Les Républicains se divisent progressivement en « deux partis »
Face aux élus LR tentés de rejoindre Macron, François Baroin agite la menace d’exclusion. Le symptôme d’un parti de plus en plus divisé entre son aile la plus droite dure et celle plus centriste. Après les législatives, tout pourrait bouger… et explose. Certains prennent déjà date.

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Face aux élus LR tentés de rejoindre Macron, François Baroin agite la menace d’exclusion. Le symptôme d’un parti de plus en plus divisé entre son aile la plus droite dure et celle plus centriste. Après les législatives, tout pourrait bouger… et explose. Certains prennent déjà date.
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L’unité semble se fragiliser de jour en jour chez Les Républicains. Depuis la défaite de François Fillon au premier tour, ce « 21 avril » de la droite, le parti traverse une sérieuse crise existentielle. Pour le moment, tout le monde reste sur le même bateau – ou galère ? – grâce à la perspective des législatives de juin. Mais les forces centrifuges sont à l’œuvre. L’explosion du parti, ou plutôt sa scission, est dans bien des têtes.

« Coalition »

La semaine dernière, Bruno Le Maire avait été le premier à faire un pas vers cette recomposition, expliquant qu’il n’aurait « aucune hésitation » à intégrer le gouvernement si le leader d’En marche ! remporte la présidentielle mais se retrouve sans majorité absolue à l’Assemblée. La sénatrice LR Fabienne Keller, juppéiste, lui a emboité le pas. Sur publicsenat.fr, elle a ouvert la porte à une « coalition » ou « des accords sur certaines mesures » avec Emmanuel Macron.

Ce matin, un autre ténor des LR, Christian Estrosi, a aussi franchi le pas. « S'il n'y a pas de majorité du tout, qu'est-ce qu'on va faire ? Est-ce qu'on va se montrer responsables et apporter notre contribution, celle qu'attendent les Français qui veulent des réformes ? (...) Eh bien je dis que notre devoir sera de ne pas laisser la France en panne pendant cinq ans », a déclaré sur Europe 1 le président de la région PACA, qui avait accueilli Emmanuel Macron à Nice pendant la campagne. « Les Républicains, pour certains d'entre eux, considèrent qu'ils peuvent avoir une majorité absolue » à l'issue des législatives mais « j'ai du mal à (le) penser » car « sous la Ve République un président élu a toujours eu a minima une majorité relative derrière », a ajouté Christian Estrosi, alors que le mot d’ordre est à la victoire pour imposer une cohabitation…

« Je suis étonnée que la première prise de parole de François Baroin soit sur des sanctions »

Sur RTL, François Baroin, chef de file des LR pour les législatives, a sorti la menace pour tenter de dissuader toutes velléités d’accord avec Macron. « La règle va être très claire : tous ceux qui se rapprochent du Front national seront exclus, pour la présidentielle et pour les législatives ». « J'ajoute que tous ceux qui se rapprochent de Macron avant les législatives : même tarif », a déclaré le sénateur-maire de Troyes. Mise en garde également dans Le Parisien du député Eric Woerth, chargé du projet LR pour les législatives : « Le braconnage des hommes et la brocante des idées sont une impasse pour la France. Ces ralliements opportunistes seraient l'illustration de pratiques profondément rejetées par les Français. Celles et ceux qui céderaient à ces tentations s'excluraient d'eux-mêmes ».

Des rappels à l’ordre pas vraiment du goût de Fabienne Keller. « Je suis étonnée que la première prise de parole (de François Baroin) soit sur des sanctions » affirme la sénatrice du Bas-Rhin. « On a beaucoup de mal à discuter des raisons de notre faible score et ce qui s’est passé au premier tour. Avant de sanctionner, il faut rassembler et analyser. Gerald Darmanin a dit qu’on avait perdu les jeunes, le monde rural, les bobos des centre-villes, les quartiers… (…) Il n’y a pas eu de débat en bureau politique la semaine dernière. Il faut des retours sur expérience. Si on veut rester ensemble, il faut partager l’analyse », souligne Fabienne Keller.

Un nouveau parti après les législatives ?

Aujourd’hui, « il apparaît une ligne de clivage » au sein des LR, constate Fabienne Keller. Elle ajoute :

« La semaine dernière, lors du bureau politique, on a bien vu deux partis, même physiquement dans la salle. Il y avait plutôt d’un côté ceux qui veulent une position plus claire sur l’appel à voter Macron, et de l’autre côté les autres, avec une position plus neutre ».

Deux groupes avant séparation définitive ? Selon Le Canard enchaîné de ce mercredi, l’idée de créer un nouveau parti est déjà dans les plans de certains : « Au sujet de cette cassure, les conciliabules ne se comptent plus, entre le maire de Bordeaux, son premier lieutenant et maire du Havre, Edouard Philippe, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, NKM, Christian Estrosi, Bruno Le Maire et Jean-Pierre Raffarin. Ces derniers sont d’accord sur un point : le parti des Republicains tel qu’il est composé aujourd’hui n’est plus fréquentable. En conséquence de quoi ils ont décidé de le quitter prochainement, sans doute après les législatives, et de profiter de la recomposition politique générale qui va s’ensuivre pour créer un nouveau parti. Un parti qui pourrait se rapprocher, sur divers sujets, du programme d’un certain Macron »…

Dans cette phase de transition et d’incertitude, certains jouent sur la tentation macroniste. Le fruit est mûr. Il ne reste plus qu’à le cueillir. Le sénateur LR Jean-Baptiste Lemoyne, premier parlementaire LR a avoir rejoint Macron, dès la campagne, tend la main à ses anciens amis. « Je les appelle à nous rejoindre parce qu’on est en train d’écrire une page de la vie démocratique, une page de l’histoire de France » a-t-il affirmé sur Public Sénat. Au passage, il tacle François Baroin et ironise sur ses menaces d’exclusion. « Qu’il s’interroge. (…) Pourquoi les centristes sont partis ? Pourquoi les souverainistes sont partis et aujourd’hui un certain nombre de progressistes ? (…) A un moment, il va tenir ses réunions dans une cabine téléphonique, Monsieur Baroin »… Regardez :

Baroin risque de « tenir ses réunions dans une cabine téléphonique », raille Lemoyne
01:10

« La remise en cause globale est absurde »

Face à ces perspectives d’explosion des LR, pas évident pour les artisans de l’unité de se faire entendre. Le président LR du Sénat, Gérard Larcher, est de ceux-là. « La victoire aux législatives n'est possible qu'à une condition : ne pas ajouter au goût amer de la défaite les délices de la division qui nous conduiraient à l'implosion », affirme Gérard Larcher dans Le Figaro. Il appelle les LR à prendre « pleinement » leur « responsabilité » et « parmi celles-ci, il y a celle de ne pas faire exploser notre famille politique ».

Le sénateur sarkozyste Roger Karoutchi lui ne croit pas à la mort de son parti. « La remise en cause globale est absurde. Par définition, ce qui a créé l’UMP est ce qui fait l’unité des Républicains » a-t-il expliqué mardi soir après le dernier bureau politique. Regardez (images Fabien Recker et Nelson Getten) :

Roger Karoutchi sur les LR : « La remise en cause globale est absurde »
00:36

Pour conserver l’unité, il s’agit simplement de faire quelques efforts, selon Roger Karoutchi. « Chacun doit faire un peu de concessions. Les ultras gaullistes d’anciens du RPR doivent comprendre un peu les souhaits européens et les politiques de solidarité des centristes. Et les centristes doivent comprendre l’importance de l’idée de Nation, de République. On l’a fait pendant 15 ans, expliquez moi pourquoi ça ne marcherait plus aujourd’hui ? » Peut-être parce que la droite est éliminée du premier tour et qu’Emmanuel Macron pourrait bien remporter la présidentielle face à une extrême droite qui n’a jamais été aussi élevée.

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