La joie à l’annonce de la libération de l’otage française, Sophie Pétronin, au Mali a vite laissé place à des interrogations sur les conditions des négociations. En échange de la remise en liberté de Sophie Pétronin, mais aussi de l’opposant malien Soumaïla Cissé, 200 prisonniers, dont des djihadistes, ont été libérés. Auditionné au Sénat sur le budget 2021, le chef d’état-major des armées a tenu à réaffirmer que la France « n’a en rien été impliquée dans des négociations, d’aucune sorte, avec ce groupe terroriste ».
La ministre des Armées, Florence Parly, avait elle aussi affirmé hier devant les sénateurs que « la décision de libérer des djihadistes en particulier appartient aux seules autorités maliennes » (lire notre article).
« Il y a des propos qui ont été tenus au moment de la libération de Madame Petronin qui, me semble-t-il, risquent de fausser l’appréciation qu’on doit avoir de la situation au Mali et l’engagement des armées françaises », a également déclaré, ce mercredi, le général Lecointre.
« Le message doit être clair pour l'ensemble des familles qui ont perdu des leurs dans l’ensemble des combats que nous menons au Mali. Il doit être très clair pour ces familles que nous ne dévions pas de ligne, que notre combat reste le même », a aussi ajouté le chef d’état-major des armées.
Le général Lecointre a par ailleurs insisté sur la distinction entre terroristes et opposants politiques : « Pour que les choses soient bien nommées, l'adversaire qui est le nôtre n’est pas un groupe armé comme un autre qui serait un groupe armé d’opposition au régime malien. Il s’agit bien d’une organisation terroriste internationale qui a fait allégeance à Al-Qaida ».
Budget des armées pour 2021 : « Un effort manifeste »
Amené à s’exprimer, cette fois, sur le projet de loi de finances pour 2021, le chef d’état-major des armées a salué un budget qui « confirme l’ambition rappelée par le président de la République ». La loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 cadre d’ores et déjà une trajectoire des moyens militaires pour la période et cette année, comme les quatre années précédentes, l’enveloppe dédiée aux armées est hausse. Cette année de 1,7 milliard d’euros. Le ministère bénéficie de 39,2 milliards d’euros de crédit, 7 de plus qu’en 2017.
« C’est un effort manifeste dont nous commençons à sentir les premiers effets », affirme le général Lecointre qui admet toutefois que la crise sanitaire « n’a pas été sans impact sur l'exécution budgétaire 2020 ». Les sénateurs s'inquiètent effectivement que les dépenses exceptionnelles liées à la pandémie mondiale, dont le coût devrait dépasser les 10 milliards cette année, affecte le budget des armées.
Le chef d’état-major des armées a signalé un point d’attention aux sénateurs concernant la rémunération des militaires. L’année 2021 marque le lancement de nouvelle politique de rémunération « dans des proportions que nous souhaitions tous plus importants », indique le général tout en estimant que les objectifs fixés dans la loi de programmation devraient être tenus.
La commission des affaires étrangères a également présenté certaines préoccupations au chef d’état-major des armées notamment sur la vente de Rafale à la Grèce et de façon moins définitive à la Croatie. Devant la ministre des Armées hier, la commission a demandé à ce que « le produit de la vente de 12 Rafale de l’armée de l’air à la Grèce doit concourir au financement d’appareils neufs, via la création d’un « compte d’affectation spéciale ».
Si les sénateurs se réjouissent de cette vente, ils soulignent que « pour l’armée de l’air, cette annonce signifie un prélèvement à hauteur de 10 % environ de son parc de Rafale ». Le général Lecointre ne s’est pas directement exprimé sur cette proposition mais a, lui aussi, insisté sur la vigilance a apporté sur le dossier afin notamment d’assurer l’objectif d’une armée de l’air dotée de 129 rafales en 2025.
Le général Lecointre a également été interrogé sur les propos du garde des Sceaux qui s’est récemment dit favorable à l’encadrement de certains mineurs ou jeunes majeurs délinquants par l’armée. « Je suis très prudent en ce qui concerne ces idées d’abord parce que mon premier souci est de préserver les capacités des armées », a-t-il réagi et d’insister : « Ces armées sont faites prioritairement pour faire la guerre, elles ne sont pas faites prioritairement pour participer à l’éducation ou à la “correction” de la nation et de sa jeunesse délinquante ».