Les pluri-actifs, déçus d’une classe politique « dépassée »
Ils sont en même temps cuisinier et animateur, architecte et professeur ou encore vendeuse en magasin bio et responsable culturelle: leurs...
Par Tiphaine HONORE
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Ils sont en même temps cuisinier et animateur, architecte et professeur ou encore vendeuse en magasin bio et responsable culturelle: leurs profils sont très divers, mais ces pluri-actifs considèrent tous à l'approche de la présidentielle que les candidats ont "un train de retard sur l'emploi".
"Les politiques n'ont pas compris que le monde du travail est en pleine révolution", regrette Marielle Barbé, écrivaine, consultante en communication et coach en entreprise.
Comme 1,4 million de personnes recensées par la Dares, le service des statistiques du ministère du Travail, elle cumule plusieurs activités et juge "l'environnement juridique inadapté à ceux qui ne rentrent pas dans les cases".
"Il faut créer un statut souple qui ne soit pas un frein au travail et donne un minimum de protection", assène cette autodidacte hyperactive qui craint par dessus tout de tomber malade, sa couverture santé étant "réduite".
Cette "slasheuse", comme elle aime se décrire, reprenant un terme qui s'applique aux actifs multipliant les emplois, n'attend "pas grand chose de la présidentielle". Le coworking ou le développement des start-up sont pour elle des indices "d'un tsunami imminent" qu'aucun candidat "ne voit venir". "Les politiques doivent avoir un électrochoc" résume-t-elle.
Baptiste Bernier, architecte, urbaniste et professeur d'université à Paris, le 5 avril 2017
AFP
"Les politiques font preuve d'une inertie folle", abonde Baptiste Bernier, architecte, urbaniste et professeur d'université à Paris. "Le schéma peine à se renouveler, contrairement à mon environnement de travail, souple et réactif", juge le trentenaire.
De retour d'Allemagne où il a vécu plusieurs années, il considère qu'"il ne faut pas tout déréglementer mais plutôt instaurer une sorte de droit à l'expérimentation. Pour lui, le revenu universel, proposé par le socialiste Benoît Hamon "pourrait aller dans ce sens" car être pluri-actif indépendant est "un sacrifice financier". "Pendant deux ans je n'ai perçu aucun salaire, le temps de lancer mes activités. Cela n'incite pas les gens qui ont des idées à les mener à bien", relève-t-il.
- Une forme de précarité -
Créateur du Salon SME à l'origine d'une étude sur les "slasheurs", Alain Bosetti juge, lui, que "la liberté ne peut être séparée de la prise de risque".
"On est assez grand pour se prendre en main sans avoir besoin des politiques" estime-t-il, considérant le statut d'auto-entrepreneur comme "un bon véhicule juridique" pour développer plusieurs activités en parallèle.
Alexandre Schiratti, à la fois enseignant et cuisinier, à Paris, le 4 avril 2017
AFP
Pour s'assurer une protection sociale satisfaisante, la moitié des pluri-actifs conserve un emploi salarié comme activité principale selon le Salon SME. Ses chiffres indiquent que 70% d'entre eux cumulent plusieurs emplois par choix et non par obligation financière.
Une situation nuancée par la Dares. Dans une étude d'octobre 2016, elle relevait que les pluri-actifs "subissent souvent un temps partiel contraint" et une forme de précarité, comme en a fait l'expérience Alexandre Schiratti, cuisinier et formateur.
Dans la grande cuisine de son espace de travail partagé, il jongle avec les casseroles comme il le fait avec ses emplois. "Multiplier les boulots n'était pas voulu au départ mais cela me permet d'avoir un salaire décent". "J'attends de pouvoir travailler avec un minimum de sécurité" résume-t-il, sans croire qu'elle viendra des postulants à l'Elysée.
Alexandre Schiratti, à la fois enseignant et cuisinier, à Paris, le 4 avril 2017
AFP
Une réalité que partage également Charline Fortin, jeune titulaire d'un Master de politique culturelle à Paris 7. Depuis deux ans, elle mène de front un mi-temps dans un magasin d'alimentation bio et des contrats de courte durée dans un théâtre. "La possibilité d'obtenir un CDI à temps plein dans le secteur culturel me parait lointaine", regrette-t-elle.
"J'ai l'impression que je ne trouverai que des petits jobs d'exécutant, pas en lien avec mes études", décrit la jeune femme. Les échéances électorales à venir lui laissent déjà un goût amer: "je n'ai pas envie d'être toujours plus flexible, d'avoir des contrats à la journée".
Elle ira voter le 23 avril mais se dit résignée: "s'il y a des changements à venir, ils émergeront de la base".
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