Alors que le gouvernement s’apprête à tomber, chacun réfléchit à la suite. A droite, « le nom de François Baroin recircule », glisse le sénateur LR Roger Karoutchi. Au PS, on tend la main. « Nous sommes à la disposition du président de la République », avance Patrick Kanner, à la tête du groupe PS du Sénat. Pour le centriste Hervé Marseille, il faut « trouver une plateforme d’action, comme disent les socialistes, de non censurabilité, pour essayer de trouver un accord ». Les grandes manœuvres ont commencé.
Les sénateurs écologistes dénoncent une politique qui « plombe la Sécurité sociale »
Par François Vignal
Publié le
Le Sénat entame ce lundi l’examen du budget de la Sécu pour l’année 2025. Un projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui porte notamment la mesure sur la désindexation partielle des pensions de retraite pour une durée de six mois. Si la majorité sénatoriale de droite et du centre soutiendra le compromis présenté la semaine dernière par Laurent Wauquiez, ce ne sera pas le cas du groupe écologiste du Sénat. Autre point important : l’allégement des exonérations de charges sur les entreprises, sur laquelle le gouvernement est en train de revenir.
Pour les sénateurs écologistes, il faut plutôt limiter les exonérations de charges à deux Smic maximum. « Les exonérations au-delà de deux smic n’ont aucun effet sur l’emploi, aucun effet sur la compétitivité », avance ce lundi, lors d’une conférence de presse, la sénatrice écologiste du Rhône, Raymonde Poncet Monge. En les limitant à se seuil, les écolos proposent ainsi d’économiser « 8 milliards d’euros ».
« On est à la fois ambitieux et réalistes »
Les exonérations ne sont qu’un des nombreux points de désaccord dans ce budget de la Sécu 2025. « On est à la fois ambitieux et réalistes chez les écolos », lance Anne Souyris, sénatrice des Ecologistes de Paris, qui dénonce les grands équilibres du PLFSS. « En l’état, on voit un déficit de 18 milliards d’euros en 2024 qui est utilisé pour justifier des mesures d’efforts considérables qui portent sur les malades et les travailleurs », dénonce l’ancienne adjointe à la santé d’Anne Hidalgo.
Pour Raymonde Poncet Monge, « c’est le PLFSS le plus pauvre de l’histoire », car il est ramené à sa dimension budgétaire, alors qu’« on devrait partir des besoins pour aller aux recettes ». Ainsi, « sur la branche famille, il n’y a simplement qu’une estimation du coût des mesures prises les années passées », alors qu’« il y a des besoins. Il faudrait par exemple un congé parental rémunéré sur le taux de remplacement du salaire, et non par forfait, pour aller vers l’égalité entre les hommes et les femmes ».
« Faire payer les gens qui nous empoisonnent »
Les propositions sont nombreuses. Le groupe écolo appelle ainsi à « un vrai tournant dans la politique du grand âge », « la transparence sur le médicament » pour que « tous les fonds publics soient déclarés par les labos pharmaceutiques ». Il souhaite la création « d’un service public du médicament ».
Les écologistes défendent encore une politique de prévention digne de ce nom, même s’ils saluent des avancées « par petites touches », avec la fiscalité sur les sodas. Ils font néanmoins des propositions de recettes « sur les superprofits des pollueurs, avec les entreprises pétrolières ». Anne Souyris entend « faire payer les gens qui nous empoisonnent », évoquant « la question des pesticides qui font augmenter le taux de maladie de Parkinson. On sait que les gens touchés sont les agriculteurs. Donc il faut une taxe sur les pesticides », même celle-ci n’a pas été jugée recevable.
« Il y a un petit lobby alcoolier ici »
En plus de cette « fiscalité environnementale », les écologistes insistent sur « la fiscalité comportementale », c’est-à-dire l’augmentation des taxes pour faire changer les comportements. Ils proposent une classique augmentation du prix du tabac, « avec un seuil important pour que ça fonctionne », et « sur l’alcool, la taxe unitaire », qui permet d’avoir un prix minimum sur une bouteille de vin ou un cubi. Déjà mise en place en Ecosse depuis 2018, elle a permis une baisse de 13 % de la mortalité. La mesure avait déjà été proposée l’année dernière par des sénateurs de différents groupes. Elle avait été rejetée, sans surprise. « Il y a un petit lobby alcoolier ici », rappelle avec euphémisme, Anne Souyris.
Les sénateurs écologistes défendent aussi une hausse des « taxes sur les jeux d’argent ». Et là aussi, les intérêts sont parfois contraires. « L’an dernier, l’amendement sur la taxe sur la publicité sur les jeux d’argent avait été adopté au Sénat, puis la mesure avait disparu de la version finale du texte », rappelle la sénatrice de Paris, espérant que ce « lobby » de la filière n’obtienne pas à nouveau gain de cause.
« Une politique de caisse vide » pour favoriser « le privé »
Globalement, c’est toute la philosophie défendue depuis 2017 par Emmanuel Macron, et prolongée aujourd’hui, que les sénateurs du groupe écologiste dénoncent. « Ce déficit n’est pas structurel, mais parce que l’Etat fait les poches de la Sécu. Chaque fois que l’Etat veut aider les entreprises, il prend l’argent à la Sécu qui n’est remboursée qu’en partie », souligne Anne Souyris. « C’est délibérément qu’Emmanuel Macron plombe la Sécu. C’est une politique de caisse vide, et quelque part, derrière, avec l’idée de partir vers le privé, notamment sur les retraites », dénonce Raymonde Ponce Monge. Elle ajoute :
La sénatrice du Rhône souligne que toutes les exonérations coûtent « 90 milliards d’euros, qui sont non compensés pour la Sécu. Derrière, ça dégrade le service public », « c’est délibéré ». « De fait, ça donne toute la place à la financiarisation », ajoute sa collègue parisienne, évoquant les Ehpad privés qui peuvent « augmenter leurs tarifs. Or il faudrait qu’ils aient les mêmes obligations que dans le public ».
Pour Raymonde Ponce Monge, cette politique de destruction « est très sournoise. Les franchises augmentent de deux euros, puis de trois euros. A la fin, pour celui qui n’a pas de mutuelle, le montant remboursé par la Sécu est de 14 euros chez le médecin ». La sénatrice met Michel Barnier dans le même panier. « Emmanuel Macron a choisi un premier ministre qui ne remet pas en cause la réforme des retraites. Il a choisi le premier ministre qui va poursuivre sa politique libérale », lance Raymonde Ponce Monge. Autant de sujets que les sénateurs comptent bien défendre au cours de la semaine d’examen consacrée au PLFSS. Ils ont 95 amendements à défendre.
Pour aller plus loin