Dans deux mois, l’Assemblée nationale aura changé de visage, et ce n’est pas sans conséquence sociale. Une partie importante des parlementaires ne se représentera pas en juin pour se conformer à la loi sur le non-cumul des mandats. D’autres ont fait le choix de ne pas rempiler, par choix personnel. Et beaucoup risquent de perdre leur circonscription. Ce renouvellement sera suivi en septembre des élections sénatoriales, au cours desquelles près de la moitié des sièges du Sénat seront remis en jeu. Au total, ce sont près de 1.300 assistants parlementaires qui pourraient se retrouver privés d’emploi (sur environ 3.000), selon les syndicats.
« L’urgence » de la question des licenciements
Et les collaborateurs concernés seront licenciés par leurs employeurs parlementaires pour motif personnel, et non pour motif économique. Une situation que déplore l’intersyndicale de la profession, qui milite depuis le début de l’année pour cette reconnaissance. « Nous n’avons pas à porter la responsabilité du licenciement », considèrent les « petites mains » du Parlement. « La première urgence, c’est se voir reconnaître ce licenciement pour motif économique qui est plus protecteur », explique Anaïs Tropée, co-présidente de l'Association des collaborateurs de gauche du Sénat (Agap).
La nuance a son importance pour les indemnités chômage : elles atteignent 75% du salaire brut, dans le cadre d’un licenciement pour motif économique et dans le cadre d’un contrat de sécurisation professionnelle. Dans le cas d’un motif personnel, elles représentent 57% du salaire.
Les assistants parlementaires exposent leurs revendications
Images : Jérôme Rabier
La Direction générale du travail va écrire aux présidents des deux assemblées
La question était abordée au ministère du Travail ce mercredi. Les syndicats étaient reçus ce midi, à leur demande, par la ministre Myriam El Khomri. « Le climat de la réunion a été positif, constructif », a réagi à la sortie de la rencontre Frédéric Faravel (CGT-CP), rassuré que leurs arguments aient été entendus. Quant aux solutions concrètes apportées : il n’y aura pas de circulaire, comme l’espérait l’intersyndicale.
En revanche, la ministre a saisi la Direction générale du Travail (DGT). Celle-ci est chargée d’envoyer aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’aux organisations syndicales, sa recommandation à adopter en matière de licenciement. Selon les syndicats, la DGT devrait aller dans le sens des revendications. Il n’y a « pas d’impossibilité de faire des licenciements pour motif économique ». Au contraire, elle juge qu’un licenciement pour motif économique aurait même l’avantage de poser moins de risques du côté juridique, selon un représentant de la DGT présent à la rencontre et cité par les syndicats. « Nous ne sommes pas au bout du chemin, mais nous mesurons cette avancée », considère l’intersyndicale.
Une quarantaine d’assistants parlementaires du Sénat et de l’Assemblée nationale de toutes tendances s'est rendue devant le ministère du Travail rue de Grenelle ce mercredi 19 avril. C’est leur deuxième rassemblement après celui du 7 février devant le Sénat. (Photo : Guillaume Jacquot)
Le courrier de la DGT devrait se retrouver sur les bureaux de Claude Bartolone et de Gérard Larcher « avant la fin de la semaine prochaine ». Autrement dit : avant le second tour de l’élection présidentielle. « Si les présidents ne sont pas capables de retransmettre le courrier de la DGT, on saura communiquer directement aux parlementaires », a prévenu Frédéric Faravel, le collaborateur de la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann.
Les assistants parlementaires ressortent satisfaits de leur réunion avec Myriam El Khomri
Images : Jérôme Rabier
La création d’un accord collectif, toujours au cœur des revendications
La DGT ne devrait pas seulement se prononcer sur la légitimité de la procédure de licenciement pour motif économique mais également d’indiquer la marche à suivre pour que naisse à moyen terme un accord professionnel, voire même d’une convention collective pour la profession. C’est l’autre grande revendication des collaborateurs parlementaires : ils réclament un statut qui clarifie leurs missions et leurs conditions de travail. La question du statut, qui s’est imposée dans le débat public avec l’affaire Fillon, avait d’ailleurs été soulevée par Myriam El Khomri le 27 mars. La ministre avait écrit aux présidents des deux chambres du Parlement pour demander une réflexion autour d’un véritable statut d’assistant parlementaire. Elle a réaffirmé son soutien à la négociation ce mercredi.
Un premier accord partiel a bien été signé en novembre dernier à l’Assemblée nationale, mais la pérennité du texte est perçue comme « fragile ». « C’est un embryon d’accord. Ne sont concernés que les collaborateurs des députés qui adhèrent à des associations de députés employeurs », pointe Gonzague de Chantérac, représentant de la CFTC des collaborateurs parlementaires et collaborateur d’un député LR. Selon lui, seuls 50 à 60% des députés seraient concernés. Les renouvellements de juin ne devraient pas améliorer la situation.
Globalement, les assistants parlementaires constatent qu’un dialogue s’est noué au fil des semaines, mais que les résultats peinent encore à se manifester. « Beaucoup de parlementaires veulent rester dans un cadre discrétionnaire et ne veulent pas avoir de contraintes », reconnaît Gonzague de Chantérac.
« On a de plus en plus de sénateurs derrière nous, ils font entendre nos voix, mais ça n’avance pas suffisamment d’où le fait qu’on demande au gouvernement de faire des annonces. Le dialogue est là mais les résultats non », note Anaïs Tropée.
L’intersyndicale voit en tout cas le verre comme à moitié plein. « Nous ne sommes pas au bout du chemin, mais nous mesurons cette avancée », a-t-elle déclaré.