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Lettre d’Olivier Faure au Conseil d’Etat : « Un message politique, plus qu’un recours contentieux », explique Paul Cassia  

Le 24 juillet, Olivier Faure a adressé à Didier Roland-Tabuteau, vice-président du Conseil d’Etat, un courrier pour alerter la juridiction administrative sur l’exercice du pouvoir réglementaire par le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal. Si cette lettre interroge les diverses nominations à effet différé qui ont eu lieu au cours des deux derniers mois, elle constitue en réalité davantage un message politique qu’un véritable recours contentieux.
Camille Gasnier

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Dans ce courrier, le premier secrétaire du Parti socialiste rappelle la volonté du Président de la République de ne pas nommer un Premier ministre avant la fin des Jeux Olympiques. Olivier Faure pointe ainsi que « jamais à notre connaissance un Gouvernement n’aura dû gérer aussi longtemps les affaires courantes ». À cet égard, il questionne « l’exercice du pouvoir réglementaire et la récente série de nominations à des postes de direction au sein de l’administration centrale avec des dates de prises de fonction différées ». Olivier Faure interroge le vice-président du Conseil d’Etat sur les moyens mobilisés par son institution pour contrôler les actes pris par le Gouvernement et saisit, en sa qualité de chef de parti, le Conseil d’Etat « des actes réglementaires qui excèdent manifestement à la fois les prérogatives du Gouvernement et le cadre de gestion des affaires courantes ». 

Un message politique qui n’a pas de portée juridique 

Sur la forme, cette lettre ne semble pas avoir de véritable portée juridique, mais sert à véhiculer un message politique : « C’est surtout un message politique que le secrétaire du Parti socialiste veut faire passer, ce n’est pas un recours contentieux, c’est une forme d’alerte », souligne Paul Cassia, professeur de droit public. C’est également ce qu’analyse Mathieu Carpentier : « Il ne s’agit pas d’une saisine à proprement parler de la juridiction administrative, on n’écrit pas directement une lettre au vice-président du Conseil d’Etat lorsque l’on forme une requête ». Il ajoute qu’« il s’agit d’une lettre qui a avant tout une fonction politique et qui a davantage vocation à être diffusée sur les réseaux sociaux qu’à formuler une demande au vice-président du Conseil d’Etat ». Au-delà de la saisine, le premier secrétaire du Parti socialiste demande si le Conseil d’Etat a mobilisé les moyens nécessaires au contrôle des actes pris par le Gouvernement, une demande que Mathieu Carpentier qualifie de « surprenante » et qui selon lui « ne regarde pas forcément un député ». 

A moins qu’Olivier Faure ne saisisse véritablement le Conseil d’Etat, la juridiction administrative ne peut en principe rien faire sur la base de cette simple lettre : « Le Conseil d’Etat ne peut pas s’auto-saisir de ces questions-là » pour Mathieu Carpentier. Paul Cassia précise que « le vice-président du Conseil d’Etat est considéré comme le premier des fonctionnaires, il ne peut pas intervenir dans les nominations au sein des directions de l’administration centrale, il ne peut rien faire et s’il le faisait il sortirait de son rôle ». D’ailleurs, Paul Cassia affirme ne pas avoir le souvenir qu’un chef de parti « ait déjà adressé une lettre ouverte au vice-président du Conseil d’Etat ». 

Des nominations qui pourraient faire l’objet d’une saisine du Conseil d’Etat ? 

Pour former un recours, se pose d’abord la question de l’intérêt à agir du requérant. Le premier secrétaire du Parti socialiste revendique un intérêt à agir en vertu de l’article 4 de la Constitution. Mathieu Carpentier souligne que « l’article 4 de la Constitution est relatif aux partis politiques. Il consacre l’idée selon laquelle les partis concourent à l’expression du suffrage et que la loi doit garantir à leur égard une expression pluraliste des opinions. En tant que tel, ce texte consacre l’existence et les prérogatives des partis au sein de notre démocratie ». Néanmoins, pour le professeur de droit, « l’intérêt à agir d’un chef de parti politique n’est pas mentionné ». Paul Cassia ajoute qu’« il n’y a pas de rapport entre des nominations au sein de l’administration centrale et la manière dont les partis politiques peuvent agir ». 

Par ailleurs, l’opportunité d’une saisine du Conseil d’Etat pour contester les nominations prises par un gouvernement en affaires courantes n’est pas certaine. Mathieu Carpentier soutient que si la plupart des nominations faites « à la suite de la dissolution, n’ont pas fait l’objet de prises de fonction différées » et ne posent pas de questions juridiques dans la mesure où « le gouvernement n’était pas démissionnaire à leur publication, une poignée de nominations pourraient apparaître comme litigieuses. » C’est notamment le cas de la nomination de Cédric Gaudillère en tant que secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, ainsi que la nomination d’une vingtaine d’ambassadeurs et l’attribution de sept postes de l’administration centrale. Pour autant, pour prouver l’illégalité de ces nominations, il serait nécessaire de montrer qu’elles ont été prises dans le but de limiter le pouvoir de décision du futur gouvernement. Or, le professeur de droit public estime que cela demanderait « un effort d’argumentation qu’il semble difficile de voir prospérer ». Par ailleurs, « le délai de prise de fonction différée n’est pas forcément lié à la volonté de court-circuiter les décisions d’un futur gouvernement ou d’un gouvernement de cohabitation ». 

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