Covid-19 : « Les effets d’annonces se multiplient pour éviter de parler des réanimations », dénonce Bernard Jomier

Covid-19 : « Les effets d’annonces se multiplient pour éviter de parler des réanimations », dénonce Bernard Jomier

En déplacement à Valenciennes, le chef de l’Etat a multiplié les annonces pour accélérer les vaccinations. « De la communication », fustigent des sénateurs, très inquiets quant à la situation épidémique.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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Les jours passent, les annonces s’enchaînent. Après les « vaccinodromes » lundi, l’exécutif a multiplié les promesses de nouvelles solutions pour accélérer la vaccination ce mardi. En déplacement à Valenciennes dans la région des Hauts-de-France, la plus touchée par l’épidémie avec l’Ile-de-France, Emmanuel Macron a martelé sa volonté de vacciner « matin, midi et soir » tous les jours en ouvrant dès ce week-end la vaccination aux plus de 70 ans et aux enseignants en avril. Pour « accélérer à partir de ce samedi », un numéro de téléphone dédié pour les plus de 75 ans qui n’ont pas pu se faire vacciner va aussi être mis en place et des appels leur seront adressés pour les convaincre de se faire vacciner. Jusqu’à présent, la vaccination était ouverte aux résidents d’Ehpad, où elle a permis de faire drastiquement baisser le nombre de morts, aux plus de 75 ans, aux 50-74 ans atteints de comorbidités les exposant à des formes graves du covid-19 et à tous les professionnels de santé. En sus, le président de la République a promis des doses « supplémentaires » pour les Hauts-de-France.

« Le variant anglais a tout envahi en France »

Engagé dans une véritable « course contre la montre » face au variant britannique et à tous les indicateurs qui s’affolent, l’exécutif occupe ainsi l’espace médiatique. C’est tout du moins ce que dénoncent les sénateurs en pointe sur le sujet. Lundi déjà, ils regrettaient le « coup de com’ » de l’annonce des « vaccinodromes ». Même sonorité après les annonces de ce mardi matin. « Ouvrir aux plus de 70 ans c’est bien, on ne peut qu’accélérer. J’espère surtout qu’on ne vend pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Va-t-on avoir tous ces vaccins ? Et puis, on parle des enseignants : c’est de la communication pour rassurer les gens ! », cingle René-Paul Savary, sénateur LR de la commission des Affaires sociales. Médecin de formation, il poursuit, agacé : « Il faut aller le plus vite possible. Vacciner matin, midi, et soir, très bien, mais il ne faut pas que ce soient que des mots ! Les enseignants attendent des actes ». Les syndicats enseignants se sont dits tout de même « satisfaits » de la priorité qui leur sera donnée à partir de mi-avril. En bref, René-Paul Savary estime que le chef de l’Etat fait encore appel à un « effort collectif » et s’étonne que certains dispositifs mis en place soient laissés de côté. « L’application Tous Anti-covid, on n’en entend plus parler, mais ça peut encore être efficace », fait-il valoir.

« Sur les enseignants c’est positif, pour le reste il faut s’attendre à ce que les effets d’annonces se multiplient pour éviter de parler des réanimations », décrypte, lui aussi, Bernard Jomier, président de la mission covid-19 du Sénat. Médecin et sénateur apparenté socialiste, il presse depuis des mois pour des mesures territorialisées et alerte depuis des semaines sur la situation épidémique. Aucune mesure annoncée ce matin ne le rassure. « Très sérieusement, le gouvernement est très doué en communication. On aimerait juste que la campagne s’accélère et s’adresse à des catégories plus larges de la population. Le variant anglais a tout envahi en France. C’est une véritable préoccupation. Les médecins annoncent la semaine prochaine le début des décisions pour les entrées en réanimation », s’inquiète-t-il. En clair, le tri des patients. Comme pour les vaccinodromes, tout dépend désormais des livraisons de vaccins. Et pour l’heure, la France se heurte toujours au manque de doses. « Nous les professionnels de santé, on est tous prêts, mais on n’a pas les doses », a regretté Hervé Momentym, le pharmacien qui a accueilli Emmanuel Macron à Valenciennes.

Lundi, la barre des 4500 malades du covid-19 hospitalisés en service de réanimation a été dépassée, rapprochant les réas du pic de la 2e vague de l’automne (4900 le 16 novembre). Sur LCI, Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), a dénoncé un « confinement qui n’en est pas un ». « Au pic de l’automne, ça faisait plus de 15 jours qu’on était en confinement, des mesures de freinage très fortes avaient été prises », a-t-il encore souligné. « Les livraisons de doses accélèrent, mais il faut qu’Emmanuel Macron réponde sur la façon dont on gère la vague épidémique, alors que les mesures nécessaires n’ont pas été prises », fustige Bernard Jomier. Cette farandole d’annonces n’est pour lui qu’un « objet de communication ». « Je pense que le chef de l’Etat ne souhaite pas trop qu’on parle de ce qu’il se passe dans les hôpitaux en ce moment. Il veut faire oublier les échecs de ses non-décisions de janvier », enfonce-t-il.

Faut-il étendre les mesures de restrictions à des départements moins touchés ?

Face à la propagation du virus, certaines voix s’élèvent pour réclamer l’instauration de mesures plus restrictives dès maintenant dans les départements moins touchés. C’est le cas dans les rangs du Conseil scientifique, chargé d’aiguiller le gouvernement en matière sanitaire. Ce mardi matin, l’épidémiologiste et membre du Conseil, Arnaud Fontanet, a plaidé sur BFMTV pour l’extension à de nouvelles régions des mesures de restrictions prises dans les départements reconfinés. « Ces mesures seraient très pertinentes dans des régions qui se trouvent dans un état encore maîtrisé mais qui dans trois ou quatre semaines seront dans une situation critique », a-t-il expliqué. Depuis samedi, dans seize départements, dont toute la région parisienne, les Hauts-de-France, une partie de la Normandie et les Alpes-Maritimes, de nouveaux commerces ont fermé, les déplacements sont limités à 10 km, sauf motif dérogatoire, et le gouvernement a renforcé ses appels au télétravail et à ne pas inviter d’amis chez soi.

Pour René-Paul Savary la proposition est clairement à « étudier ». « On est obligés de prendre des mesures restrictives et on est en légitimité de les prendre avant que les services soient saturés. Il ne faut pas attendre que l’incidence soit très forte », insiste-t-il. Bernard Jomier ne dit pas moins. « Il n’y a plus un seul département où le taux d’incidence est inférieur à 50, qui était le taux d’alerte », rappelle-t-il. Pire encore, il craint un pic sans précédent. « Je ne suis pas convaincu que les mesures limitées à trois régions vont être suffisantes et je crains que ce pic épidémique soit plus élevé que celui de la deuxième vague, et même que la première vague », s’alarme-t-il. Et termine, affligé : « On aimerait donc une communication qui ne soit pas de l’autosatisfaction ! »

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