Loi climat : « Tous les lobbies ont fait le siège pour poser des contraintes à ce texte », dénonce Ronan Dantec
Dans son avis, le Haut conseil pour le climat pointe le « manque d’ambition » du gouvernement sur le projet de loi Climat et Résilience. Présenté en Conseil des ministres le 10 février, le texte concentre les critiques au Sénat.

Loi climat : « Tous les lobbies ont fait le siège pour poser des contraintes à ce texte », dénonce Ronan Dantec

Dans son avis, le Haut conseil pour le climat pointe le « manque d’ambition » du gouvernement sur le projet de loi Climat et Résilience. Présenté en Conseil des ministres le 10 février, le texte concentre les critiques au Sénat.
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Par Héléna Berkaoui

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Le projet de loi Climat et Résilience n’a pas encore mis un pied au Parlement que déjà les institutions consultatives relèvent cruellement ses insuffisances. La semaine dernière le Conseil d’Etat rendait un avis particulièrement sévère et soulevait le caractère inconstitutionnel d’un certain nombre de mesures. Ce mardi, c’est au tour du Haut conseil pour Climat (HCC) de rendre ces recommandations avec un constat tout aussi cinglant. Malgré l’effort engagé, ces mesures « ne permettraient pas à la France de rattraper son retard dans la transition bas-carbone », écrivent les experts du HCC.

Alors que la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effets de serre de 55 % d’ici à 2030, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050, « le projet de loi n’offre pas suffisamment de vision stratégique de la décarbonation des différents secteurs émetteurs en France ».

L’instance indépendante regrette le fait que de nombreuses mesures du projet de loi connaissent des délais de mise en œuvre « manifestement incompatibles avec le rythme attendu de l’action contre le changement climatique ». C’est le cas notamment de l’article relatif à l’amélioration de la qualité des repas dans la restauration collective, qui ne sera étendue au privé qu’en 2025. Certaines mesures, comme la généralisation de la consigne pour le verre, qui font déjà l’objet d’expérimentations, n’ont pourtant pas vocation à être généralisées avant 2023.

D’autres objectifs, notamment celui de la rénovation thermique pèche au niveau de son périmètre d’application. L’interdiction d’augmenter les loyers des passoires thermiques et celle de la location des passoires thermiques en 2028, ne s’appliquent pas aux propriétaires occupants (qui représentaient 58 % des occupants de passoires thermiques en 201810).

« La volonté, dès le départ, n’y était pas », juge le sénateur écologiste, Ronan Dantec, qui travaille avec son groupe à un contre-projet de loi Climat. Ce texte porte une partie des propositions de la Convention citoyenne pour le climat et devait être repris « sans filtre », selon la promesse d’Emmanuel Macron. « Nous assistons à un moment de vérité, il est extrêmement simple de faire de grandes déclarations mais ce sont les mesures concrètes qui font la différence », commente le sénateur de Loire-Atlantique.

« La France est en train de dire adieu à l’objectif européen affiché à Glasgow et joue un rôle déstabilisateur. Il ne faut pas oublier que la France est comptable de l’accord de Paris qui n’est pas parfait mais qui reste un accord de qualité. Si le pays porteur de cet accord n’est pas capable de tenir ses objectifs, comment voulez-vous que les grands émetteurs s’y plient ? », interroge également Ronan Dantec.

Aseptisées avant leur passage devant le Parlement, les propositions des citoyens de la Convention ont, selon le sénateur écologiste, été victimes du travail de sape des acteurs des secteurs concernés par les mesures. « Tous les lobbies ont fait le siège pour poser des contraintes à ce texte. Il est clair qu’un objectif ambitieux passe par une mutation économique. Aujourd’hui, on sait ce qu’il faut faire, il faut accompagner ces mutations et développer un accompagnement », oppose-t-il.

Chez la droite, majoritaire au Sénat, la création même de la Convention citoyenne pour le climat avait déjà suscité de vives critiques (lire ici). Le sénateur LR, Jean-François Husson considérait par exemple qu’un tel exercice démocratique nous amenait à nous retrouver avec « des propositions peu élaborées, chapeautées par des experts à la pensée unique ».

Ce n’est pas l’avis de la sénatrice LR, Marta de Cidrac. « Une Convention citoyenne ne me paraissait pas appropriée, mais je n’ai pas de jugement de valeur sur ces propositions, et je respecte le travail fait », assure la sénatrice des Yvelines. Elle se montre en revanche moins tendre sur le projet de loi présenté par le gouvernement. « On manque de stratégie, d’une vision et on ne pose pas la question de notre souveraineté énergétique », déplore-t-elle.

« Le devoir d’un exécutif est de donner une vision et on a l’impression que tout cela a été fait pour cocher une case », juge la sénatrice. « Soit on a une vision claire et assumée et on s’y tient, soit on navigue à vue, on fait du « et en même temps » et, finalement, on ne satisfait personne. » Cette stratégie du « et en même temps », n’aura pour elle aucun effet « ni d’un point de vue économique ni d’un point de vue écologique ».

Alors que le mouvement des Gilets Jaunes avait éclaté avec l’instauration d’une taxe carbone, la Convention citoyenne pour le climat avait aussi pour mission de répondre à une exigence de justice sociale. Là encore, le projet de loi n’est pas au rendez-vous selon le Haut conseil au climat, pour qui « les enjeux spécifiques à la transition juste n’apparaissent que marginalement dans les dispositions ».

« On passe effectivement à côté d’un certain nombre de sujets importants mais je ferai mon travail de parlementaire et nous amenderons ce texte », promet Marta de Cidrac. Le groupe écologiste lui devrait présenter son contre-projet de loi dès que le texte arrivera au Sénat.

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