Née en 1941 d’un père mexicain et d’une mère irlandaise, Joan Baez a développé sa conscience sociale avant même qu’elle ne commence à chanter…
Issue d’une famille de quakers, c’est de là qu’elle dit avoir puiser ses convictions. Famille pacifiste, prônant la désobéissance civique, son père, professeur de physique à l’université emmène régulièrement ses trois filles dans ses voyages professionnels afin de les sensibiliser aux inégalités sociales et aux conséquences de la pauvreté.
« Enfant, j’avais conscience qu’il y avait dans le monde des souffrances pires que les miennes », Joan Baez.
Alors quant à 13 ans, elle se fait traiter de « sale mexicaine », elle refuse de se laisser faire et décide de porter haut la voix des minorités dans une Amérique ségrégationniste. C’est le début d’un combat qu’elle poursuivra toute sa vie et qu’elle mènera sur les scènes du monde entier grâce à la musique et à la chanson.
La célébrité arrive vite pour celle que l’on surnomme rapidement « la madone aux pieds nus ». Aux débuts des années 60, alors qu’une nouvelle forme de contre-culture émerge aux Etats-Unis, elle commence à remplir des salles de concert dans lesquelles elle chante ses textes engagés pour l’égalité. Le 28 août 1963, elle est aux côtés de Martin Luther King lorsqu’il prononce à Washington son célèbre discours I have a dream. Face à 250 000 personnes, elle entonne alors We Shall Overcome (Nous triompherons), tiré d’un ancien gospel. « Jamais je ne me remettrais de ce discours, je n’avais jamais vu autant de monde, on était enfin prêt à passer à l’action et je savais que ça serait à travers la musique et la politique mais je n’avais pas les chansons pour cela… C’est alors que le miracle Dylan s’est produit » raconte-t-elle.
Joan Baez, Bob Dylan : l’histoire d’amour complexe de deux légendes de la musique folk
Une rencontre amoureuse mais aussi artistique pour les deux musiciens qui change « leurs vies, leurs opinions, leurs musiques et leurs carrières… ». « J’étais bluffée par son talent, je le faisais monter sur scène lors de mes concerts » se remémore Joan Baez.
Si elle était déjà une star, lui n’était encore qu’un jeune musicien inconnu à la voix jugée parfois trop faible ; mais ensemble ils mettent en mots et en musique leurs aspirations. « Nous étions comme des enfants heureux » rappelle la chanteuse mais « cela n’a pas duré longtemps, il cherchait une mère, moi j’avais besoin de sa présence, de son amour mais avec la célébrité, il s’est éloigné et je n’avais plus ma place. Il m’a brisé le cœur » avoue-t-elle aujourd’hui
C’est donc sans Dylan que Joan Baez poursuivra son combat pacifiste. Elle organise des marches à l’instar de celles organisées par Martin Luther King, ouvre un institut de recherche pour la non-violence et se mobilise contre la guerre du Vietnam et la conscription obligatoire des jeunes américains. Un engagement qui n’est pas sans conséquence, comme lorsqu’elle se retrouve en prison pendant une dizaine de jours. C’est d’ailleurs lors de ce séjour derrière les barreaux, qu’elle reçoit la visite du militant pacifiste David Harris. Ils tombent amoureux et militent ensemble… Une nouvelle ère s’ouvre alors pour Joan Baez… « Je chantais et il parlait » raconte-t-elle.
Elle tombe rapidement enceinte mais des névroses psychologiques qui l’habitent depuis l’adolescence la rattrapent. David Harris peine à l’aider, « il était trop jeune, mais c’est surtout moi qui étais trop folle » confesse-t-elle.
Joan Baez « accro à l’action militante »
Mariée en 1968, divorcée en 1973, Joan Baez ne lasse pas tomber pour autant ses luttes. « J’étais devenue accro à l’action militante, analyse-t-elle, il n’y a que là que je me sentais bien, après la guerre du Vietnam, comme beaucoup de gens qui avaient été très engagés, je me suis sentie perdue, les chansons folks c’était démodé, la guerre était finie, qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire de ma vie ».
Concerts à travers le monde, engagements au sein d’ONG comme Amnesty International… malgré quelques moments difficiles, Joan Baez a toujours poursuivi sa vie artistique et militante jusqu’à aujourd’hui, avec dernière étape marquante une tournée d’adieu entreprise en 2018. Avec une sérénité retrouvée, comme pour clore le dernier chapitre d’une vie bien remplie et libérée de poids invisibles elle conclut : « Aujourd’hui quand je chante je me sens plus libre, car je ne porte plus le monde sur mes épaules ce que j’ai fait pendant longtemps ».
Retrouvez le documentaire Joan Baez, à voix haute de Miri Navasky samedi 23 août à 21h puis en replay sur notre site internet ici.