La place des cabinets de conseil privés dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques est apparue sous une lumière crue à la faveur de la crise sanitaire. Ce sont ces éléments qui ont motivé, à l’initiative du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), la création d’une commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.
Mercredi 15 décembre, la commission sénatoriale présidée par le sénateur LR, Arnaud Bazin, auditionnait justement des membres de cabinets de conseil ayant fourni des prestations à l’Etat durant la crise sanitaire.
Face aux sénateurs, ce mercredi : Olivier Girard, président d’Accenture pour la France et le Benelux ; Charles Boudet, directeur général de JLL France et Laurent Pénard, président de Citwell Consulting.
Le rôle des consultants durant la crise sanitaire
Les auditionnés ont les uns après les autres répondu sur le détail des missions réalisées durant la crise Covid. Le président d‘Accenture a ainsi évoqué ses prestations visant à des solutions de prises de rendez-vous en ligne pour la vaccination. Le directeur général de JLL France a, lui, relaté, ses missions pour le support opérationnel dans la distribution des masques. Et le président de Citwell Consulting a détaillé son rôle dans l’approvisionnement des masques, des équipements de protection et des médicaments.
Tous ont insisté sur leurs vertus : des impôts payés en France et une exigence déontologique de chaque instant pour prévenir d’éventuels conflits d’intérêts.
Les sénateurs ont aussi interrogé, Olivier Girard, président d’Accenture pour la France et le Benelux, sur une mission en particulier : la réalisation d’un plan d’économies d’un milliard d’euros d’ici à 2022 à la demande de Bercy. Le président de la commission d’enquête, Laurent Bazin, a demandé des détails sur le montant de ce marché, son avancée et la méthode retenue. « Je n’ai pas tout en tête », a botté en touche le président d’Accenture qui a promis de répondre par écrit à ces interrogations.
Le sénateur LR s’est amusé du fait qu’il ait oublié le montant de cette mission (voir la vidéo en tête d’article). Selon les informations de Mediapart, Accenture a été retenu pour effectuer 800 millions d’euros d’économies sur les services de l’Etat. Une mission dont le montant est estimé à 25 millions d’euros, selon le journal d’investigation. Le cabinet de conseil McKinsey a obtenu la deuxième partie du marché dont la mission consiste à réaliser des économies sur 484 établissements publics pour un montant minimal d’économies estimé par Bercy à 200 millions.
« Tous nos contrats sont absolument confidentiels »
La commission d’enquête a également axé ses questions autour de l’utilisation des données de l’Etat auxquelles les cabinets de conseil ont pu avoir accès au cours de leurs missions. Sont-elles réutilisées ou transmises à leurs clients, ont-ils interrogé. « On a laissé toutes les données dans le cadre public, assure Laurent Pénard, le président de Citwell Consulting. Il est interdit de réutiliser les données acquises au cours de missions pour l’Etat français. »
« Tous nos contrats sont absolument confidentiels », affirme également le président d’Accenture qui explique qu’il peut y avoir des benchmarks (étude comparative) sur des modes de fonctionnement.
Autre sujet de préoccupation pour la commission sénatoriale : les prestations pro bono des cabinets de conseil à l’Etat. Ces missions offertes posent des questions d’éthique et de transparence, d’influence et de contrepartie. « Quand c’est gratuit, c’est vous le produit », résumait le président de la commission d’enquête lors de l’audition du délégué interministériel à la transformation publique, Thierry Lambert.
Les trois représentants ont juré ne pas réaliser de prestations pro bono pour l’Etat. « On a appliqué un taux journalier moyen qui de 20 à 30 % inférieurs à ce qu’on fait avec les entreprises privées », a seulement indiqué Laurent Pénard, le président de Citwell Consulting.
La commission d’enquête poursuit ses auditions et a reçu Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France et Amélie Verdier, directrice de l’ARS Ile-de-France, mercredi 15 décembre.