Le 6 novembre prochain, la Haute assemblée examinera en séance publique le projet de loi immigration, un texte qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Reporté plusieurs fois depuis un an et demi, le texte a été examiné dès le mois de mars par la commission des lois. A cette occasion, les élus de la majorité sénatoriale de la droite et du centre ont resserré les conditions d’accès du regroupement familial en inscrivant deux nouveaux articles. Auditionné en février dernier par la commission, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin s’était dit « favorable […] à des dispositions qui pourraient limiter le regroupement familial sans être contraires à la Constitution ». Toutefois, son texte ne prévoyait pas de dispositions en ce sens.
Le regroupement familial, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit d’un régime particulier d’immigration encadré par une directive européenne de 2003 et transposé en droit français dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Pour en bénéficier, c’est-à-dire pour faire venir son conjoint ou ses enfants en France lorsqu’on est étranger, il faut remplir plusieurs conditions. Tout d’abord, le « regroupant » doit séjourner régulièrement en France depuis au moins 18 mois, avoir des ressources stables (la moyenne mensuelle du SMIC sur les 12 derniers mois), et disposer d’un « logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ». De plus, le regroupant doit se conformer « aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France ». C’est-à-dire accepter la monogamie, l’égalité homme femme, la règle selon laquelle la France est une République laïque… A noter que les ascendants ne sont pas concernés par le regroupement familial. Les bénéficiaires, enfants et conjoints se voient accorder un titre de séjour temporaire d’un an.
La condition de séjour rallongée à 24 mois
Dans leur rapport, les sénateurs ont constaté une hausse de 17,8 % de l’immigration familiale entre 2018 et 2021. 12 149 titres délivrés en 2018 contre 14 314 en 2021. Une hausse liée « au rattrapage » des années Covid, seuls 10 041 titres délivrés en 2020. « L’immigration en France demeure une immigration largement familiale », constatent néanmoins les élus.
Bien décidée « à limiter le nombre de régularisations », comme l’a martelé le président du groupe LR, Bruno Retailleau, la majorité sénatoriale a resserré, en commission, les conditions d’accès du regroupement familial, via l’ajout de 2 nouveaux articles au projet de loi. Sous leur rédaction, « la condition de séjour exigée pour qu’un étranger résidant en France puisse formuler une demande de regroupement familial pour l’un de ses proches, est rallongée de 18 à 24 mois.
Concernant les conditions de ressources, elles ne doivent plus être uniquement « stables et suffisantes » mais également « régulières ». La commission a aussi imposé au demandeur de disposer d’une assurance maladie pour lui et sa famille.
Connaissance minimale de la langue
Le nouvel article 1er C rédigé par la commission porte sur la famille du demandeur. Ses membres devront justifier, à leur arrivée sur le territoire, d’un niveau minimal (A1) de langue française « lui permettant au moins de communiquer de façon élémentaire, au moyen d’énoncés très simples visant à satisfaire des besoins concrets et d’expressions familières et quotidiennes ». Cette justification pourra être opérée « par tout moyen », comme la réussite d’un examen de langue, ou dans le cadre d’un entretien. « Il appartiendrait au pouvoir réglementaire d’en prévoir les modalités concrètes », précise le rapport du Sénat.
D’autres amendements de séance, déposés par la droite, restreignent encore les conditions d’accès au regroupement familial. Ils ont pour objet d’abaisser à 16 ans, l’âge d’éligibilité maximal des enfants du demandeur fixé à 18 ans actuellement.