Loi Climat : en commission, le Sénat met fin à « une ambiguïté » en supprimant le délit d’écocide
Mercredi soir, lors de l’examen en commission du projet de loi « Climat et Résilience », la majorité sénatoriale a supprimé le « délit d’écocide » jugé incohérent et ambigu. Pour les écologistes du Sénat, la droite sénatoriale a ainsi mis fin à « l’hypocrisie du gouvernement », l’écocide étant un crime et non un délit, selon eux.
C’était l’une des grandes déceptions des écologistes en novembre dernier. Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique et le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti annonçaient en grande pompe dans le JDD la création à venir d’un « délit d’écocide » « pour punir les atteintes les plus graves à la nature ».
Immédiatement, le gouvernement était accusé de vider de sa substance, d’édulcorer, de galvauder, l’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat qui plaidait pour la mise en place d’un crime d’écocide. « Il faut (d’abord) faire en sorte d’inscrire ce terme dans le droit international pour que les dirigeants qui sont chargés par leurs peuples de protéger le patrimoine naturel et qui faillissent délibérément, rendent compte de leurs méfaits devant la Cour pénale internationale », avait précisé l’année dernière Emmanuel Macron lors de la réception de 15 citoyens de la convention.
Pour rappel, le crime d’écocide tel que défendu par la convention citoyenne, s’appuie sur la notion de « limites planétaires » difficile à quantifier au plan national (changement climatique, érosion de la biodiversité, appauvrissement de l’ozone…)
Ecocide : un crime et un délit dans le projet de loi
D’un point de vue sémantique, le suffixe « cide » du latin « caedere » (tuer) renvoie à l’infraction de crime. Afin de ménager la chèvre et le chou, le gouvernement a choisi de conserver le terme mais de le renvoyer à un délit. « Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur », expliquait fin 2020, Éric Dupond-Moretti.
L’article 68 du projet de loi « Climat et Résilience » qui arrive en séance publique au Sénat le 14 juin pour une adoption prévue le 28, crée donc un nouveau délit d’écocide dans le code de l’environnement pour les « atteintes graves et durables » (c’est-à-dire plus de 10 ans), « à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau ». Le délit est caractérisé par l’intentionnalité de l’auteur, la peine peut aller jusqu’à 10 ans de prison et 4,5 millions d’euros d’amende, « un montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction ».
Le texte contient également la mention de « crime d’écocide » dans son article 74, mais sans portée normative, le renvoyant à un grand principe. « Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur son action en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales », peut-on lire.
« On ne l’appelle pas écocide, pour pas qu’il y ait confusion »
Tant et si bien que le même terme, « écocide » renvoie à deux infractions différentes : un crime et un délit. Incohérent pour la majorité sénatoriale. « La définition de l’écocide n’est pas franco-française. C’est une définition sur laquelle les différents Etats se sont mis d’accord. Il ne fallait pas qu’on rajoute une ambiguïté avec la loi française », rappelle Marta de Cidrac rapporteure LR du projet de loi pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Si les sénateurs n’ont pas touché à l’article 74, « En revanche, nous avons enlevé le terme écocide dans l’article 68 et nous avons défini (à la place) des délits aggravants […] tels qu’ils étaient définis d’ailleurs dans le texte initial. C’est juste qu’on ne l’appelle pas écocide pour pas qu’il y ait confusion », précise Marta de Cidrac.
Un toilettage de l’article 68
L’amendement de Marta de Cidrac supprime le terme « écocide » et créé à la place deux infractions. La première sanctionne de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende les atteintes à l’environnement non intentionnelles. Les atteintes intentionnelles sont, elles, punies de sept ans d’emprisonnement et de 4,5 millions d’euros d’amende (ce montant pouvant être porté au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction).
La période pour porter plainte est aussi raccourcie à 7 ans contre 10 dans le texte initial. « On sait bien qu’au bout de cinq, six, sept ans, on ne trouve plus de traces dans l’environnement du délit, la nature reprend ses droits », justifie-t-elle avant d’ajouter : « On ne modifie pas l’objectif de la loi telle qu’elle nous est venue mais on la clarifie et on la toilette de manière que ce soit opérationnel et clair dans son application ».
Pour Jérôme Durain, la droite sénatoriale « fait l’objet de pression d’acteurs industriels »
Le sénateur PS, Jérôme Durain, auteur en 2019 d’une proposition de loi visant à reconnaître le crime d’écocide, n’a pas la même la même analyse. « Quand on nomme mal les choses, on ajoute aux malheurs du monde. Quand on ne veut pas parler d’écocide, c’est parce qu’on ne souhaite pas parler des problèmes réels que recouvre ce terme. Je trouve dommage de balayer ce terme […] Oui, il faut un crime d’écocide qui recouvre des réalités bien concrètes pour l’environnement », lâche-t-il.
L’élu de Saône-et-Loire va même plus loin et accuse carrément la majorité sénatoriale « d’être dans une logique pro business ». « Elle fait l’objet de pression d’acteurs industriels […] Il y a une vraie difficulté de la droite sénatoriale avec les questions environnementales ». En séance, Jérôme Durain compte bien déposer un amendement visant à reprendre sa proposition de loi sur le crime d’écocide que le Sénat a rejeté il y a 2 ans.
« On n’est pas dans de la communication. Le délit d’écocide n’a pas de sens »
Pour le sénateur écologiste, Thomas Dossus, la réécriture du projet de loi par la majorité sénatoriale signe « la fin d’une hypocrisie parce que le gouvernement faisait passer pour écocide l’élargissement du délit de pollution ». « Je suis plutôt d’accord avec la droite sénatoriale à ce niveau-là. C’est bien de clarifier les choses. On n’est pas dans de la communication. Le délit d’écocide n’a pas de sens ». L’élu du Rhône demande lui aussi la reconnaissance de ce crime « au niveau national et international » à l’image de ce que demandait la convention citoyenne, à savoir « les atteintes aux limites planétaires ». « C’est ça qu’on va porter, nous, au Sénat », prévient-il. Le groupe écologiste présentera une proposition de loi en ce sens prochainement.
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