Début juin, on ignorait encore si les élections sénatoriales allaient pouvoir se tenir à la période prévue. Tout dépendait de l’évolution de la situation sanitaire et de la possibilité d’organiser le second tour des élections municipales, scrutin qui renouvelle l’essentiel des grands électeurs qui élisent les sénateurs.
Au cours de l’examen, ce 17 juin au Sénat, d’un projet de loi visant à adapter le calendrier électoral à la situation épidémique, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a annoncé que le renouvellement pour moitié de la chambre haute du Parlement pourrait être maintenu. « Les élections sont convoquées par décret. Je proposerai la convocation des conseils municipaux le vendredi 10 juillet pour désigner les grands électeurs, qui éliront les sénateurs le 27 septembre - soit le dernier dimanche du mois, comme c'est l'usage », a précisé le ministre le 17 juin, lors d’une séance au Sénat. Tout en précisant que ces « propositions » n’étaient « pas encore formalisées ».
Sénatoriales : Christophe Castaner envisage la date du 27 septembre 2020
À l’origine, lorsqu’il avait annoncé sa décision de convoquer les élections le 28 juin pour le second tour des élections municipales, le gouvernement avait déposé au même moment ce texte pour reporter l’élection des 178 sénateurs de la deuxième série. Cette mesure de précaution, prise dans un contexte d’incertitude, aurait permis de tirer les conséquences d’une éventuelle annulation de dernière minute du second tour des élections municipales. Une méthode qui n’était pas du goût de plusieurs sénateurs, comme Philippe Bas (président LR de la commission des Lois) qui rappelait que le Parlement n’avait pas à se prononcer sur des questions « hypothétiques », ou encore Nathalie Delattre (sénatrice du Mouvement radical siégeant au groupe RDSE) dénonçant des « projets de loi fictions ».
Le mandat de six des douze sénateurs des Français établis hors de France prolongé d’un an
Le texte, réécrit au cours du débat parlementaire, tire néanmoins les conséquences de l’annulation des élections consulaires, qui n’ont pas pu se dérouler au mois de mai, à cause de la crise sanitaire. Ces 447 conseillers, représentants des citoyens expatriés, parfois dans des régions où l’épidémie fait encore rage, forment le corps électoral des 12 sénateurs des Français établis hors de France. Ce corps n’a donc pas pu être « rafraîchi » pour l’élection des 6 de ces 12 sénateurs renouvelables cette année. Pour éviter un risque d’annulation de leur élection, le texte adopté au Sénat prévoit donc de prolonger d’un an leur mandat, jusqu’en septembre 2021, et de réduire d’un an le mandat celui de leurs successeurs, afin de conserver la même rotation tous les six ans, dans le futur.
Cette solution qualifiée de « désagréable » par Philippe Bas, a été jugée la moins risquée de toutes. Le moindre mal entre deux maux. Maintenir la date initiale de l’élection des sénateurs des Français de l’étranger avec un collège électoral périmé aurait été délicat, tout comme une prolongation de leur mandat jusqu’au prochain renouvellement du Sénat en 2023. En cas d’annulation de leur élection, « les 1,7 million de Français vivant hors de France ne seraient plus représentés au Parlement que par moitié », a mis en garde le sénateur (LR) Ronan Le Gleut.
Les remontrances de Philippe Bas sur le calendrier des régionales
En revanche, comme nous l’indiquions il y a deux jours, l’annulation du second tour des municipales en Guyane, très touchée actuellement par le virus, ne remet pas en cause l’élection sénatoriale dans ce département. Les trois quarts des grands électeurs ont en effet été renouvelés. Ce qui va dans le sens d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le 15 décembre 2005, les Sages avaient expliqué que les sénateurs ne pouvaient pas être élus par un collège électoral composé en majeure partie de membres exerçant leur mandat au-delà de son terme normal.
À la fin de ce débat sur le report des sénatoriales pour les Français de l’étranger, Philippe Bas a rappelé qu’il s’agissait d’un motif « d’intérêt général », et que ce motif ne tiendrait pas pour un report des élections régionales, une hypothèse évoquée par l’Élysée. « Un report de vingt mois tel qu'évoqué par le Président de la République m'apparaîtrait profondément anormal », a prévenu le président de la commission des Lois. Et d’ajouter : « Je n'ai absolument pas l'intention, en faisant des propositions pour l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger, d'ouvrir la porte à ce que je considérerais comme une mesure attentatoire aux principes démocratiques. »
Les remontrances de Philippe Bas sur le calendrier des régionales
Interrogé hier, aux questions d'actualité au gouvernement, sur l'éventualité de ce report des régionales, le ministre Christophe Castaner avait défendu l'exécutif ainsi : « Ne qualifiez pas cela de tambouille, il s’agit au contraire d’un dialogue démocratique et républicain ».