« Vous n’allez pas nous donner des leçons en matière d’accord politique »
Ce compromis n’a pas échappé à Gérald Darmanin. « Vous ne vouliez pas de la régularisation, Monsieur Retailleau. Les centristes en voulaient une. Il y a donc eu un article de compromis entre vous. Mais ne faites pas croire que cet article vous le souhaitiez ardemment. Il y avait une majorité pour ne pas supprimer l’article 3 », a-t-il souligné à l’attention du président du groupe LR.
La sénatrice socialiste, Marie-Pierre de la Gontrie a fait le même constat. « Monsieur Retailleau a indiqué très tôt qu’il ne voulait pas de l’article 3. Pas de chance, les centristes, avec qui ils forment la majorité, en voulaient une. Alors vous vous êtes rencontrés […] Mais vous avez un problème de communication car chacun dit qu’il a gagné. Ce qui est impossible ».
« Ce n’est pas un gros mot, un accord politique. Il révèle la solidité de la majorité sénatoriale. On a choisi le cas par cas plutôt que la régularisation automatique […] Vous n’allez pas nous donner des leçons en matière d’accord politique. Parce que quand on a signé l’accord politique de la Nupes, il y a plus de grand écart qu’il y en a entre nous », a répondu le sénateur centriste, Olivier Henno.
Que contient ce nouvel article 4 bis ?
Pour prétendre à une régularisation, l’étranger devra exercer un emploi en tension pendant au moins 12 mois sur les deux dernières années, contre 8 mois dans l’article 3 initial. Un emploi qu’il doit occuper au moment de sa demande et avoir sa résidence en France pendant au moins trois années consécutives.
Mais ce n’est pas tout, car la délivrance de la carte de séjour salarié ou travailleur temporaire accordée pour une durée d’un an est conditionnée à la vérification par les préfets auprès de l’employeur de la réalité de ce travail. Le préfet devra aussi contrôler « l’insertion sociale » de l’étranger, « son intégration à la société française, à ses modes de vie et à ses valeurs », son respect de « l’ordre public » et son adhésion « aux principes de la République ». (voir notre article).
Rappelons qu’actuellement, la circulaire Valls sur l’admission exceptionnelle au séjour ne concerne pas uniquement les métiers en tension mais tous les secteurs. En vigueur depuis 2012, elle autorise la demande de titre de séjour aux étrangers en situation irrégulière qui vivent en France depuis au moins cinq ans, qui ont travaillé au moins huit mois dans les deux dernières années et disposent d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche. Mais la demande doit être conjointe de la part de l’employeur et du salarié. « La première volonté du gouvernement était de mettre fin à ce servage moderne », a expliqué le ministre au début de la séance publique.
Mais pour la gauche, le contrôle de la réalité du travail par le préfet auprès de l’employeur réintroduit ce servage. « Ce dispositif va concerner les travailleurs sans -papiers qui travaillent dans des entreprises qui ne sont pas des entreprises voyous. Tous les travailleurs qui travaillent dans des entreprises voyous et qui ont comme business model d’embaucher des sans-papiers, de les exploiter, de les laisser sans droits, ceux-là, ils vont rester sans-papiers » a objecté la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel.
« On ne durcit pas la circulaire Valls. On crée une autre circulaire qui pourrait s’appeler la circulaire Dussopt »
Le ministre de l’Intérieur a sous-amendé, avec un avis favorable de la commission, ce nouvel article 4 bis en proposant d’exclure du champ de la régularisation, les travailleurs saisonniers et les étrangers bénéficiant d’un titre de séjour étudiant. « On ne durcit pas la circulaire Valls. On crée une autre circulaire qui pourrait s’appeler la circulaire Dussopt », a précisé le ministre provoquant des protestations de la gauche de l’hémicycle qui n’a cessé de souligner l’absence du ministre du travail dans les débats.
Enfin, malgré un avis défavorable de la commission des lois mais avec le soutien du groupe LR, le gouvernement est parvenu à rétablir l’article 5 du projet de loi. Il prévoit l’interdiction pour un travailleur sans papier, hors Union Européenne, d’avoir le statut d’entrepreneur individuel. La commission avait considéré que cette interdiction était déjà prévue par dispositions législatives et réglementaires existantes.