Les élus insoumis croisés dans les allées des « Amfis » à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme), lieu de leur université d’été, soufflent ou sourient à l’évocation de son nom. Celui d’Olivier Pérou, journaliste au Monde et co-auteur du livre La Meute, enquête sur la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui n’a pas eu l’autorisation de se rendre à ce week-end de rentrée. L’accréditation du journaliste qui suit la gauche a été refusée par le mouvement. Le directeur du journal Le Monde Jérôme Fenoglio fustige une « entrave caractérisée à la liberté de la presse et à l’accès à l’information ». Vendredi, les SDJ d’une trentaine de médias dont la rédaction de France Télévisions, LCI, M6, Le Parisien, Les Echos, RMC, Libération et le Monde, ont publié un communiqué commun dans lequel elles déplorent « un coup de semonce pour toute notre profession ».
Plusieurs reporters qui couvrent la gauche et la France Insoumise ont aussi publié un communiqué ce vendredi après-midi. Ils écrivent leur « indignation » d’apprendre la non-accréditation d’Olivier Pérou à cet événement. « Au nom du droit à l’information et de la liberté d’informer que LFI semble pourtant défendre dans son programme, nous ne tolérerons jamais ces méthodes inadmissibles », affirment les 12 signataires. A mille lieux d’être gênée par cette décision, Sarah Legrain, députée LFI de Paris, persiste et signe : « Nous pouvons considérer que la presse peut être autorisée à couvrir les « Amfis » et dire qu’un journaliste qui nous traite de secte n’est pas le bienvenu. »
Soutien des militants
La France Insoumise reproche à Olivier Pérou et Charlotte Belaïch, journaliste à Libération et co-auteure de l’ouvrage sur le mouvement, d’avoir usé de méthodes qu’ils estiment contraires à la déontologie journalistique. Paul Vannier, député LFI du Val-d’Oise, lui impute « la publication de fausses informations, l’absence de contradictoire et la publication d’informations relatives à la vie privée ». Les termes employés dans l’ouvrage font également bondir ce cadre du mouvement insoumis : « Ils qualifient LFI de meute, nous n’acceptons pas d’être traités comme des chiens. » Paul Vannier assure ne pas avoir été contacté par les journalistes qui lui ont consacré un passage de leur livre. Lorsqu’on leur demande pourquoi ils ne portent pas plainte, les élus insoumis répondent que des poursuites judiciaires seraient trop fastidieuses et n’aboutiraient pas.
Les militants interrogés dans la Drôme soutiennent la décision de la direction. « Ils sont responsables de ce qu’ils ont écrit, nous sommes responsables de ce que l’on fait », explique Catherine Renault, militante insoumise du Var assise sur une chaise pliante face au lac et à la grande scène où Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Manuel Bompard s’exprimeront au cours du week-end. Ce livre, « c’est de la provocation », abonde un peu plus loin Sabine Meuriot, retraitée. Sébstien, la quarantaine comprend cette décision et préfère dénoncer les « attaques contre LFI » qui « circulent via la presse ».
« Ça fait écho à ce que fait l’extrême droite »
Rares sont ceux qui trouvent quelque chose à y redire. Seules Mathilde et Charlène, qui patientent au soleil pour aller écouter le débat organisé entre Manuel Bompard, coordinateur de LFI, et l’avocat et éditorialiste Charles Consigny, regrettent cette décision. « Même si on ne partage pas les mêmes valeurs qu’eux (les journalistes co-auteur de La Meute, ndlr), la liberté de la presse est importante », appuie la première. La seconde poursuit : « Il aurait dû pouvoir venir. En plus, ça fait écho à ce que fait l’extrême droite qui refuse des journalistes. C’est dommage ».
Dans son éditorial publié hier, le directeur du journal Le Monde Jérôme Fenoglio précise qu’ « aucune formation, quel que soit son bord politique, n’avait jusqu’à présent prononcé une telle mesure d’éviction contre un de nos journalistes à l’occasion d’un événement de ce type. » Le chef du service France de Libération Lilian Alemagna note également que « jusqu’ici, seule l’extrême droite s’était permis de refuser une telle accréditation – pour Libération notamment. »
Des critiques balayées par les responsables insoumis. « Nous avons accrédité le journal Le Monde. Ils ont un photographe ici et ils ont toujours la possibilité d’envoyer des journalistes ici, mais pas Olivier Pérou », assure Paul Vannier. Une position difficilement entendable : « Nous ne transigerons pas sur notre liberté de choisir nos journalistes pour couvrir rubriques ou événements, qui fait partie intégrante de notre indépendance éditoriale », soutient Jérôme Fenoglio. La députée insoumise Sarah Legrain va même jusqu’à ironiser le refus de LFI d’accréditer Olivier Pérou aux « Amfis » : « La presse est là pour dire que la presse est interdite. C’est un bon signe de vitalité démocratique ».