Emmanuel Macron ou l’incarnation d’« un élitisme décontracté »
Le 1er mars 2018, Emmanuel Macron s’est prêté au jeu des soirées musicales à l’Élysée instaurées avec son épouse, en interprétant Pierre et le Loup avec les musiciens de la Garde Républicaine. Une manière pour le sémiologue Denis Bertrand « de faire oublier le rôle du Président au profit de celui d’animateur, d’enseignant, de communicateur à travers des informations culturelles précises ».
L’intégration de la musique est d’ailleurs une nouveauté en terme de pratique culturelle de nos dirigeants selon la journaliste politique Christine Clerc car auparavant elle ne faisait « pas tellement partie de la culture française »… « Généralement nos présidents ont été plus littéraires ».
Ces derniers mois, le chef de l’État a également visité une exposition consacrée aux œuvres de Picasso. Des photos témoignent de cet événement et traduisent selon Denis Bertrand « un moment de gaîté partagé ». Il montre qu’il passe un bon moment.
De la même manière, en invitant une centaine de créateurs de mode à l’Élysée, Emmanuel Macron fait de cette rencontre un moment convivial autour d’un dîner puis d’une photo de groupe, exercice d’habitude réservé « au gouvernement ou aux gouvernants ». « Là on a une sorte de pastiche de la photo de groupe codifiée dans le monde politique » selon Denis Bertrand.
Que ce soit en interprétant Pierre et le Loup, en visitant une exposition ou en invitant des créateurs de mode à l’Élysée, Emmanuel Macron « endosse donc la multiplicité des rôles dans cette capacité à être polymorphe » selon le sémiologue.
Le caméléon présidentiel révèle ainsi « un rapport à la culture qui est assez fréquent dans les élites sociales et politiques de sa génération, pas forcément enfermées dans des répertoires étroits ». C’est l’analyse de Philippe Coulangeon, sociologue spécialiste des pratiques culturelles.
Hypothèse partagée par Christine Clerc qui ajoute : « il est dans son rôle d’incarnation et de retour à la culture française puisqu’on est dans une époque où on a besoin de s’identifier, de savoir d’où on vient et il nous le dit de cette façon ».
La littérature et l’art, jardins secrets de Nicolas Sarkozy et de Jacques Chirac
De la présidence de Nicolas Sarkozy, on retient généralement ses critiques à l’égard de la Princesse de Clèves, roman écrit au XVIIe siècle par Madame de La Fayette qui lui avait valu de s’attirer les foudres des défenseurs de la littérature.
Selon Christine Clerc, « il s’est ainsi rendu compte qu’un Président ne doit pas rigoler avec la culture française ».
« Cela a d’ailleurs beaucoup été perçu comme quelque chose d’emblématique de ce président bling-bling, inculte et d’une inculture décomplexée » analyse Philippe Coulangeon.
Mais ces railleries ont « beaucoup blessé » le président selon la journaliste Christine Clerc car selon elle « il veut bien avoir l’air d’un plouc avec les amateurs de foot mais pas avec la haute société ».
Quant à Jacques Chirac, grand passionné des arts primitifs et des combats de sumos, il s’est longtemps tu sur ses passions véritables : une sorte de « provocation contre les codes d’un milieu social » selon Christine Clerc.
Pour elle « c’est une façon de dire à la France d’en bas, je suis plus proche de vous que de cette France élitiste qui veut afficher sa culture ».
Ainsi, chaque président joue avec ses codes culturels. Dans cet exercice, Emmanuel Macron semble se positionner entre élitisme et partage culturel avec tous les français. Reste à savoir si, une fois son mandat achevé on découvrira le jardin secret d'Emmanuel Macron...
Retrouvez l’intégralité de l’émission Déshabillons-Les, Le Président des Arts, samedi 7 avril à 15h sur Public Sénat.
