C’est un vieux sujet au Sénat, qui revient parfois sur la table : le scrutin public, version sénatoriale. La gauche entend remettre une pièce dans ce débat, à l’occasion d’un projet de modification du règlement de la Haute assemblée.
Mais de quoi parle-t-on ? Durant l’examen d’un projet de loi ou d’une proposition de loi, un groupe politique peut demander un scrutin public ordinaire. Concrètement, le scrutin public permet, tel que pratiqué au Sénat, de voter pour les absents. Une sorte de super délégation de vote. Contrairement à l’Assemblée, où un député ne peut recevoir qu’une seule délégation de vote pour voter pour un absent, à la Haute assemblée, un seul sénateur peut voter pour l’ensemble de son groupe. Il suffit de remplir une « feuille verte », lors de la séance.
Une disposition bien pratique : même s’il est en minorité numérique dans l’hémicycle, le groupe majoritaire peut l’emporter malgré tout. Le cas de figure n’est pas rare. Si la gauche, qui a sur le papier moins de sénateurs que la majorité sénatoriale de la droite et du centre, se retrouve à un moment plus nombreuse, le groupe LR peut par exemple demander un scrutin public, pour être sûr de l’emporter à tous les coups. Le groupe PS est libre aussi de le faire, dans un cas de figure inverse, où le scrutin public lui permettrait de l’emporter. Cette faculté peut d’ailleurs parfois conduire à quelques surprises, quand un sénateur, qui vote pour l’ensemble de son groupe, se trompe de vote.
« Cette modalité de vote est de toute évidence contraire à l’article 27 de la Constitution »
La gauche profite donc de l’agenda pour relancer le débat sur ce sujet sensible. Dans le cadre de l’examen d’une proposition de résolution, déposée par Gérard Larcher lui-même, le président LR du Sénat, et la sénatrice centriste Sylvie Vermeillet, qui vise notamment à apporter quelques modifications au règlement du Sénat, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie a déposé un amendement. Son objectif ? « Se mettre en conformité avec la Constitution et avec les modalités en vigueur à l’Assemblée nationale depuis 1993, soit depuis 30 ans », nous explique la sénatrice PS de Paris, dont l’amendement a été signé par l’ensemble du groupe socialiste. Philippe Seguin, alors président de l’Assemblée, avait en effet mis fin à la pratique, en 1993, pour les députés.
« Cet amendement du groupe socialiste, écologiste et républicain vise à mettre un terme à l’anomalie que constitue le scrutin public tel qu’il est mis en œuvre au Sénat », dit l’amendement dans l’exposé des motifs. « Ce scrutin public autorise en effet un sénateur à voter pour l’ensemble des membres de son groupe, hier à l’urne, et aujourd’hui par voie électronique. Cette modalité de vote est de toute évidence contraire à l’article 27 de la Constitution qui, dans son deuxième alinéa, dispose que « le droit de vote des membres du Parlement est personnel » et, dans son troisième alinéa que « nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat » », ajoute l’amendement.
Les écologistes ont aussi déposé un amendement similaire de leur côté, via le sénateur Guy Benarroche. L’examen du texte est prévu dans la soirée de mardi. Reste à voir si un scrutin public sera demandé sur l’amendement.