Son audition au Sénat était « prévue de longue date », l’ampleur de la crise économique qui s’est amorcée en France en l’espace de deux mois a profondément marqué la teneur des propos tenus ce 20 mai par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), le bras financier de la puissance publique. Éric Lombard, à la tête de cette institution vieille de deux siècles, a dû répondre aux questions des sénateurs de la commission des Finances et de la commission des Affaires économiques. La présidente de cette dernière considère que la CDC sera un « acteur essentiel et central de la relance de notre économie ».
Rappelant les « résultats très solides enregistrés en 2019 » par sa maison, Éric Lombard a déclaré que « la force de frappe financière » était importante : la section générale (participations diverses de la Caisse) et les Fonds d’épargne (livret A et livret de développement durable et solidaire) de la Caisse des dépôts pesaient l’an dernier 459 milliards d’euros.
« Nous avons les moyens de contribuer à la protection et au redressement de notre économie »
Le résultat agrégé s’est chiffré à 2,7 milliards d’euros, une somme en repli de 20% par rapport à 2018, mais qui a néanmoins permis de reverser 1,4 milliard d’euros à l’État. Le directeur général a surtout précisé que la baisse récente des marchés financiers ne pèserait « pas ou très marginalement » sur ses marges de manœuvre. « Nous avons les moyens et la capacité de contribuer à la protection et au redressement de notre économie », a-t-il rassuré. Le rôle de « filet de sécurité de notre économie » qu’entend jouer la CDC sera avant tout un « sujet de fonds propres » à apporter aux acteurs économiques, selon lui.
Selon les derniers chiffres qu’il a communiqués pour le cas de Bpifrance, la banque publique d’investissement qu’il dirige, ce sont désormais 73 milliards d’euros de prêts garantis par l’État qui ont été accordés à 440 000 entreprises. La Banque des territoires, autre division de la Caisse, a également accompagné les régions en abondant pour près de 90 millions d’euros chaque « fonds résilience ». Banquier de la Sécu, mise en difficulté avec la chute des cotisations sociales, la Caisse des dépôts a également approuvé une augmentation de 10 milliards d’euros de ses prêts à l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), qui atteignent désormais 21 milliards.
Éric Lombard pas emballé par l’idée d’un « livret C »
Le directeur général a également souligné combien l’épargne populaire avait augmenté. Selon lui, « elle n’a jamais été aussi abondante », atteignant en moyenne 40% des revenus des ménages pour les dernières semaines. Devant les sénateurs, il a annoncé que la collecte nette en avril sur le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) avait atteint le chiffre historique de 7,4 milliards d’euros. C’est trois fois le montant constaté en avril 2019. Mais « cette épargne ne dort pas et elle est pleinement utilisée », a-t-il précisé. Soutien de l’économie, financement du logement social, financement des collectivités : son cœur de mission se poursuit et s’amplifie. Une idée a été exprimée par le directeur général : il se dit « favorable » à ce que les fonds d’épargne « puissent être élargis pour être plus utiles et efficaces » dans leur utilisation. Reste que ce record, selon lui, n’est « pas forcément une bonne nouvelle » car il traduit un effondrement de la consommation.
Pour le rapporteur général du Budget au Sénat, le sénateur LR Albéric de Montgolfier, il s’agit au contraire « d’une bonne nouvelle » car elle « laisse des marges de manœuvre ». Le sénateur d’Eure-et-Loir a d’ailleurs questionné Éric Lombard sur l’opportunité de créer un nouveau livret. Un livret C, orienté vers la Santé, comme l’a préconisé Éric Woerth, président LR de la commission des Finances à l’Assemblée nationale.
Le patron de la Caisse des dépôts s’est montré frileux à cette proposition. « Je serais plutôt dans l’idée d’utiliser cette épargne et puis éventuellement d’inciter les Français à consommer, plutôt que d’ouvrir de nouveaux fonds d’épargne ou des nouveaux produits qui risqueraient d’augmenter encore plus cette épargne ». Dans les financements et les prêts permis par les fonds d’épargne alimentés par les ménages, il a indiqué qu’il faudrait respecter des règles strictes de garantie des dépôts. Tout assouplissement en la matière serait « une pente dangereuse » selon lui.
Un soutien du tourisme à tous les niveaux et une montée en puissance du plan Action cœur de ville
Interrogé sur les axes de la stratégie d’investissement par le président PS de la commission des Finances, Vincent Éblé, Éric Lombard a répondu que les nouveaux fonds créés se concentreraient sur la santé, les investissements de long terme avec l’innovation, les actions de relocalisation de production en Europe, et le tourisme, bien sûr. La semaine dernière, le gouvernement a annoncé que la CDC allait s’engager sur une enveloppe de 1,3 milliard d’euros pour soutenir en fonds propres la filière (relire notre article). En réaction aux inquiétudes de plusieurs parlementaires, Éric Lombard a promis que son groupe serait attentif aussi bien aux grands opérateurs comme aux très petites structures. « Les restaurants, les sites touristiques doivent être soutenus également, ça demande un maillage très fin », a-t-il expliqué. Questionné sur le soutien aux équipements écologiques, notamment par Michel Raison (LR), Éric Lombard a assuré qu’il n’y aurait pas de « conditionnalité » pour financer les investissements. La priorité reste, selon lui, de « sauver l’économie ».
Du côté de la Banque des territoires, le patron de la Caisse des Dépôts annoncé un « renforcement de l’action » du programme Action cœur de ville, dont l’objectif est de redynamiser les centres des villes moyennes et des petits bourgs, notamment les commerçants. La Caisse devait contribuer à hauteur de 200 millions d’euros pour soutenir les plus petites collectivités, notamment « les bourgs ayant une fonction de centralité » : l’idée reste dans les tuyaux mais il est toujours question de « l’annoncer après les municipales ». Le plan Territoires d’industrie fait également partie des leviers de soutien.
Quant aux inquiétudes sur la situation du logement social avec les risques d’envolée des impayés de loyers, soulevé par le sénateur LR Philippe Dallier, Éric Lombard s’est voulu rassurant. « Je ne perçois pas, à ce stade, de difficultés aiguës chez les opérateurs », a-t-il observé, promettant d’être « attentif » à leur situation.