Après cinq jours de débats et l’examen de plus de 700 amendements, les sénateurs ont adopté dans la nuit de lundi à mardi le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Les sénateurs l'ont approuvé par 215 voix pour et 94 contre. Les Républicains, les centristes et les Indépendants ont voté pour, les groupes PS et CRCE (à majorité communiste) contre. Le groupe LREM s'est abstenu. Quant au groupe RDSE, à majorité radicale, était partagé entre un vote favorable (10), l’abstention (10) et un vote contre (deux voix, celles des écologistes Joël Labbé et Ronan Dantec).
Sept députés et sept sénateurs vont à présent tenter de parvenir à une version commune aux deux assemblées au sein d’une commission mixte paritaire. Le Sénat a sensiblement fait évoluer la copie de l’Assemblée nationale, en ayant pour premier objectif l’amélioration du revenu des agriculteurs. Voici le récapitulatif des principaux apports et modifications.
Une clause automatique de révision des prix dans les contrats de vente agricoles
Sur le volet le plus technique du texte, centré sur le rééquilibrage des relations commerciales, les sénateurs ont inscrit de nouvelles armes pour les agriculteurs dans ce texte, dont ils ont souligné le manque d’ambition.
Dès le passage en commission, les sénateurs ont ajouté de nouveaux dispositifs à la nouvelle contractualisation qui doit s’imposer dans le secteur agricole et alimentaire.
Ils ont instauré une clause de révision de prix automatique pour les produits composés à plus de 50% de matières premières agricoles dont le prix connaîtrait une forte augmentation.
Une plus grande transparence sur la manière d’établir les prix agricoles
Ils ont également sanctionné les abus de pénalités imposés aux producteurs sans prendre en compte les contraintes d’approvisionnement propres à certaines filières.
En séance, ils ont aussi rendu plus transparente la fixation des prix des produits agricoles en prévoyant que le prix soit déterminé par une formule claire dans les contrats de vente.
Des habilitations à légiférer par ordonnances retirées
Mesures emblématiques du projet de loi, le relèvement du seuil de vente à perte de 10%, et l’encadrement des promotions ne se feront pas par la voie des ordonnances. Les sénateurs ont préféré les inscrire directement la loi.
Alors que l’émoi suscité par l’affaire Lactalis est encore vif, ils ont adopté un amendement du gouvernement, créant une nouvelle obligation de traçabilité des retraits et rappels dont le non-respect sera pénalement sanctionné.
L’objectif de 20% de bio dans les cantines est confirmé
Les débats ont été plus passionnés sur les mesures sociétales du texte, notamment dans le titre II du projet de loi, relatif à une alimentation, saine, durable et de qualité. La majorité sénatoriale n'a pas voulu ajouter de contraintes supplémentaires sur les exploitations agricoles.
En séance, les sénateurs ont « préservé les ambitions » du projet de loi, en rétablissant l’objectif de 20% de produits bio dans l’approvisionnement de la restauration collective publique. Certaines modalités sont toutefois assouplies. Initialement, la commission des Affaires économiques l’avait supprimé en commission pour sécuriser les approvisionnements locaux.
Fin de l’appellation « steak de soja »
Le Sénat a également allégé les conditions de mise en place de plans pluriannuels de diversification des protéines dans les cantines. Le seuil au-delà duquel ils seront obligatoires est relevé de 200 à 300 couverts par jour en moyenne. La commission des Affaires économiques s’est également refusée à imposer des options végétariennes dans les menus, en s’armant d’humour dans son discours.
Autre modification, qui est loin d’être anecdotique : les sénateurs ont interdit l’utilisation de termes faisant référence aux denrées d’origine animale pour désigner des produits de type végétal. C’est la fin du « steak au soja ».
Suppression de l’obligation de certaines mentions sur les produits alimentaires
Le Sénat a supprimé l’affichage environnemental des produits alimentaires, qui devait être obligatoire au 1er janvier 2023, comme les mentions d’animaux « nourris aux OGM » ou le mode d’élevage des animaux.
Attaché aux terroirs, le Sénat a aussi adopté un article permettant qu’un fromage puisse être reconnu comme fermier, y compris lorsqu’il n’est pas affiné sur place à la ferme, mais en dehors, en respectant « les usages traditionnels ». « L’amendement chocolatine », revenu à la charge au Sénat, a, une fois de plus, reçu une fin de non-recevoir.
Les pailles en plastique interdites en 1er janvier 2020
Du côté des mesures environnementales, les sénateurs ont interdit au 1er janvier 2020 l'utilisation de pailles en plastique. En séance, ils ont aussi ajouté les touillettes. En revanche, ils sont revenus sur une disposition qui prévoyait de mettre fin à l'utilisation des bouteilles d'eau en plastique dans les services de restauration collective.
Bien-être animal : moins d’élevages de poules pondeuses concernés par l’interdiction des cages
Sur la partie consacrée au bien-être animal, les sénateurs ont peu modifié la version de l’Assemblée nationale. Sur l’élevage des poules pondeuses en cage, l’interdiction de ces bâtiments ne s’appliquera qu’aux nouvelles constructions, et non plus aux réaménagements.
Pesticides : l’interdiction des rabais et promotions retirée
Lors du dernier jour d’examen du texte, les sénateurs ont aussi supprimé l’interdiction des ristournes sur les pesticides. Sur les alternatives aux produits phytosanitaires, les députés voulaient autoriser facilement les substances bio issues des « parties consommables de plantes ». Les sénateurs ont, eux, introduit une autorisation « selon une procédure et une évaluation simplifiées »
Supprimée en commission, le Sénat a également réintroduit en séance l’interdiction « des substances présentant des modes d’action identiques » aux néonicotinoïdes, sous le contrôle scientifique de l’Anses. Ces substances agissent sur les systèmes nerveux des insectes, et sont notamment pointées du doigt dans le déclin des colonies d’abeilles.
À l’unanimité et contre l’avis du gouvernement, les sénateurs ont enfin adopté un amendement du groupe socialiste, visant à créer « un fonds d’indemnisation » des victimes des produits phytopharmaceutiques.