de l’Économie Jean-Louis Borloo évoquait « l’éventualité de la TVA sociale ». Une sortie – une « maladresse » disaient alors certains ténors de la droite – qui aurait coûté plusieurs dizaines de sièges à la majorité présidentielle.
Dix ans après ce cas de figure, de nouveaux couacs pourraient-ils enrayer la vague annoncée pour la République en marche ? Les affaires qui planent autour du MoDem, et qui ont fait monter au créneau François Bayrou, ou encore la campagne parfois laborieuse de certains candidats LREM (voir notre vidéo en tête) peuvent-elles avoir des effets localement ?