Ils seront 543 candidats. Les Républicains ont lancé ce samedi leur campagne électorale pour les législatives, en officialisant la liste des candidats investis par le parti avec ses deux partenaires historiques, les Centristes et l’UDI. Dans le détail, l’accord prévoit « 457 candidats LR, 59 candidats UDI, 26 candidats Nouveau Centre et un candidat Liberté et territoires », a détaillé le président des LR, Christian Jacob, lors d’une conférence de presse depuis le siège du parti, rue de Vaugirard. De nombreux noms étaient déjà connus, publiés sur le site du parti par vagues successives depuis le mois de février, au fil des réunions de la Commission nationale d’investiture. Il a bien fallu gérer quelques couacs de dernières minutes, en l’occurrence le renoncement d’une vingtaine de candidats putatifs, échaudés par la sévère défaite de Valérie Pécresse à la présidentielle.
Sur la centaine de députés que compte encore LR à l’Assemblée nationale, plus des trois-quarts rempilent. Parmi eux, les principaux poids lourds de la droite parlementaire, notamment Aurélien Pradié (1ère circonscription du Lot), Annie Genevard (5e circonscription du Doubs) et Éric Ciotti (1ère circonscription des Alpes-Maritimes). Quelques nouveaux noms aussi, comme le chroniqueur Charles Consigny (4e circonscription des Yvelines) ou le président des jeunes LR Guilhem Carayon (3e circonscription du Tarn). Grande première aussi pour Philippe Juvin, postulant malheureux à l’investiture du parti pour la présidentielle, devenu le Monsieur Santé de Valérie Pécresse pendant la campagne, et qui candidate dans les Hauts-de-Seine.
« On ne peut pas être à la fois LR et la majorité présidentielle »
Une ombre à cette journée : le député sortant Robin Reda (7e circonscription de l’Essonne), proche de Valérie Pécresse, sera finalement investi par la majorité présidentielle. C’est par SMS que Christian Jacob l’a appris. « Pour nous, la règle est claire et sans ambiguïté : il n’y a pas de double appartenance, on est LR. On ne peut pas être à la fois LR et la majorité présidentielle. » Malgré tout, le patron des Républicains affiche sa satisfaction. La fuite des cerveaux en direction de la macronie, que les commentateurs prédisaient à son parti, n’a pas eu lieu. Du moins pas encore. Finalement, ils devraient être moins d’une dizaine à rallier le camp du chef de l’Etat, selon des informations du Figaro. La rumeur évoquait une cinquantaine de départs, orchestrés par l’ex-président Nicolas Sarkozy, qui a accordé son soutien à Emmanuel Macron. « On nous avait dit une soixantaine, ensuite on est passé à une trentaine, puis moins d’une dizaine. Là, il n’y en a qu’un. Peut-être qu’il y en aura deux », a raillé Christian Jacob.
Damien Abad, l’actuel président du groupe LR à l’Assemblée nationale, auxquels certains, après un tweet et un déjeuner avec Thierry Solère, éminence grise d’Emmanuel Macron, reprochaient de faire les yeux doux à la majorité sortante, devrait rester dans le giron de sa famille politique et être investi dans la 5e circonscription de l’Ain. Quant à Guillaume Larrivé, qui s’était prononcé avant le premier tour de la présidentielle en faveur d’un rapprochement avec Emmanuel Macron, il devrait affronter dans la première circonscription de l’Yonne un candidat Renaissance (le nouveau nom de LREM). Chez LR, on s’étonne que la majorité n’ait présenté que si peu de noms pour le moment, et un cadre avoue se préparer à voir apparaître, sur les prochaines listes, quelques LR.
Et puis il y a aussi l’embarrassante faveur que Reconquête ! a voulu accorder à Éric Ciotti, en choisissant de ne pas investir de candidat dans sa circonscription. Éric Zemmour a multiplié les appels aux électeurs du député LR de la circonscription des Alpes-Maritimes, représentant au sein du parti d’une ligne conservatrice et identitaire. Jeudi matin, sur Public Sénat, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, qui a quitté le parti cet automne après avoir dénoncé les prises de position d’Éric Ciotti, ironisait sur cette situation.
Une charte pour l’indépendance
En arrivant au siège ce samedi, le maire du Touquet, Daniel Fasquelle, lui aussi épinglé pour avoir évoqué la possibilité d’un rassemblement autour du chef de l’Etat, a souhaité clarifier sa position devant les journalistes : « Ce que j’ai dit, c’est qu’on ne peut pas être dans une opposition systématique. Il faudra pouvoir soutenir les réformes qui vont dans le bon sens, et nous opposer au gouvernement quand les choses n’iront pas dans le bon sens. » Reste à savoir quelle sera la position des uns et des autres une fois élus. Pour s’en assurer, LR a fait distribuer à ses candidats une charte qu’ils devront signer avant le scrutin, et par laquelle ils s’engagent à siéger au sein du groupe qui sera constitué à l’Assemblée nationale. Pas ailleurs. Un document sans aucune valeur juridique, « mais au moins, les choses auront été mises par écrit », commente l’eurodéputée et porte-parole de LR Agnès Evren. Les ex-LR Gérald Darmanin et Thierry Solère avaient signé un document similaire en 2017...
D’aucuns assurent que les candidats sortants constituent une sorte de vieille garde, qui ne pliera pas face aux sirènes de la macronie. « Ils ont la tête sur le billot, ils ont su, jusqu’à présent, résister aux débauchages », salue Agnès Evren. « Tous les sortants savent qu’ils sont sur la sellette depuis 2017. Ils ont battu le terrain comme des fous », ajoute un membre du parti.
« Rompre avec le sarkozysme »
La ligne d’indépendance totale voulue par la direction pousse aussi certains à vouloir liquider l’héritage de Nicolas Sarkozy, qui même après avoir quitté la vie politique, a longtemps continué à peser sur les destinées de LR. Ce samedi, au moins deux responsables LR se sont donnés le mot pour sonner la charge contre l’ancien président de la République. Gilles Platret, le maire de Chalon-sur-Saône, a parlé dans la presse locale d’une « faute politique » à propos de l’appel au rassemblement autour d’Emmanuel Macron lancé par l’ex-chef de l’Etat pendant l’entre-deux-tours. Quant à Aurélien Pradié, il estime dans une interview au Point que l’heure est venue de « rompre avec le sarkozysme ». « Ce que j’ai le plus appris de Nicolas Sarkozy, c’est le sens de la rupture. C’est sa volonté de rompre avec le chiraquisme qui lui a permis de réussir. Je suis certain qu’il ne m’en voudra pas de dire qu’aujourd’hui, il faut rompre avec le sarkozysme », explique-t-il. « La ligne d’indépendance a eu l’avantage de rapprocher des personnalités qui ne se sont pas toujours appréciées », glisse un membre du parti, évoquant à la fois Christian Jacob, Xavier Bertrand et François-Xavier Bellamy.
L’étiquette LR devenue trop encombrante ?
Un livret programmatique a été présenté aux candidats ce samedi. Au menu, « 5 priorités pour la France », en quelque sorte les essentiels du programme présidentiel de Valérie Pécresse. À savoir : l’augmentation du pouvoir d’achat ; la lutte contre les déserts médicaux ; « rétablir l’ordre dans la rue et à nos frontières », freiner l’endettement public et « libérer » les leviers de production. Et enfin, relancer « l’égalité des chances » à travers l’enseignement des fondamentaux au primaire, ou encore la mise en place d’un « prêt jeune » à taux zéro. LR propose à ses candidats un prêt de 5 000 euros pour faire campagne, « plusieurs fédérations ont des ressources financières qui leur permettent d’aller au-delà du prêt national », a indiqué Christian Jacob.
Certains postulants souhaiteraient minimiser leur rattachement au parti, en faisant, par exemple, disparaître le logo des affiches ou des tracts, par crainte qu’il n’agisse comme un repoussoir après la défaite historique de la droite à la présidentielle. « C’est une erreur », balaye Christian Jacob. « Il ne faut pas se cacher, y aller avec ses convictions. S’il y a un ancrage territorial fort, il y a aussi besoin d’un message national fort », explique-t-il. « Et puis, peu de personnes ont une notoriété telle qu’elles peuvent se permettre de candidater sur leur seul nom ». Toutefois, la campagne s’annonce compliquée pour une droite menacée d’un nouveau rabougrissement. Agnès Evren avoue en avoir fait les frais un peu plus tôt dans la matinée, lors d’une séance de tractage. « Un passant m’a dit : toutes mes condoléances ! Je l’ai arrêté : expliquez-moi, nous avons besoin de comprendre comment nous voient les Français. »