On l’avait un peu oublié, mais un autre front de contestation s’agite sous le nez du gouvernement. Si le dialogue n’a pas été rompu à la dernière Conférence nationale des territoires, le 14 décembre dernier, le torchon brûle toujours entre les élus locaux et l’exécutif. Les premiers crient à une décentralisation « en danger ». François Baroin (président de l’Association des maires de France), Dominique Bussereau (départements) et Hervé Morin (régions) donneront une conférence de presse commune à 15h00 ce mardi.
Les problèmes sont bien identifiés. Comment compenser la disparition totale de la taxe d’habitation en 2020 ? Et quelles seront les modalités de la contractualisation financière entre l’État et les 322 collectivités locales les plus importantes ?
« Extraordinaire retour en arrière »
Introduits par la loi de programmation des finances publiques (2018-2022), ces pactes financiers vont contraindre les plus grandes communes, intercommunalités, départements ou régions, à limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2% par an. De nombreux présidents d’exécutifs locaux refusent pour le moment de les signer.
« C’est un extraordinaire retour en arrière par rapport à la décentralisation », déclarait encore le 28 mars, André Laignel. Lors d’un colloque organisé au Sénat, intitulé « quel avenir pour la République décentralisée ? », le vice-président (PS) de l’Association des maires de France (AMF) a une nouvelle fois dit tout le mal qu’il pensait de ces contrats « léonins » :
« Un contrat où une seule des parties fixe l'ensemble des avantages pour l’État et les inconvénients pour les collectivités territoriales, n'est pas ce qu'on peut appeler un contrat librement consenti ! »
Les élus locaux craignent également une mise sous tutelle de leurs collectivités par le « contrôle a priori » des budgets par les préfets.
Même son de cloche du côté de l’Assemblée des départements de France (ADF), présidée par Dominique Bussereau (ex-LR). « La position est de ne pas les signer », a-t-il déclaré aux côtés d’André Laignel le 28 mars. Le refus est d’autant plus sec que l’ADF attend des engagements précis de l’État sur la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés et sur le financement des allocations individuelles de solidarité que versent les départements (RSA et allocation personnalisée d’autonomie).
Interrogations sur l’autonomie fiscale des collectivités
La disparition progressive de la taxe d’habitation, et le casse-tête de sa compensation, est l’autre point de tension. Les associations d’élus voient dans les dégrèvements de l’État une remise en cause de l’autonomie fiscale des collectivités. Même si le premier étage de la suppression de la taxe d’habitation dans la loi de finances 2018 a été validé par le Conseil constitutionnel (avec quelques réserves sur le long terme), les élus locaux pourraient envisager de déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). « Si les négociations n'aboutissent pas avec l'État, on ira en QPC », a fait savoir Dominique Bussereau. De son côté, l’AMF a précisé que cette option était « étudiée très sérieusement ».
Dans ce contexte, la confirmation par Édouard Philippe d’un « pacte girondin » avec les territoires n’a pas suffi à calmer le jeu. Un droit à l’expérimentation pour les collectivités territoriales devrait être introduit dans la prochaine révision constitutionnelle.
Resserrement des rangs face au gouvernement
Cette conférence de presse commune marque en tout cas une volonté d’afficher un front commun, face des projets gouvernementaux qui mettent « en danger » la décentralisation. Ces derniers mois, les différentes associations d’élus n’ont pas toujours marché main dans la main. En février, AMF et ADF ont connu des discussions difficiles au sein du Comité des finances locales, l’organe chargé de plancher sur la future refonte de la fiscalité locale. Et pour cause, l’une des pistes proposées serait de transférer la part départementale de la taxe foncière aux communes.
Lors de la dernière Conférence des territoires, les associations d’élus avaient aussi adopté des stratégies différentes. L’association des maires de France avait abordé le rendez-vous de Cahors en retrait, en envoyant l’une de ses vice-présidentes, la maire de Morlaix Agnès Le Brun, « à titre d’observateur ».