Livraisons d’armes : l’Ukraine réclame, l’Occident fournit
« Si l’Ukraine avait accès à toutes les armes dont elle a besoin, la guerre serait déjà terminée », a souligné Volodymyr Zelensky dans son discours à la Nation ce 19 avril. Le refrain est désormais connu des dirigeants des pays alliés. Kiev veut « des armes, des armes et des armes ». Une formule churchillienne réutilisée lors du déplacement du ministre des Affaires étrangères à l’Otan, proche du « donnez-nous les outils et nous finirons le travail. »

Livraisons d’armes : l’Ukraine réclame, l’Occident fournit

« Si l’Ukraine avait accès à toutes les armes dont elle a besoin, la guerre serait déjà terminée », a souligné Volodymyr Zelensky dans son discours à la Nation ce 19 avril. Le refrain est désormais connu des dirigeants des pays alliés. Kiev veut « des armes, des armes et des armes ». Une formule churchillienne réutilisée lors du déplacement du ministre des Affaires étrangères à l’Otan, proche du « donnez-nous les outils et nous finirons le travail. »
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Par Louis Dubar

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Le débat enflamme les opinions publiques occidentales, faut-il livrer des armes à Kiev ? L’échec de l’armée russe de s’emparer de la capitale ukrainienne dans les premiers jours de la guerre et la nouvelle offensive russe en cours dans le Donbass laissent présager d’un conflit qui va durer. Cette résistance ukrainienne imprévue « change la donne » pour Raphaël Glucksmann et amène à de nouvelles « responsabilités » pour les pays alliés de Kiev. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 15 mars, l’eurodéputé explique que les pays européens n’enverront pas « d’armée combattre aux côtés des Ukrainiens, mais nous pouvons les aider beaucoup plus qu’actuellement. […] Les Européens doivent assumer de livrer les avions, les missiles sol-air, les batteries antimissiles que les Ukrainiens nous demandent. »

» Lire aussi : Visite de sénateurs en Ukraine : « C’est tout un peuple qui a pris les armes face à l’envahisseur », relate Claude Malhuret

« Si nous ne défendons pas l’Ukraine pour nos principes, alors faisons-le pour nos intérêts. Pour nos intérêts vitaux », précise Raphaël Glucksmann. En bref, livrer des armes à Kiev est un moyen d’arrêter les ambitions impérialistes de Vladimir Poutine en Europe. Cette aide militaire étrangère en armement lourd répond à des besoins stratégiques exprimés par les autorités ukrainiennes. Ce matériel permettrait à l’armée de combler ses lacunes opérationnelles, de contrebalancer l’asymétrie des forces et permettre à Kiev de « dicter » le tempo des futures opérations militaires. Kiev ne veut plus subir la guerre mais dicter la conduite des opérations à Moscou.

De l’armement léger aux armes lourdes

Secret de polichinelle dans les premières semaines de guerre, la France désormais assume. Dans un entretien accordé au quotidien régional Ouest France le 22 avril, Emmanuel Macron a levé le voile sur les armes livrées par Paris à l’armée ukrainienne. Le président a annoncé l’envoi de canons Caesar (prélevés sur le stock de l’Armée de terre) et de missiles antichars Milan. Une quarantaine de militaires ukrainiens devraient arriver dans l’Hexagone pour apprendre à manier ce canon de 155 mm monté sur un camion disposant d’un rayon d’action de 40 kilomètres.

En France, c’est une histoire de petits pas et très opaque. Invité sur France Info le 9 mars, trois semaines après le début du conflit, le député Alexis Corbière, membre de la commission de Défense à l’Assemblée nationale a évoqué le contenu des livraisons faites par Paris, des armes et de l’équipement défensif. « Il y en a très peu. Vous parlez des armes françaises, franchement ce sont des gilets pare-balles et quelques missiles antichars », avait alors affirmé l’élu Insoumis. A la suite de cet entretien, Alexis Corbière a été sévèrement critiqué pour avoir « révélé » des informations « secret-défense. » Paris et les alliés de l’Ukraine fournissant un appui militaire, ont franchi depuis quelques semaines un nouveau pas, il ne s’agit plus de livrer des armes pour que les Ukrainiens puissent se défendre mais pour contre-attaquer et prendre un avantage sur le front. Dans un communiqué du ministère des Armées, la ministre Florence Parly a estimé que la « valeur des équipements […] livrés à l’Ukraine s’élève à plus de 100 millions d’euros. »

» Lire aussi : Ukraine : « Les Russes n’étaient pas prêts à une guerre de haute intensité »

Considéré comme un allié politique et militaire de taille pour Kiev, le Royaume-Uni est à l’avant-garde de cette dynamique de transition d’armes légères à livraisons d’armes lourdes. Au début du conflit, Londres fournissait massivement des missiles antichars et antiaériens à Kiev, plus de dix mille équipements selon le 10 Downing Street. Le Royaume-Uni assure avoir donné à Kiev plus de 200 000 équipements militaires. Boris Johnson en visite à Kiev début avril, a promis à son homologue ukrainien la livraison de 120 véhicules blindés, des missiles antinavires et une aide financière à hauteur de 416 millions d’euros. Plus récemment, l’ancien maire de Londres étudie la possibilité de donner ses chars à la Pologne pour que cette dernière transmette à son tour à l’Ukraine, ses chars T72 de fabrication soviétique, un modèle connu des tankistes ukrainiens.

La menace russe fait voler en éclat les réticences historiques de Berlin et Bruxelles

La guerre brise tous les tabous. En Allemagne, le gouvernement a finalement annoncé ce 26 avril la livraison de chars antiaériens de type Guepard à l’Ukraine. Jusqu’à présent, Berlin livrait du matériel militaire léger et s’opposait à toute livraison d’armes lourdes. Le chancelier de la République fédérale, Olaf Scholz craignait une « provocation » à l’égard de Moscou qui mènerait « vers la troisième guerre mondiale. »

Même tonalité du côté des institutions européennes, en visite à Kiev le 20 avril, le président du Conseil européen Charles Michel a indiqué à Volodymyr Zelensky que son pays n'était pas « seul » face à l’ours russe. L’Union européenne fera « tout son possible […] pour faire en sorte que l’Ukraine gagne la guerre. » La commission et le Conseil de l’UE ont accordé une aide de 1,4 milliard d’euros à l’agressé par la Facilité européenne de paix (FEP), un nouveau fonds communautaire créé en 2021. Cette aide est inédite dans l’histoire, jamais l’Union n’avait financé des armes létales à un pays tiers. Cette aide financière vient s’ajouter à l’aide matérielle fournie par les Etats membres.

Plus largement, c’est tout le continent européen qui s’est engagé en faveur de l’effort de guerre ukrainien, notamment à l’Est. Les pays limitrophes à la Russie ont multiplié les gestes en faveur des autorités ukrainiens. Selon les données compilées par le Kiel Institute for the World Economy, au 27 mars l’aide militaire débloquée par l’Estonie est colossale. Au total, le pays balte a apporté une aide évaluée 227 millions d’euros et correspondant équivalente à 0,79 % du PIB estonien. La Pologne, pays devenu un hub logistique pour les livraisons d’armes étrangères a multiplié les initiatives d’aide en matériel en livrant missiles, munitions et véhicules blindés.

Les Etats-Unis au service de l’Ukraine

Kiev peut également compter sur le soutien inconditionnel des Etats-Unis. « Ils peuvent gagner s’ils ont les bons équipements, le bon soutien », a affirmé lors d’une visite éclair en Ukraine le secrétaire d’Etat à la Défense américain, Lloyd Austin. L’ex-général a souhaité vouloir « affaiblir » la machine de guerre russe. Washington est le premier fournisseur de cet effort financier et matériel. Depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, les Etats-Unis ont déboursé près de 4 milliards d’euros d’aide militaire en tout genre à l’Ukraine, dont 3,4 milliards depuis le 24 février, date du début de la guerre entre Russes et Ukrainiens. Une enveloppe supplémentaire de 800 millions de dollars a été débloquée la semaine dernière par l’ex-sénateur du Delaware, cette dernière comprend de nouveaux équipements, des armes d’artillerie, des dizaines d’obusiers M777, des milliers d’obus, ainsi que de nombreuses pièces de rechange et au moins 121 drones.

Face à ces aides multiformes et multiples, les Etats-Unis ont pris l’initiative de réunir en Allemagne, sur la base aérienne de Ramstein, quartier général des forces aériennes américaines en Europe, une quarantaine représentants de pays de l’Otan et d’alliés extra-européens (Corée du Sud, Israël, Japon…). Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, le ministère ukrainien de la défense Oleksiy Reznikov, le secrétaire d’Etat à la Défense Lloyd Austin et le chef du département d’Etat, Antony Blinken étaient également présents pour renforcer la coordination des livraisons d’armes aux autorités ukrainiennes. A l’issue de la réunion, Lloyd Austin a indiqué que cette conférence « deviendra un groupe de contact mensuel sur la défense de l’Ukraine […], afin d’améliorer l’action des nations de bonne volonté pour intensifier nos efforts, coordonner notre assistance et se concentrer sur la victoire du combat d’aujourd’hui et des combats à venir. » « Ce rassemblement reflète le monde galvanisé » a précisé le secrétaire d’Etat à la défense, prêt « à aider et renforcer l’arsenal de la démocratie ukrainienne ».

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