Reception of party leaders at Matignon

Loi immigration : pourquoi les sénateurs Renaissance ont voté pour le texte ?

La quasi-totalité des sénateurs Renaissance ont adopté le projet de loi immigration durci par la majorité sénatoriale de la droite et du centre. Si le patron des sénateurs macroniste, François Patriat a précisé « qu’il ne s’agissait pas de donner quitus » aux LR, ce vote laisse néanmoins présager de quel côté le gouvernement va tenter d’aller chercher des voix à l’Assemblée, s’il veut éviter le recours au 49.3.
Simon Barbarit

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Mardi, à la tribune du Sénat, l’orateur les sénateurs RDPI (à majorité Renaissance) Olivier Bitz s’exprimait sur les raisons du vote largement majoritaire de son groupe en faveur du projet de loi immigration. « Oui, le groupe RDPI votera majoritairement pour ce texte en sachant que l’Assemblée nationale reviendra sur certaines dispositions que nous rejetons. D’autres dispositions sont des cavaliers législatifs car portant sur la nationalité, et seront censurées (par le Conseil constitutionnel). Il ne s’agit donc, en aucun cas, de donner quitus à la majorité sénatoriale mais simplement d’exprimer notre volonté d’avancer ensemble au Sénat. Ne pas voter ce texte serait prendre une lourde responsabilité car notre pays à besoin de renforcer les exigences concernant l’intégration, la protection des Français, la simplification des procédures et la défense des valeurs de la République ».

« Il ne s’agit donc, en aucun cas, de donner quitus à la majorité sénatoriale »

« Notre vote est positif concernant l’avenir du texte. Mais en aucun cas, nous n’étions en mesure de donner quitus à la majorité du Sénat et du texte qu’elle a présenté », a précisé, François Patriat, dans la matinale de Public Sénat. Le patron des sénateurs macroniste a rappelé « que des éléments » adoptés par le Sénat « ne lui convenaient pas du tout ». Sont ici visées la suppression de l’AME et la réécriture de l’article 3 sur la régularisation des métiers en tension. François Patriat se félicite aussi de l’adoption de 11 amendements sur les 17 déposés par son groupe. « Dans ce texte, il y a des éléments irritants. Mais c’est un texte qui ne fait pas seulement 2 articles mais plus de 90 et qui sert de base. Ce que nous voulons, c’est que le texte aboutisse », a-t-il développé. Une sorte de vote d’encouragement au ministre de l’Intérieur, en somme.

« Moins de 40 sénateurs qui soutiennent le gouvernement a priori »

Au total, sur les 22 sénateurs du groupe macroniste, seuls 2 ont voté contre et 2 se sont abstenus. Pari gagné pour le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qui, malgré le fort durcissement du volet intégration et un renforcement des mesures d’éloignement opéré par la majorité sénatoriale de droite et du centre a réussi à rassembler le groupe RDPI et les Indépendants (Horizons). Le locataire de Beauvau n’a d’ailleurs pas caché sa satisfaction quelques minutes après le vote. « Il y a un an, 6 mois, 15 jours, pas grand monde n’aurait parié sur le fait que le texte soit adopté y compris avec une mesure de régularisation. Je m’en félicite. C’était l’objectif du gouvernement y compris dans une assemblée qui compte, a priori, moins de 40 sénateurs qui le soutiennent ».

A l’Assemblée nationale où le gouvernement peut compter sur le soutien de bien plus de parlementaires (170 députés Renaissance, 51 Modem, 21 Liot, 30 Horizons), il va manquer, malgré tout, des voix pour atteindre les 289 suffrages nécessaires à l’obtention d’une majorité absolue.

Comment rassembler sans se couper de son aile gauche, sur un texte qui prévoit désormais la suppression de l’aide médicale d’Etat, la limitation du regroupement familial, durcissement des conditions de régularisation dans les métiers en tension, la facilitation des expulsions ?

« À l’Assemblée, nous rétablirons le texte ambitieux de l’exécutif, tout le texte de l’exécutif. Y compris le volet sur les régularisations », a déjà prévenu le président Renaissance de la commission des lois, Sacha Houlié, l’une des figures de l’aile gauche. Il est cependant « prêt à soutenir une levée plus large des protections contre les expulsions, comme l’ont proposée les sénateurs. Tout comme l’ajout d’une exigence de connaissance du français sur le regroupement familial », a-t-il expliqué au Figaro.

Interrogé par publicsenat.fr cette semaine, le rapporteur Renaissance du projet de loi à l’Assemblée nationale, Florent Boudié a promis un débat constructif et a fixé les mêmes lignes rouges que ses collègues sénateurs macroniste : la suppression de l’AME et la réécriture de l’article 3. « Entre le droit opposable automatique et le pouvoir discrétionnaire du préfet, il y a probablement une voie qui permette de rassembler largement au sein de la majorité, et qui sera efficace », veut croire le député.

Le gouvernement compte sur la division des députés LR

François Patriat a fait les comptes ce matin. Et selon lui, le texte pourrait être adopté à la chambre basse sans le recours à l’article 49.3 de la Constitution, grâce aux voix du groupe LIOT et parce que les LR sont divisés : « Il y a une forme d’incohérence chez eux. Il y a trois courants : ceux qui sont contre, ceux qui s’abstiennent et ceux qui sont pour éventuellement ».

Mais le pronostic est incertain. Les débats du Sénat ont clairement montré qu’une majorité autour de ce texte était à chercher du côté de la droite, voire de l’extrême droite. « Votre texte reprend consciencieusement les propositions du Front national et de Marine Le Pen […] Votre aile la plus dure a emporté le groupe LR avec le soutien du groupe centriste sur un texte pourtant peu conforme à ses idéaux et avec la complaisance du gouvernement et des sénateurs macronistes », a fustigé, hier, la sénatrice socialiste, Marie-Pierre de la Gontrie.

Entre deux séances publiques, la semaine dernière, un cadre du groupe écologiste voyait dans l’examen de ce texte « un tournant du quinquennat » et la « réactivation du clivage droite-gauche ».

Reste à calculer si la perte des voix de l’aile gauche de Renaissance, évaluée à une dizaine par un de ses membres, sera compensée par des voix LR. Mais la réforme des retraites a montré que les députés LR étaient des alliés bien incertains lorsqu’il s’agit de soutenir un texte du gouvernement.

 

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