Libérations de détenus : « je n’ai pas d’objectifs chiffrés », déclare Nicole Belloubet

Libérations de détenus : « je n’ai pas d’objectifs chiffrés », déclare Nicole Belloubet

Invitée à rendre des comptes devant la mission de contrôle liée à l’épidémie de Covid-19 de la commission des lois du Sénat, jeudi 9 avril, la garde des Sceaux Nicole Belloubet a défendu les mesures dérogatoires au droit commun, instaurées par les ordonnances du 25 mars. Face aux critiques, la ministre de la justice assume la prolongation automatique des détentions provisoires. La garde des Sceaux a aussi précisé que 25 détenus radicalisés avaient été libérés en fin de peine.
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Par Flora Sauvage

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Des mesures d’exception pour faire face à une situation exceptionnelle. Devant la crise sanitaire, le gouvernement a voulu assouplir les conditions de travail des juridictions qui se concentrent actuellement sur leurs missions dites « essentielles ». Ainsi, une ordonnance datée du 25 mars permet de prolonger automatiquement les détentions provisoires de deux à six mois en fonction de la gravité de l’infraction reprochée, de plein droit, et sans débat contradictoire devant un juge.

Levée de boucliers

Une mesure qui suscite une levée de boucliers sur les bancs du groupe socialiste du Sénat, lors de l’audition de Nicole Belloubet. Selon le président du groupe Patrick Kanner, « la crise sanitaire nous impose d’agir, mais pas n’importe comment », et rappelle que le Syndicat de la magistrature « s’inquiète de la possibilité donnée de prolonger les détentions provisoires ». Pour Patrick Kanner, un détenu peut demander une main levée mais cela est « très contraignant ».

Un avis que ne partage pas la ministre de la justice. Cette prolongation des délais a été décidée pour « éviter que puissent être remises en liberté des personnes potentiellement dangereuses ». Nicole Belloubet a mis en avant le caractère provisoire de cette disposition « pleinement validée par le Conseil d’État ».

Désengorger les prisons

Sur le nombre de détenus en diminution dans les établissements pénitentiaires, la garde des Sceaux a annoncé qu’il y avait en un mois « près de 8000 détenus en moins » dans les prisons françaises. Le but : désengorger les prisons pour éviter la propagation du Covid-19 en détention. Le taux de surpopulation carcérale est passé « de 119% au 16 mars, avec 72 400 détenus, à 105% aujourd’hui, avec 64 005 personnes incarcérées ».

Surpopulation carcérale en baisse

Selon la ministre de la justice, cette diminution est pour partie due à la baisse du nombre de personnes qui sont envoyées en prison liée à la réduction de l’activité juridictionnelle, et aux mesures dérogatoires prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. « Nous avons beaucoup moins de personnes qui entrent en détention aujourd’hui », explique Nicole Belloubet, de l’ordre de « 60 à 70 par jour » au lieu de « 250 à 300 par jour » en temps normal.  Une circulaire mi-mars a demandé de différer l’exécution des courtes peines d’emprisonnement et de réserver la détention provisoire aux faits les plus graves.

Libérations provisoires

Interrogée par Nathalie Delattre, sénatrice RDSE de la Gironde, sur sa volonté de « libérer près de 20 000 détenus pour atteindre l’objectif d’un encellulement individuel », la garde des Sceaux a affirmé n’avoir « aucun objectif chiffré », rappelant que les libérations provisoires n’étaient possibles que pour les détenus qui sont en fin de peine (à 2 mois de leur libération) et qui n’ont pas été condamnés pour crime de sang, violences intrafamiliales ou terrorisme.

Détenus radicalisés

Répondant à une question de la sénatrice LR du Val d’Oise Jacqueline Eustache-Brinio affirmant que 130 détenus radicalisés avaient été libérés pour des raisons sanitaires, la ministre de la justice a voulu couper court « à des chiffres totalement inexacts ». Selon la garde des Sceaux, 25 détenus radicalisés condamnés pour des faits de droit commun ont été libérés depuis la mi-mars, car ils étaient arrivés à la fin de leur peine.

Masques

Alors qu’un surveillant et deux détenus sont décédés du Covid-19, Nicole Belloubet a rappelé que depuis le 28 mars près de 200 000 masques de protection ont été distribués au sein de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.

Mineurs

Interrogée ensuite sur les mineurs, la garde des Sceaux a souligné que le nombre de jeunes incarcérés a diminué passant de 855 au 16 mars, à 667 aujourd’hui.  Quant aux mineurs placés et suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse, la plupart ont été renvoyés dans leur famille, certains sont « en fugue » et d’autres « sont revenus dans les établissements de la PJJ ». Concernant le suivi scolaire des mineurs placés en centre éducatifs fermés, la ministre de la justice a souligné que l’éducation nationale n’était plus en mesure d’assurer leur prise en charge. Ce sont donc les éducateurs qui s’en chargent.

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