Après les socialistes, c’est au tour des Ecologistes de présenter leurs propositions pour le pays. Là où le PS avance un « contre-budget », les Verts exposaient à la presse ce matin leur plan de « sortie de crise ».
La présentation de ce texte a été avancée, elle devait intervenir en octobre, après la parution d’un « observatoire des reculs écologiques ». Mais la conférence de presse de François Bayrou du 25 août, « lunaire », d’après Marine Tondelier, et la perspective de sa censure, a bousculé le programme des écologistes.
« Emmanuel Macron est le capitaine et l’équipage est macroniste depuis huit ans »
C’est donc ce jeudi, dans leurs nouveaux locaux du XIème arrondissement de Paris, que Marine Tondelier, secrétaire nationale du parti, accompagnée d’Eva Sas, députée de Paris, Thomas Dossus, sénateur du Rhône et Aïssa Ghalmi, secrétaire national adjoint au projet, ont présenté leurs propositions pour répondre à la situation actuelle. « Ce n’est pas un renoncement au programme du Nouveau Front Populaire (NFP) », avertit la cheffe des Verts, « notre programme est celui du NFP, mais les équilibres à trouver et les crises actuelles nous amènent à adapter nos propositions ».
Sur le constat, les écologistes partagent l’inquiétude du reste des partis politiques. Marine Tondelier alerte sur une dette « très élevée ». Pour elle, c’est le bilan des politiques d’Emmanuel Macron : « Pour reprendre la métaphore du bateau, Emmanuel Macron est le capitaine et l’équipage est macroniste depuis huit ans », a-t-elle asséné. L’élue d’Hénin-Beaumont dénonce aussi l’ « explosion » des inégalités, et le « piétinement » du « pacte démocratique entre l’Etat et les Français ».
« Nous voulons stabiliser la dette sans casser l’activité »
Les grands équilibres du « plan de sortie de crise » sont les suivants : un déficit à 3,7 % du PIB en 2030, avec une étape à 5,2 % en 2026, soit 11,7 milliards d’euros. Pour rappel, en 2024, le déficit était de 168,6 milliards d’euros et le plan de François Bayrou pour 2026 prévoit de le porter à 4,6 % du PIB. Pour cette année-là, les Ecologistes comptent sur une augmentation de 28,5 milliards d’euros de recettes fiscales, et une réduction de 16,6 milliards d’euros des dépenses. « Nous voulons stabiliser la dette sans casser l’activité », explique Eva Sas, « nous proposons donc un effort d’investissement dans les services publics, la transition écologique et la défense ».
« La priorité est de retrouver des marges de manœuvre fiscales »
Sur le plan des recettes, les Ecologistes privilégient le levier de la taxe Zucman. Ce dispositif, imaginé par l’économiste français Gabriel Zucman, instaure une taxe de 2 % sur le patrimoine des Français possédant plus de 100 milliards d’euros. Selon ses calculs, elle devrait rapporter entre 15 et 25 millions d’euros par an. Une proposition de loi des Verts visant à l’instaurer avait été adoptée au début de l’année par l’Assemblée nationale, mais elle a été rejetée par les sénateurs. François Bayrou, en début de semaine, en a rejeté le principe, la jugeant « inconstitutionnelle ». Pourtant, pour la gauche, c’est un incontournable : le Parti socialiste propose également de la mettre en œuvre, dans son « contre-budget ». « La priorité est de retrouver des marges de manœuvre fiscales, car la dette vient des baisses d’impôts », analyse Eva Sas.
Autres leviers pour augmenter les recettes : la mise en place d’un « ISF climatique », comme le proposaient les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz dans leur rapport de 2023, le maintien de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises, l’augmentation de la fiscalité aérienne ou encore la réforme du pacte Dutreil. Ce dispositif permet d’exonérer une partie des droits de succession lors de la transmission d’une entreprise.
Une hausse des dépenses de 33,4 milliards d’euros
Sur le plan des dépenses, les Ecologistes s’accordent sur une augmentation du budget de la transition écologique à hauteur de 9,1 milliards. Ils devront servir à financer la rénovation thermique des logements, les transports, le leasing social, ou encore le fonds vert, qui doit aider les collectivités à investir dans la transition écologique.
Ils proposent ensuite une hausse des dépenses de protection sociale de 6,3 milliards d’euros, via une abrogation de la réforme des retraites de 2023 ainsi que la création d’un « RSA jeune », notamment pour ceux suivis par l’aide sociale à l’enfance.
Le troisième budget qui augmente le plus, dans le plan des Ecologistes, est celui de la défense : une hausse de 6,2 milliards d’euros. Enfin, les budgets des services publics se verraient augmentés de 6,1 milliards d’euros, notamment via une revalorisation du salaire des enseignants, et la contribution de la France à l’Union européenne augmenterait de 5,7 milliards.
Une réduction des dépenses qui passe par la réforme des aides aux grandes entreprises
Pour résorber le déficit public, les Verts comptent aussi réduire les dépenses publiques. A l’année blanche proposée par François Bayrou, ils préfèrent revoir les aides aux entreprises (exonérations de cotisations sociales sur les salaires, réforme du crédit d’impôt recherche), abroger certaines niches fiscales, et renégocier le tarif de certains médicaments. La somme de toutes ces mesures a été chiffrée par les Ecologistes à 16,6 milliards d’euros.
Le plan des Ecologistes contient également des mesures de plus long terme, comme un plan de « bifurcation écologique », l’organisation de référendums sur l’ISF, les retraites ou la décentralisation, ou encore la tenue d’une convention citoyenne sur la VIe République.
Un cadre, qui doit servir de base à des discussions
Mais ce travail n’est qu’un cadre, qui doit servir de base à des discussions. Avec le reste de la gauche, d’abord. Le Parti socialiste a présenté son contre-budget le 30 août dernier à Blois. Sur les grands équilibres, il y a quelques nuances : les roses tablent sur une réduction du déficit plus importante en 2026 (-21,7 milliards d’euros, soit 5 % du PIB), une hausse plus faible des dépenses (+ 19,2 milliards d’euros) et une réduction des dépenses moindre (-14 milliards d’euros). Pour autant, plusieurs mesures se retrouvent dans les deux projets : la taxe Zucman, l’abrogation de la réforme des retraites, la réforme du CIR et du pacte Dutreil, …
Similitudes qui se trouvent aussi dans les propositions de François Ruffin. Ce dernier souhaite également réformer le CIR et les aides aux grandes entreprises en général et mettre en place la taxe Zucman.
« Il faut préparer la cohabitation »
Maintenant que tous ces cadres programmatiques sont posés, les responsables de gauche ont été invités au siège des Ecologistes cet après-midi à 14 heures pour discuter. « Il faut qu’on se concerte sur ces propositions entre nous », explique Marine Tondelier, « il faut préparer la cohabitation, qui est un dû des dernières élections législatives ». Les résultats de ces discussions seront connus à la fin de la journée.
Article co-écrit avec Alexandre Jung
Images de Cécile Sixou