Le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) de 2021 ressort sensiblement modifié de son passage au Sénat, dans la nuit du 17 et 18 novembre. « Loin de constituer un texte de fin de gestion », selon la majorité sénatoriale de droite et du centre, ce deuxième budget rectificatif comportait une mesure de taille : l’indemnité inflation de cent euros, annoncée par le Premier ministre en octobre. Elle constitue l’une de ses premières réponses à l’envolée des dépenses d’énergie des Français, avant l’adoption du budget pour 2022. Elle a été supprimée du texte, et remplacée par un mécanisme davantage ciblé sur les populations les plus modestes.
Selon le texte adopté par les députés la semaine dernière, l’aide forfaitaire s’adresse à une variété de publics : salariés, indépendants, retraités, chômeurs, allocataires de minima sociaux ou encore étudiants boursiers percevant moins de 2000 euros net mensuels, soit environ 38 millions de personnes. « Avec cette mesure exceptionnelle, nous poursuivons un objectif de simplicité et de rapidité de la mise en œuvre pour répondre le plus efficacement possible à la hausse des prix », a défendu le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt.
Des « effets de seuil massifs »
La solution du gouvernement n’a pas convaincu la droite sénatoriale. « Cette mesure court-termiste est, au mieux, une réaction à la crainte d’un retour du mouvement des Gilets Jaunes, et au pire, une mesure électoraliste à près de 4 milliards d’euros, excusez du peu », a résumé le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson (LR). Cette indemnité « cumule les inconvénients », selon lui. En effet, ce « revenu universel d’un jour » serait versé sans aucune considération des revenus ou de l’utilisation d’un véhicule dans un foyer. Autre difficulté, la mesure entraîne des « effets de seuil massif ». Une rémunération légèrement supérieure à 2000 euros priverait brutalement de l’indemnité inflation. La droite craint aussi des difficultés de trésorerie pour les entreprises, qui procéderont au versement avant d’être remboursées par l’État.
Sous l’impulsion de la droite, une majorité du Sénat a donc voté la suppression de cette mesure, non sans adopter une alternative. « Cette proposition ne remet pas en cause l’objectif d’un soutien rapide en faveur des ménages les plus exposés aux ressauts de l’inflation », a insisté Jean-François Husson. D’autres amendements du rapporteur général ont été intégrés au projet de loi, pour « renforcer des dispositifs déjà existants et mieux ciblés ».
L’un des amendements vise à majorer, de façon « exceptionnelle » la prime d’activité de 150 euros et à allouer, là aussi, 150 euros aux bénéficiaires de minima sociaux et de prestations sociales. « Une mère isolée, avec un enfant à charge, qui gagne entre 2 000 et 2 400 euros, avec le dispositif, bénéficie de la prime de 150 euros. Une personne en couple, dont deux enfants à charge, avec un conjoint sans ressources, qui gagne entre 2 000 et 3 300 euros, elle bénéficie également de ce dispositif […] Ce n’est plus individuel, c’est familialisé », a défendu le rapporteur.
Enfin, un amendement instaure une « dotation ponctuelle » au service public de l’emploi, pour renforcer les aides à la mobilité des chômeurs, engagés dans des démarches de retour à l’emploi. Le total de ces mesures est estimé à 1,5 milliard d’euros, contre 3,8 milliards pour l’indemnité inflation voulue par le gouvernement. Le dispositif retenu couvre dix millions de personnes, selon Jean-François Husson, 5 à 6 millions selon le gouvernement.
« Un choix que le gouvernement ne partage pas »
« C’est un choix que le gouvernement ne partage pas », s’est opposé le ministre Olivier Dussopt. Cette solution exclurait les travailleurs indépendants, les retraités et les demandeurs d’emploi, a-t-il déploré. Mesure emblématique en faveur du pouvoir d’achat, l’article instituant l’indemnité inflation pourrait toutefois être rétabli par voie d’amendement par la majorité présidentielle ou le gouvernement, à l’Assemblée nationale.
L’amendement de suppression de l’indemnité inflation a été adopté par 146 voix contre 51 (on compte 146 abstentions, à gauche et les centristes).
La gauche a également manifesté ses critiques à l’encontre de l’indemnité inflation du gouvernement. « C’est toujours ponctuel ! Il faudrait des mesures bien plus ancrées dans le temps », a appelé la sénatrice (Génération. s) Sophie Taillé-Polian. « Le gouvernement ne va-t-il pas finir pour concéder d’ici là un chèque-pâtes ? Un chèque-sucre ? Un chèque-café ? » a ironisé le communiste Pascal Savoldelli, qui a rappelé que la hausse des prix ne se limitait pas à l’énergie. Les deux groupes ont tenté, en vain, de porter l’effort sur le chèque énergie touché par six millions de ménages modestes à 400 euros, contre 100 pour le gouvernement.
Les sénateurs socialistes ont proposé de baisser temporairement la TVA sur les carburants de 20 % à 5,5 % entre 1er décembre 2021 et 1er juillet 2022. « C’est l’occasion de prendre les devants. Nous ferions œuvre utile », avait défendu Rémi Féraud. « Il n’est pas garanti que cette baisse se répercute intégralement à la pompe », a rétorqué Jean-François Husson.
Les sénateurs ont cependant adopté, dès le début de l’examen, un amendement du centriste Vincent Delahaye pour que la TVA ne s’applique pas aux taxes et contributions frappant la consommation d’électricité. « On ne comprend pas qu’il puisse y avoir des taxes sur les taxes », s’est exclamé le sénateur de l’Essonne. L’amendement n’a pas reçu le soutien du gouvernement