« Le Parlement ne pourra pas accepter son affaiblissement » : la lettre de Larcher à Macron

« Le Parlement ne pourra pas accepter son affaiblissement » : la lettre de Larcher à Macron

Dans sa lettre envoyée au président de la République le 17 avril, le président du Sénat se dit « préoccupé » par le contenu de l’avant-projet de loi constitutionnelle, « en contradiction » avec le discours présidentiel du congrès du Versailles.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

La copie du gouvernement sur la réforme institutionnelle est à revoir. C’est ce qu’a fait savoir le président du Sénat dans un courrier adressé à la présidence de la République le mardi 17 avril, et dont Public Sénat a pu obtenir une copie.

Dans ce document de trois pages, que nous reproduisons en fin d’article, Gérard Larcher se dit « préoccupé par la ligne que semble proposer le texte présenté par le Gouvernement » pour la loi constitutionnelle. Le texte « ne me paraît pas correspondre aux orientations que vous aviez bien voulu faire vôtres lors de nos derniers échanges », souligne le sénateur des Yvelines au chef de l’État en référence à leur entretien du 30 mars. Selon lui, l’état actuel de l’avant-projet de loi est aussi « en contradiction » avec le discours présidentiel tenu lors du Congrès de Versailles du 3 juillet 2017.

Depuis le début de la Ve République, aucune révision constitutionnelle n’est allée dans le sens d’une régression des droits du Parlement, insiste Gérard Larcher. Si les objectifs de « rationalisation du fonctionnement de l’ensemble des pouvoirs publics » peuvent être « partagés », selon lui, ces derniers ne « pourront pas être atteints par une démocratie parlementaire affaiblie ».

« Atteinte excessive au droit d’amendement »

Dans le détail, le président de la Haute assemblée voit dans les dispositions de l’article 3 de l’avant-projet de loi une « atteinte excessive au droit d’amendement » des parlementaires. Rendre irrecevables les amendements sans lien direct avec un texte pénaliserait aussi le gouvernement, précise-t-il. Sans possibilité de procéder à des ajustements grâce aux textes en discussion, ce serait prendre le risque de voir se multiplier des « textes fourre-tout », avertit Gérard Larcher.

Avec la réforme de la procédure suivant les commissions mixtes paritaires (en cas d’échec entre les deux chambres à s’entendre sur une version commune d’un texte), c’est le bicamérisme qui se retrouverait « déséquilibré ». Le Sénat « serait réduit à un rôle quasi consultatif », alerte Gérard Larcher, notant que les députés n’auraient plus à se prononcer sur les corrections du Sénat « à aucun moment de la procédure législative ». Quant aux amendements des députés soumis à l’accord du gouvernement, le président du Sénat y voit une « forme de mise sous tutelle » du pouvoir législatif.

Quant à l’article 8, qui autoriserait le gouvernement à inscrire prioritairement à l’ordre du jour ses réformes jugées les plus urgentes, Gérard Larcher y voit la fin du principe institué en 2008 sur un partage de l’ordre du jour partagé entre gouvernement et Parlement. Le nouvel avantage qui pourrait être offert à l’exécutif entrerait en collision avec les semaines d’initiative parlementaire et donc « porterait atteinte aux droits des groupes minoritaires et d’opposition », redoute le président du Sénat.

Fortes inquiétudes sur les dispositions qui concernent les collectivités locales

En tant que président d’une assemblée représentant les collectivités territoriales, Gérard Larcher « s’interroge » également sur les articles 15 à 17 de l’avant-projet de loi. Ces derniers pourraient permettre aux collectivités de pérenniser des expérimentations, sans qu’elles soient généralisées aux autres, ou encore de déroger, pour une durée limitée, à des textes législatifs ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences. Ces mesures seraient « susceptibles de porter une atteinte excessive au principe d’unité et d’indivisibilité de la République », affirme le président du Sénat.

S’il « demeure » encore « favorable à l’aboutissement de cette révision » constitutionnelle, Gérard Larcher « s’interroge » néanmoins sur la « possibilité réelle de converger » entre les assemblées et l’exécutif.

[Document] La lettre de Gérard Larcher au président de la République Emmanuel Macron :

Lettre de Gérard Larcher à Emmanuel Macron - page 1
Lettre de Gérard Larcher à Emmanuel Macron - page 2
Lettre de Gérard Larcher à Emmanuel Macron - page 3

Dans la même thématique

PARIS – SIEGE LR – BELLAMY
10min

Politique

LR franchit la barre des 100.000 adhérents pour le match Retailleau/Wauquiez : « Les deux camps ont fait des cartes »

Les Républicains ont plus que doublé leur nombre d’adhérents, à un mois du vote qui doit départager Laurent Wauquiez de Bruno Retailleau pour la présidence du parti. L’Ile-de-France rassemble le quart des militants, l’ancienne région de Laurent Wauquiez plus de 16 %. Dans son fief de la Haute-Loire, « on est passé de 200 à plus de 2000 adhérents », revendique le sénateur Laurent Duplomb. « Les fiefs vont s’égaliser, c’est le reste de la France qui fera la différence », selon Max Brisson, soutien du ministre de l’Intérieur.

Le

Toulon-La Farlede prison Gerald Darmanin
7min

Politique

Prisons attaquées : « Jamais je n'aurais imaginé qu’une telle attaque concertée soit possible »

Le Parquet national antiterroriste a ouvert une enquête après une série d’attaques contre plusieurs établissements pénitentiaires. Le garde des Sceaux y voit la réponse du grand banditisme à la politique de lutte contre le trafic de stupéfiants conduite par le gouvernement. Auprès de Public Sénat, le rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic alerte sur le caractère « gravissime » de cette affaire.

Le