Loi alimentation : la droite veut recentrer le texte sur les revenus des agriculteurs
Le Sénat a entamé ce mardi soir l'examen en séance du projet de loi agriculture et alimentation. La droite veut remettre au cœur du texte le volet agricole, jugeant que le texte des députés est devenu « très alimentaire ». De son côté, le ministre entend réintroduire certaines dispositions du gouvernement supprimées en commission.

Loi alimentation : la droite veut recentrer le texte sur les revenus des agriculteurs

Le Sénat a entamé ce mardi soir l'examen en séance du projet de loi agriculture et alimentation. La droite veut remettre au cœur du texte le volet agricole, jugeant que le texte des députés est devenu « très alimentaire ». De son côté, le ministre entend réintroduire certaines dispositions du gouvernement supprimées en commission.
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Les sénateurs entament l'examen du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous ». Plusieurs articles ont été réécrits, parfois en profondeur, en commission des Affaires économiques le 13 juin dernier (relire notre article), avec comme ligne de mire les préoccupations des agriculteurs. Ce mardi, les deux rapporteurs du texte, Michel Raison (LR) et Anne-Catherine Loisier (UC), ont déposé un amendement pour rétablir l'objectif de 20% de produits bio dans la restauration collective publique, un point que la même commission avait supprimé il y a quinze jours.

Stéphane Travert n’est pas satisfait des modifications sur la vente des produits phytosanitaires

Loi agriculture et alimentation : Stéphane Travert réagit aux modifications des sénateurs
16:58

En ouverture de la discussion générale, le ministre Stéphane Travert défend la philosophie de son projet de loi, évoquant un « texte clé » pour l’agriculture et l’alimentation. S’il retrouve les sénateurs sur certains points, il les avertit que la « disparition de certains articles ou alinéas » fera « l’objet de discussions ».

Stéphane Travert rappelle que le projet de loi répond à deux objectifs : redonner la capacité aux producteurs de tirer des « revenus décents » de leur travail, mais aussi « mieux répondre aux attentes des consommateurs », en proposant une « alimentation saine, sûre, durable et accessible ».

« La situation n’a pas que trop duré. Les agriculteurs subissent de plein fouet une guerre des prix », estime le ministre. En plus de redéfinir le cadre des contrats commerciaux conclu entre les différents acteurs de la chaîne agroalimentaire, le projet de loi prévoit notamment d’encadrer les promotions et de relever le seuil de revente à perte de 10% (prix en dessous duquel un distributeur ne peut proposer un produit à la vente).

Il profite de l’occasion pour répondre au discours tenu par certaines grandes enseignes. Stéphane Travert tient à « rassurer les consommateurs parfois inquiets des propos alarmistes de certains distributeurs ». « Chaque distributeur pourra revoir ses marges à la baisse sur d’autres produits, tout en augmentant le prix payé à ses fournisseurs », explique-t-il.

Premier point majeur de désaccord entre le gouvernement et la commission des Affaires économiques : la réécriture de l’article 14 sur la vente des produits phytosanitaires. Les sénateurs sont notamment revenus sur l’interdiction des rabais, remises et ristournes sur la vente de ces produits. « Je souhaite que nous puissions ensemble rouvrir ce débat », annonce le ministre.

Le ministre a aussi indiqué que le gouvernement n’était pas d’accord avec l’état de la rédaction sur les indicateurs, ces données qui serviront à la construction des prix. Sur la même longueur d’onde que les députés, les sénateurs veulent que ces indicateurs soient définis par les interprofessions, avec l’assistance de l’Observatoire de la formation des prix et des marges. Pour Stéphane Travert, cette solution présente un « risque juridique, » « fragilise le rôle des interprofessions et déresponsabilise les opérateurs ».

Stéphane Travert adresse en revanche un bon point à la commission sénatoriale, qui a décidé de rétablir l’objectif de 20% de produits bio dans les cantines d’ici 2022 (relire notre article). « Je me félicite que vos rapporteurs aient proposé de réintroduire l’objectif », déclare-t-il.

Idem sur le champ du bien-être animal. Le projet de loi doit prévoit d’étendre le délit de maltraitance animale, ou encore de doubler les peines lors des délits constatés officiellement. « Je me félicite que cet article ait été voté dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale », dit-il.

« Notre objectif sera le revenu des agriculteurs, et non pas des charges supplémentaires », prévient le rapporteur (LR) Michel Raison

« Notre objectif sera le revenu des agriculteurs, et non pas des charges supplémentaires », prévient le rapporteur Michel Raison
06:48

Rapporteur du titre I du projet de loi, le sénateur LR Michel Raison assure au ministre que le Sénat soutient l’objectif de redresser les revenus des producteurs, l’essentiel du texte, selon lui. « Soyez assuré que vous trouverez toujours un soutien appuyé dans cette assemblée dès qu’il s’agira d’assurer une meilleure rémunération de nos agriculteurs », déclare-t-il. Et de préciser : « actifs ou retraités », une référence à une proposition de loi de revalorisation des retraites agricoles qui s’était heurtée deux fois cette année à un vote bloqué du gouvernement.

Mais Michel Raison craint que le projet de loi ne remplisse pas son objectif. Selon lui, la nouvelle contractualisation prévue par la loi ne s’adresserait pas à toutes les filières et ne concernerait que 40% des producteurs. « Ce projet de loi prend un risque immense, celui de ne rien changer pour nos agriculteurs. Car après tant de promesses semées par le président de la République, par le gouvernement, je crains que la récolte ne se contente que de déceptions », explique le sénateur de la Haute-Saône.

Autre absence du texte : il n’aborde pas la question des charges ou de la fiscalité, ni le contexte européen, qui influera sur les revenus agricoles. « Vous êtes peut-être en train de perdre les négociations sur la PAC », lance Michel Raison au ministre.

Le sénateur a également fortement critiqué les nombreux ajouts de l’Assemblée nationale, notamment sur le titre II du texte, sur une « alimentation saine, de qualité et durable ». « La loi agricole est devenu très alimentaire, laissant l’amère impression aux agriculteurs qu’ils étaient les oubliés de leur propre projet de loi », déplore-t-il. Et d’avertir : « notre objectif sera le revenu des agriculteurs, et non pas des charges supplémentaires. »

Le relèvement de 10% du seuil de revente à perte n’a pas non plus convaincu le rapporteur. « S’il ne ruisselle pas comme prévu, il reviendra à gonfler les marges des distributeurs sans que les producteurs s’en puissent retrouver améliorés », prévient-il.

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