Débuté le 14 juin, c’est près deux semaines plus tard, le 28, que l’examen du projet de loi « Climat et Résilience » s’est terminé au Sénat. Comme souvent, les sénateurs ont réécrit et modifié plusieurs dispositions du texte, pour les rendre « plus lisibles » ou « plus réalistes ». Voici les principales modifications apportées par la Haute Assemblée.
Un engagement à respecter les objectifs de diminution d’émissions de gaz à effet de serre
Le début de l’examen du projet de loi s’est fait dans une belle cohésion sénatoriale contre le gouvernement, puisque six amendements identiques présentés par les groupes LR, centriste, écologiste, socialiste et radical ont été adoptés contre l’avis de la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Les sénateurs ont ainsi ajouté au texte un article préliminaire selon lequel « la France s’engage à respecter ses objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre » (moins 55 % d’ici à 2030), alors que la ministre le jugeait « tautologique ».
La publicité réglementée par les sénateurs
Sur le sujet de la publicité, les sénateurs ont ajouté deux modifications majeures au texte. Ils ont tout d’abord annulé l’expérimentation du projet « oui pub » (interdiction de la distribution de publicité dans les boîtes aux lettres, sauf sur celles où est collé l’insigne « oui pub ») tout en lui substituant une prolongation de l’expérimentation du dispositif « stop pub », adopté dans le projet de loi anti-gaspillage en 2019.
Le Sénat a ensuite introduit, contre l’avis du gouvernement, l’interdiction sur l’audiovisuel public de toute publicité « promouvant des produits ayant un impact négatif sur l’environnement dès lors que des produits ou services ayant un effet moindre sur l’environnement sont disponibles » dès 2023.
Dans ce même titre, les sénateurs écologistes sont parvenus à faire adopter un amendement incluant les critères sociaux et le respect des droits humains dans l’affichage environnemental des produits.
De vifs débats sur le volet « énergie » du projet de loi
En ce qui concerne le sujet de l’énergie, les sénateurs ont radicalement changé la direction du texte. Ils ont en effet créé un droit de veto pour les maires concernant les projets éoliens. Cette disposition, à laquelle le gouvernement et les sénateurs écologistes étaient très défavorables, a provoqué de vives discussions au sein de l’hémicycle.
La majorité sénatoriale de droite a également voté une disposition conditionnant la fermeture des centrales nucléaires à l’existence de capacités de production d’énergies renouvelables et bas carbone équivalentes. Une nouvelle fois, cet ajout a créé de forts remous du côté des sénateurs écologistes et du gouvernement.
TVA sur les trains, écotaxe, aérien et zones à faibles émissions : des mesures fortes pour les transports
L’examen du titre III du projet de loi, « se déplacer », a été l’occasion pour le Sénat d’introduire une mesure choc : la baisse de la TVA sur les billets de train, de 10 à 5,5 %. Cette diminution est critiquée par le ministre des Transports, il invoque les nombreuses aides dont bénéficie la SNCF et le risque d’inégalité de traitement qu’elle crée avec le transport aérien, entre autres.
Les sénateurs ont également assoupli les modalités des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), qui devaient s’étendre à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants dès 2025. Ce dispositif, déjà en place dans plusieurs grandes villes françaises, en interdit l’accès aux véhicules les plus polluants. La Haute Assemblée a ainsi retardé l’extension de la mesure, de 2025 à 2030. Pour la rendre plus acceptable, des aides au report modal (passage d’un mode de transport à un autre, ici de la voiture au vélo), ainsi qu’un prêt à taux zéro pour l’aide à l’achat d’un véhicule plus propre, ont également été adoptées.
Dans le volet transports, le Sénat a aussi débattu sur un sujet polémique : l’écotaxe régionale sur les poids lourds. Prévue dans le texte, les sénateurs ont retardé son entrée en vigueur et y ont ajouté ses conditions (concertation des régions et absence de réduction significative des émissions du secteur).
Un article a été toutefois adopté conforme à sa rédaction à l’Assemblée nationale : l’interdiction des vols intérieurs lorsqu’il existe une alternative en train de moins de 2h30.
Pas de généralisation des menus végétariens dans les cantines scolaires
L’examen du titre concernant l’alimentation a été l’occasion pour les sénateurs de revenir sur la mesure généralisant les menus végétariens hebdomadaires dans les cantines scolaires, prévue dans le texte. Ils l’ont ainsi remplacée par une prolongation de son expérimentation, en cours depuis 2018.
Le Sénat a également refusé la redevance sur les engrais azotés, votée par les députés, en cas de non-respect d’une trajectoire de réduction de ces derniers. Elle a été remplacée par un plan d’accompagnement des agriculteurs pour en sortir, moins contraignant.
Passoires thermiques et entrepôts Amazon : entre assouplissement et contrôle
Dans le volet logement de la loi, les sénateurs ont modifié le calendrier concernant l’interdiction à la location des logements classés E, de 2034 à 2040, laissant ainsi un peu plus de mou aux propriétaires pour effectuer la rénovation de leurs biens. Ils ont également avancé d’un an l’impossibilité d’augmenter les loyers pour les logements classés F et G.
S’il a assoupli certaines mesures contre les passoires thermiques, le Sénat a su se montrer plus dur. Il a en effet ajouté au texte une disposition pour contrôler davantage l’implantation d’entrepôts d’e-commerce, en les soumettant à une autorisation d’exploitation commerciale lorsqu’ils dépassent 5 000 mètres carrés et qu’ils ne se trouvent pas sur une friche. Cette mesure, souhaitée par le rapporteur et adoptée contre l’avis du gouvernement, est toutefois jugée insuffisante par les groupes de gauche et écologiste.
La suppression du délit d’écocide
Enfin, la Haute Assemblée a décidé, contre l’avis du gouvernement, de supprimer le terme d’écocide, introduit au titre VI du projet de loi et caractérisant tout comportement mettant gravement en danger l’environnement. Une mesure de « simplification, de clarification et de sécurisation juridique » pour la rapporteure LR Marta de Cidrac. La majorité sénatoriale a en effet considéré que le terme d’ « écocide » pouvait « porter à confusion », car il fait référence à une « infraction criminelle qui pourrait être reconnue à l’échelle internationale ».