Les catholiques et la présidentielle: entre séduction, déception et tentation

Les catholiques et la présidentielle: entre séduction, déception et tentation

"Déception Fillon, tentation Le Pen, séduction Macron": un prêtre du diocèse de Rennes résume ainsi le dur dilemme auquel est...
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Par Jean-Louis DE LA VAISSIERE

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Publié le

"Déception Fillon, tentation Le Pen, séduction Macron": un prêtre du diocèse de Rennes résume ainsi le dur dilemme auquel est confronté avant la présidentielle l'électorat catholique divisé sur son candidat phare François Fillon, les débats sociétaux et l'accueil des migrants exigé par le pape François.

Pour les catholiques, qui penchent majoritairement à droite, cette campagne brouille les cartes. En décembre à Rennes, ils avaient voté massivement à la primaire pour un candidat réputé pour sa droiture et son honnêteté. Ils sont souvent échaudés, amers.

Les "cathos de gauche" sont eux aussi perplexes face aux divisions du camp socialiste. A la messe à la paroisse Saint-Augustin où beaucoup se retrouvent, l'appel à refuser le vote Le Pen et toute xénophobie est ferme. Mais les autres candidats ne séduisent pas pour autant le diacre de la paroisse, Paul Bosse-Platière: "Mélenchon? on ne va pas faire du Chavez en France ! Hamon est trop irréaliste ! Macron on ne le sent pas ! Fillon c'est donner aux riches".

Dans une autre paroisse, Germain Bertrand, qui se situe à gauche, milite pour les migrants et fait partie en même temps des Veilleurs, mouvement actif dans la Manif pour tous, s'inquiète: "J'ai vu craquer les barrages face à Le Pen, j'ai vu se fendre les résistances".

Alain Mignot, professeur de math à la retraite, engagé au Secours catholique dans l'aide aux migrants, confirme: "Le Pen tient un discours de plus en plus social. J'en connais, ils le disent en petit comité, qui vont voter le Pen, ça ne leur pose pas de problèmes".

Un catholique engagé à la Manif pour tous, qui a requis l'anonymat, avait voté Jean-Frédéric Poisson à la primaire et voit en Fillon "un imposteur". Il ne sait pas encore pour qui voter.

- "On ne peut être franc-mac et chrétien" -

"On espérait de nouvelles têtes, mais, après le meeting du Trocadéro, ils sont revenus, les François Baroin, les Luc Chatel, ce même Chatel qui a introduit la théorie du genre à l'école", dit-il. "On ne peut être franc-mac et chrétien!"

Beaucoup de catholiques, selon lui, vont voter pour Fillon malgré leur déception: "Fillon, c'est le meilleur programme économique, le seul à avoir potentiellement la capacité d'avoir une chambre des députés avec lui". Et, ses ennuis judiciaires, "ça finit par se retourner en sa faveur, à cause de l'acharnement" des médias, qui leur donne l'impression d'être impulsé par le pouvoir socialiste.

Et l'inconnue Emmanuel Macron ? Antoine Cressard, catholique pratiquant, juppéiste, conseiller municipal du groupe "Alternance 2020" à Rennes, qui rejette les extrêmes, estime que le report des voix sur le candidat d'En Marche! sera faible: "La base du programme de la droite, aussi défendue par Alain Juppé, est la seule qui peut rétablir la situation du pays. Ceux qui ont soutenu Fillon, je ne pense pas qu'ils iront chez Macron au premier tour. Ils ne veulent plus du hollandisme. Macron est vu comme l'héritier du hollandisme".

"Ceux qui sont déçus de Fillon pourraient s'abstenir", juge-t-il.

- "Écologie intégrale" -

Camille Rodriguez, étudiante à Sciences-Po, est séduite par le candidat de 39 ans et son désir de surmonter le clivage droite-gauche: "Macron défend la valeur travail, sans restrictions budgétaires à outrance". Que les catholiques aient des priorités différentes, le social d'abord, ou bien la famille et la vie, c'est bien normal, mais pas le "renvoi des étrangers" préconisé par Marine Le Pen, inacceptable pour un catholique, juge-t-elle.

Elle renvoie dos à dos François Fillon et Benoît Hamon: "l'un veut rayer de la carte l'acquis en matière de sécurité sociale", l'autre veut "détruire la valeur travail, au cœur des valeurs catholiques" avec son revenu universel.

Pour un curé des environs de Rennes, le critère de jugement du catholique doit être "l'écologie intégrale, au centre duquel est l'être humain, prônée par le pape François". Pas question donc selon lui de voter pour Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon qui veulent inscrire l'euthanasie et l'avortement dans la Constitution.

"On assiste, fait-il valoir, à une dérégulation non seulement économique mais aussi sociétale et morale" que les catholiques ne devraient pas accepter.

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