« L’examen du projet de loi engagement et proximité par la commission des lois de l’Assemblée nationale n’est pas manifestement en adéquation avec la volonté affichée par [Emmanuel Macron] ici même hier dans son discours », a lancé Gérard Larcher dans son discours au Congrès des maires de France. Le président du Sénat n’a pas caché sa colère après que les députés sont revenus en commission sur une large partie des apports du Sénat au texte que le palais du Luxembourg avait adopté à une quasi-unanimité.
« Il va bien falloir à un moment que s’arrête le jeu d’aller et retour (…) entre les deux assemblées et d’écouter tout simplement les réalités que les maires, les président d’intercommunalités et les présidents de syndicats nous transmettent très concrètement », a déclaré le président du Sénat, s‘adressant directement à Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale.
Le projet de loi engagement et proximité doit traduire une promesse d’Emmanuel Macron à l’issue du grand débat : renforcer l’autorité des maires et la place de la commune, et améliorer le statut de l’élu. Le Sénat, qui travaille main dans la main avec l’Association des maires de France sur le texte engagement et proximité, souhaite ainsi un rééquilibrage plus franc des relations entre communes et intercommunalités en proposant une intercommunalité à la carte. « Il ne faut pas opposer communes et intercommunalités », précise le président du Sénat, qui souligne cependant que la commune est « la cellule de base de notre organisation territoriale ».
« À force de raisonner efficacité et productivité, on a oublié ce qu’est la République dans sa chair »
Si Gérard Larcher s’est félicité de la reprise du dialogue entre le président de la République et les maires de France avec le grand débat national, et a salué l’esprit du discours d’Emmanuel Macron mardi, il a encore insisté sur la nécessité de « traduire cette prise de conscience dans les actes ».
« Malgré de belles déclarations d’intention, il apparait encore que pour certains beaux esprits, la solution reste de toujours recentraliser, d’amoindrir les prérogatives des communes, voire de supprimer insidieusement un échelon administratif considéré par eux comme désuet », a regretté Gérard Larcher dès le début de sa prise de parole.
Selon le président du Sénat, les six dernières années ont été « sans doute les plus difficiles depuis longtemps pour les élus de la République ». Citant à la fois le risque terroriste, le défi de la transition énergétique et les agressions contre les maires, Gérard Larcher ne manque pas d’étriller le bouleversement du « paysage institutionnel » consécutifs aux lois de délimitation des régions et NOTRe votées en 2015, ainsi qu’à la « baisse des dotations ».
« À force de raisonner efficacité et productivité, on a oublié ce qu’est la République dans sa chair. Le besoin des citoyens de protection et de proximité est essentiel dans un contexte de fracture territoriale », a déclaré le sénateur des Yvelines, appelant à « préserver la commune », qu’il décrit comme le « garant de la démocratie ».
« Donnons aux territoires la possibilité de se doter d’une organisation propre à chacun »
« Donnons aux territoires la possibilité de se doter d’une organisation propre à chacun », a poursuivi Gérard Larcher. Mais « la liberté d’organiser et de créer suppose aussi de disposer de ressources financières propres », souligne-t-il, ne constatant pas, sur ce point, d’« évolution positive » après la suppression de la taxe d’habitation. « Rompre complètement le lien fiscal, c’est risquer de transformer le citoyen en un simple résident consommateur de services publics », prévient-il.
Gérard Larcher : « Donnons aux territoires la possibilité de se doter d’une organisation propre à chacun »
Rejoignant le président de l’AMF François Baroin, qui appelle à « une nouvelle vague de décentralisation » d’ampleur, Gérard Larcher dénonce la tentation de considérer les collectivités territoriales comme des « agences d’Etat », et martèle qu’une « action décidée au plan local créera toujours plus de consensus qu’une décision prise d’en haut ». Le message au gouvernement est clair pour le futur projet de loi « décentralisation et différenciation », que l’exécutif présentera au printemps.