Elysee Palace : weekly cabinet meeting
JEANNE ACCORSINI/SIPA

Les LR finalisent leur contrat de gouvernement avec Lecornu : « On veut que les choses soient écrites noir sur blanc et des garanties »

Les LR ont rappelé au premier ministre leurs exigences pour entrer au gouvernement. Ils attendent des « gages » de Sébastien Lecornu sur les économies, le travail et le régalien, via « une base contractuelle, avec des engagements clairement édictés », explique Mathieu Darnaud, président du groupe LR du Sénat. Si le PS censure le gouvernement, la droite est déjà prête à leur renvoyer la responsabilité de l’instabilité.
François Vignal

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« Ça avance bien », confie un sénateur. Si les relations étaient tendues ces derniers mois entre LR et Renaissance au sein socle commun, la donne semble changer. L’arrivée de Sébastien Lecornu à Matignon et les premiers signaux envoyés vont dans le bon sens. Le contrat de mariage approche. « Il faudrait mieux, car ça commence à être long », grince Olivier Paccaud, sénateur LR de l’Oise.

Nommé maintenant depuis trois semaines, le premier ministre a pris son temps pour travailler le « quoi », avant le « qui ». Il a surtout bien assuré la solidité de sa majorité relative, alors que les socialistes restent jusqu’ici désespérément sur leur faim, penchant pour la censure. Il a ainsi multiplié les déjeuners et réunions avec le socle commun.

Visio de Bruno Retailleau avec les députés et sénateurs LR ce mercredi

Mardi matin, il a revu les présidents des groupes LR de l’Assemblée et du Sénat, Laurent Wauquiez et Mathieu Darnaud, le président du Sénat, Gérard Larcher, et bien sûr le ministre de l’Intérieur et président des LR, Bruno Retailleau. Le contrat de gouvernement qu’ils demandent avance. Selon Le Figaro et L’Opinion, les dirigeants des LR ont rappelé précisément leurs conditions. Surtout, le premier ministre devrait s’engager par écrit sur ce qu’il fera, ou ne fera pas, d’ici la fin de la semaine.

Bruno Retailleau pourra présenter en détail ces exigences et « l’état des discussions pour un contrat de gouvernement », explique-t-on chez les LR, ce mercredi matin, lors d’une réunion en visio avec les députés et sénateurs, a appris publicsenat.fr. Le président des LR a déjà pu échanger avec les députés ce matin.

« Aujourd’hui, la priorité est celle revendiquée par les Français : on ne veut pas de taxes et d’impôts supplémentaires. Et c’est ce qui fait le cœur de notre programme, le sujet régalien, sur le versant de la sécurité et celui de l’immigration. Nous avons voté plusieurs textes ici. Nous attendons qu’ils soient de nouveau portés, s’il devait y avoir un gouvernement auquel nous participons. Je crois que tout ceci doit se faire sur une base contractuelle, avec des engagements clairement édictés », explique ce mardi matin, Mathieu Darnaud, avant sa réunion de groupe. Il ajoute : « On attend une démarche du premier ministre qui précise ces points, en donnant des gages qui ont vocation à faire en sorte que ces priorités soient déclinées au Parlement, sous forme de projet de loi voire de proposition de loi ». Regardez :

« Nous avons posé sur la table une feuille de route, proposée par Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez », explique Agnès Evren

Les demandes des Républicains se précisent. « LR va entrer au gouvernement, à condition que nos priorités, nos convictions, fassent l’objet d’un accord de gouvernement partagé avec le socle commun. Nous avons posé sur la table une feuille de route, proposée par Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, avec trois sujets : la priorité des priorités, c’est de réduire les dépenses publiques. L’Etat doit se serrer la ceinture, plutôt que ponctionner la poche des Français, déjà asphyxiés par une fiscalité très lourde », nous explique Agnès Evren, sénatrice de Paris et porte-parole des Républicains (voir la vidéo ci-dessous). Les LR ont en tête des économies sur les agences et opérateurs ou le « non-remplacement de fonctionnaires ».

Deuxième grand objectif : « Revaloriser le travail, car il n’est pas suffisamment rémunérateur. Donc on veut rapprocher le salaire net du brut, en baissant les cotisations salariales. On veut aussi créer une allocation sociale unique, plafonnée à 70 % du Smic pour permettre que les allocations ne soient pas supérieures aux revenus du travail », explique la présidente de la fédération LR de Paris. Elle ajoute un « troisième volet, essentiel, dont Sébastien Lecornu n’a pas parlé dans son interview au Parisien, c’est la sécurité. Là aussi, nous avons des priorités, comme proposer des peines courtes, minimales, dès le premier délit » ou encore « renforcer les prérogatives de la police municipales » avec le texte Buffet. Et bien sûr des mesures sur l’immigration, dont une réforme de l’AME. Sur ces questions régaliennes, les LR attendent « un agenda législatif ».

« La dernière fois, on avait fait les choses à l’envers »

La droite ne veut pas recommencer les erreurs passées. « Nous avons considéré que la dernière fois, on avait fait les choses à l’envers, c’est-à-dire qu’on est entré au gouvernement sans avoir mis sur la table nos convictions. Là, on ne s’engagera qu’à condition qu’on tope avec le gouvernement sur ces positions non négociables », prévient Agnès Evren. Et pour ça, il faudra un document. « On veut que les choses soient écrites noir sur blanc et des garanties sur ces priorités, le travail, le budget, les questions d’immigration sur lesquelles Sébastien Lecornu n’a strictement rien dit, à part sur l’AME », insiste la porte-parole des LR.

Max Brisson, porte-parole du groupe LR du Sénat, ajoute à la liste de courses des textes auxquels les sénateurs accordent de l’importance, comme « le statut de l’élu, la loi Trace sur l’assouplissement du ZAN (zéro artificialisation nette) », sans oublier le refus de la proportionnelle, pour les députés.

« Le premier ministre a écarté ce qui aurait pu conduire à ne pas participer au gouvernement »

Et selon toutes vraisemblances, Sébastien Lecornu et les LR devraient toper. « Les propos du premier ministre vont dans le sens que nous attentons. Mais il faudra voir ses propositions définitives », souligne Max Brisson. Mais pour le sénateur des Pyrénées Atlantiques, ça ne fait pas de doute. « Ce qui a été tranché, c’est que le socle du gouvernement sera celui du socle commun », dit-il, même s’« il faut encore y travailler ».

De quoi voir les LR rester au gouvernement ? « On ne peut pas faire comme si le premier ministre n’avait pas clairement dit un certain nombre de choses, sur la taxe Zucman et les retraites. Il a écarté ce qui aurait pu conduire à ne pas participer au gouvernement », salue Max Brisson. Le premier ministre consolide ainsi avant tout sa majorité. « Il faut assumer d’abord la cohérence du socle commun », confirme le porte-parole du groupe LR, « nous avons un socle de cohérence ».

« Le risque de censure est évident »

Mais avec ce qu’il gagne côté LR, le premier ministre risque de perdre à sa gauche, en ne trouvant pas d’accord de non-censure avec le PS. « Le risque de censure est évident », soutient Olivier Paccaud, qui ne voit « pas, par quel miracle, Sébastien Lecornu arriverait à atténuer les dissensions de fond ». « A court ou moyen terme », le sénateur de l’Oise « ne voit pas autre chose qu’une dissolution ».

Max Brisson attend lui de voir si les socialistes seront réellement prêts à claquer la porte. « Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, menace le matin et s’adoucit le soir. Il sait bien que l’opinion pourrait réagir défavorablement à la censure », avance le sénateur LR.

« Je pense que Sébastien Lecornu a acté qu’il ne fallait pas espérer un miracle du côté des socialistes »

Pour expliquer ce tapis rouge déroulé à la droite, plutôt qu’à la gauche, Marc-Philippe Daubresse « pense que Sébastien Lecornu a acté qu’il ne fallait pas espérer un miracle du côté des socialistes. Ils sont plus dans le symbole. Donc la taxe Zucman, c’est non. Autant, on peut imaginer de rétablir de la justice fiscale sur l’enrichissement des plus aisés, sur l’optimisation fiscale et sur les dividendes. Autant, toucher au patrimoine des personnes ou aux bien économiques, c’est une ânerie ».

Résultat, « il n’y a pas beaucoup de voies de passage. Donc le premier ministre en revient à la logique du moment, qui est de dire consolidons le bloc central. Et pour ça, les LR disent depuis le début qu’il faut un contrat de gouvernement. Voilà, on y est », analyse l’ancien ministre.

« Ce sont les socialistes qui assumeront de censurer »

Reste que si les socialistes se dirigent bien vers la censure, comme ils le menacent, le gouvernement pourrait très vite tomber. Mais chez les LR, on semble préférer garder sa ligne, plutôt qu’adopter un budget coûte que coûte, synonyme de compromis où la droite ne s’y retrouverait plus. « Dans ce cas, ce qu’il se dessinerait côté RN, c’est le retour de l’UMPS. La réponse est non », prévient le sénateur LR du Nord. Comme « on n’est pas du tout dans l’idée de trouver un accord avec le RN », ajoute Marc-Philippe Daubresse, « à un moment donné, on renvoie tout le monde à ses responsabilités. Ce sont les socialistes qui assumeront de censurer ». S’il faut passer par un retour par la case départ, chacun pourra à loisir se renvoyer la balle. Mais le pays s’enfoncera un peu plus dans la paralysie institutionnelle et politique.

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