A l’approche de la présentation officielle, mi ou fin avril, de la réforme constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron, chacun se positionne. Les sénateurs PS planche ce jeudi après-midi sur le sujet. Un séminaire qui conclut six réunions. Si le groupe de Patrick Kanner n’a pas encore arrêté toutes ses propositions – on en comptera 27 ou 28 – les socialistes ont déjà quelques idées à avancer.
Le groupe n’a pas simplement voulu se positionner sur la réforme à venir, pour laquelle le président de groupe doit rencontrer le premier ministre Edouard Philippe vendredi. Il s’est lancé dans « un travail de fond », explique à publicsenat.fr le sénateur PS Jean-Pierre Sueur, qui a présidé les travaux. « Le travail que nous avons fait part d’un double constat : la pauvreté et l’incomplétude des propositions faites par Emmanuel Macron. Nous avons eu une vision globale » explique le sénateur Eric Kerrouche, qui a travaillé aussi sur les propositions.
« Rééquilibrer la Ve République en accroissant le pouvoir du Parlement »
Globalement, « on veut renforcer le pouvoir des parlementaires, face à un exécutif omniprésent. On veut rééquilibrer la Ve République en accroissant le pouvoir du Parlement », explique le sénateur Jean-Pierre Sueur, à l’inverse du document transmis par le premier ministre aux présidents de groupe. L’exécutif veut en effet limiter le droit d’amendement. « Cette proposition est ahurissante, car le droit d’amendement est individuel et constitutionnel » rappelle le sénateur du Loiret. La décision hier du gouvernement de recourir au vote bloqué au Sénat sur la revalorisation des retraites agricoles ne fait que renforcer les sénateurs dans cette impression.
« La réforme constitutionnelle a un trait de plume qui revient à donner plus de pouvoir à l’exécutif en donnant moins de pouvoir au Parlement. Il y a des signes qui ne trompent pas comme l’utilisation du vote bloqué hier. Attention danger » lance Patrick Kanner, au micro de Public Sénat (voir la vidéo). Si le détail des propositions est à venir, le président de groupe en explique l’esprit : « Nous voulons reparlementariser cette Constitution, renforcer le rôle du Parlement, le moderniser, permettre aux citoyens de participer à la construction de la loi ».
Le non-cumul dans le temps, limité à trois mandats successif, ligne rouge de Gérard Larcher dans la réforme, ne pose pas de problème aux sénateurs PS. En revanche, ils sont plus partagés sur la baisse d’environ un tiers du nombre de parlementaires. Certains sont pour, d’autres s’y opposent. « Nous sommes réservés sur la baisse du nombre de parlementaires. Il faut qu’on nous convainque sur le sujet », explique Patrick Kanner. « Personnellement, je ne fais pas de fétichisme sur le nombre des 348 sénateurs, mais je suis hostile à toute campagne où on cherche à créer un clivage entre le peuple et les élus, qui seraient trop nombreux » affirme Jean-Pierre Sueur. Surtout, si on veut conserver au moins un sénateur par département et avoir une bonne représentation de tous les territoires, « c’est très difficile de baisser significativement le nombre de sénateurs » ajoute l’ancien président de la commission des lois.
Le mot race de la Constitution, « une survivance d’un passé qui n’est plus entendable »
Dans leurs propositions, les sénateurs PS reprennent une promesse non réalisée de François Hollande : supprimer le mot race de la Constitution, « une survivance d’un passé qui n’est plus entendable aujourd’hui » souligne Eric Kerrouche. Les députés l’avaient voté à l’Assemblée en 2013, mais le texte n’avait pas été inscrit ensuite à l’ordre du jour du Sénat. La suppression du mot avait été évoquée ensuite lors du débat sur la déchéance de la nationalité, mais la réforme n’a jamais vu le jour.
Autre proposition, en cette journée internationale du droit des femmes : inscrire « la parité dans l’ensemble des institutions : gouvernement, CSM, Conseil constitutionnel, et inscrire dans la Constitution l’égalité salariale entre hommes et femmes » annonce le sénateur des Landes.
« Il est assez triste que le débat se résume à une opposition entre scrutin majoritaire et scrutin proportionnel »
Sur la dose de proportionnelle de 10 à 25%, que propose le gouvernement pour l’élection des députés, les sénateurs n’ont pas encore tranché. Traditionnellement, le PS est favorable à une dose de proportionnelle. Mais le groupe PS veut faire des propositions alternatives.
« Il est assez triste que le débat se résume à une opposition entre scrutin majoritaire et scrutin proportionnel. Il y a des systèmes de vote plus intelligents ailleurs, moins injustes. On va faire des propositions différentes et on peut demander leur avis aux citoyens » explique Eric Kerrouche. Le sénateur évoque « le vote alternatif ou le vote transférable, système utilisé en Australie ».
Les sénateurs socialistes espèrent prolonger la discussion au-delà des murs de la Haute assemblée, en ouvrant le débat vers les citoyens, via une plateforme numérique. Le groupe communiste, qui a tenu un colloque sur le sujet lundi, souhaite aussi un débat plus large avec les Français, pour sortir du débat entre l’Elysée, l’Assemblée et le Sénat.