Législatives partielles : deux défaites pour la majorité, qui perd un député

Législatives partielles : deux défaites pour la majorité, qui perd un député

Les Républicains conservent leur siège dans le Territoire de Belfort, dans un duel face au Modem, et la députée La République en marche sortante du Val d’Oise a été battue par le candidat LR. La droite parle d’un vote sanction, la majorité met en avant l’abstention massive.
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Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Stéphane Hamalian)

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C’était le premier rendez-vous électoral au suffrage universel direct depuis les législatives de juin 2017. Deux législatives partielles étaient organisées ce dimanche, dans le Val-d’Oise, et dans le Territoire de Belfort. Deux scrutins, organisés certes localement, mais qui ont une résonnance nationale et qui alimentent les commentaires politiques depuis 24 heures.

Dans la première circonscription du Territoire de Belfort, tenue par la droite depuis 2002, le candidat LR Ian Boucard, dont l’élection avait été invalidée par le Conseil constitutionnel, conserve son mandat. Face au candidat du Modem (allié de la République en marche), il fait même mieux qu’en juin 2017 avec près de 59% des voix (huit point de plus). La participation, de 28,9%, décroche de 15 points par rapport au deuxième tour du 18 juin 2017.

La vraie surprise est venue de la première circonscription du Val-d’Oise, avec la défaite de la députée sortante Isabelle Muller-Quoy, élue en juin 2017 sous l’étiquette La République en marche avec 54,2% des suffrages. Les électeurs sont retournés aux urnes car son suppléant était frappé d'inéligibilité. Le candidat des Républicains, Antoine Savignat, l’emporte avec 51,45% des suffrages (soit 405 voix d’avance), dans un contexte de très faible participation : seulement 19,09%. Un effondrement de 20 points en huit mois.

« Niveau exceptionnel d’abstention »

Dans son communiqué, la République en marche, insiste sur le « niveau exceptionnel d’abstention » relevé dans des partielles. Il « nous incite plus que jamais à poursuivre nos efforts pour renforcer l’engagement des citoyens dans la vie politique », réagit le premier parti à l’Assemblée nationale, qui vient de perdre l’une de ses élues.

Politologue au CNRS, scrutant depuis plusieurs décennies les élections françaises, Pierre Martin souligne que ce niveau d’abstention observé dans le Val-d’Oise « n’a rien de nouveau ». « Il est très faible mais c’est ordinaire pour ce type de partielle, particulièrement en région parisienne. Surtout qu’aux législatives générales de 2017, il y avait eu une faible participation, en très nette baisse par rapport à 2012 », rappelle-t-il.

Ce niveau de 19% reste toutefois parmi les plus faibles taux relevés. Selon notre décompte, sur 51 élections partielles organisées depuis 2002 (hors circonscriptions des Français de l’étranger), 10 seconds tours ont été marqués par une participation inférieure à 25%.

Une partielle « sans enjeux »

Dans les rangs de la majorité présidentielle, on cherche à relativiser la défaite de leur députée. « Une élection où on a moins de 20% de participation, on ne peut pas absolument pas en tirer d’enseignement national », considère, Aurélien Taché, député LREM du Val-d’Oise, dans Soir 3. Il note que dans l’absence d’une campagne nationale, certains électeurs « n’étaient même pas au courant » du scrutin.

Idem pour Sylvain Maillard, député de Paris. Dans la matinale de RFI, il explique qu’il était « difficile de créer une dynamique sur une partielle qui pouvait paraître sans enjeu pour notre électorat car nous avions déjà une majorité à l’Assemblée nationale ».

Un peu plus de quatre mois après les scrutins sénatoriaux, compliqués pour LREM, le sénateur des Hauts-de-Seine André Gattolin se montre, lui, un peu plus critique et ne balaye pas la portée du résultat. « Il faut entendre ce signal, sans exagérer sa signification ». « Je pense que l’on doit être vigilant, sur les sentiments de nos concitoyens, la manière dont ils ressentent les choses », nous répond-t-il, expliquant qu’une victoire dans le Territoire de Belfort « aurait donné un trop plein d’assurance ».

Législative partielles : « Il faut entendre ce signal, sans exagérer sa signification », estime André Gattolin (LREM)
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Images : Stéphane Hamalian

Une « sanction » de la « France du réel », pour la droite

De leur côté, les Républicains font la lecture d’un vote sanction, et surtout le premier acte de la « reconquête ». Jugeant que c’est la « France du réel » qui s’est exprimée, le nouveau président du parti Laurent Wauquiez voit dans ces résultats « un désaveu qui sanctionne la politique du gouvernement ».

Le patron des Républicains considère également que ces deux victoires « marquent une étape importante dans la reconquête ».

Listant les mesures défavorables au pouvoir d’achat, le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi, juge que pour LREM « le retour sur terre est brutal. « Je ne vois pas, dans les mois qui viennent, de capacité pour le gouvernement de se ressaisir ». Quant à son parti, il juge qu’il s’agit « plus d’un vote sanction dans l’immédiat qu’un vote d’adhésion ».

« Laurent Wauquiez est allé chercher sa légitimité dans les urnes », observe Geoffroy Didier, parlant d’une « première sanction populaire » contre l’exécutif. Ce matin, lors de son point presse, le secrétaire général délégué se veut mesuré mais masque difficilement sa satisfaction. « Ce sont deux élections législatives seulement, et nous ne cédons pas au triomphalisme ». Il juge d’ailleurs que la présence d’Édouard Philippe et de Christophe Castaner au cours de la campagne du Val-d’Oise sont « bien la preuve qu’ils ont cherché à donner une signification politique à l’élection ».

Législatives partielles : une « première sanction populaire » contre l’exécutif, selon Geoffroy Didier
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Images : Stéphane Hamalian

Au Parti socialiste, malgré ses mauvais résultats lors des premiers tours, on tire les mêmes conclusions du scrutin dans le Val d’Oise. Le coordinateur national, Rachid Temal, voit lui aussi dans ce résultat un « vote sanction », motivé notamment par les effets de certaines mesures sur le pouvoir d’achat.

« Un bon grog »

Le politologue Pierre Martin estime qu’au vu des scores réalisés dimanches, la majorité a « limité les dégâts », inhérents à ce type de scrutins. « Les élections partielles sont des élections intermédiaires, toujours défavorables au pouvoir en place. Les résultats sont assez conformes à la relative bonne tenue du pouvoir dans les sondages nationaux. Ce n’est pas comme les partielles qu’avait eu à subir François Hollande fin 2012 ».

Législatives partielles : "Un bon grog" pour LR, selon Roger Karoutchi
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Extrait de Sénat 360 - propos recueillis par Tâm Tran Huy

Quatre autres élections partielles seront organisées au mois de mars. Pour le moment, « deux hirondelles ne font pas le printemps », résume le sénateur (LR) Roger Karoutchi, « on va attendre un peu, voir la suite des partielles ». Convalescente après ses défaites cuisantes du printemps dernier, la droite vient de boire « un bon grog », selon lui.

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