La droite sénatoriale espère enfin parvenir à imposer l’un de ses vieux totems à l’occasion de l’examen du projet de loi immigration. Dans son viseur, depuis de nombreuses années déjà : l’Aide médicale d’Etat (AME), régulièrement qualifiée de « pompe aspirante » de l’immigration et épinglée pour son coût, soit plus de 1,2 milliard d’euros pour un peu plus de 400 000 bénéficiaires en 2023, selon un rapport de l’Assemblée nationale. La question de son maintien ou de sa suppression, a la faveur d’un dispositif plus restrictif et moins onéreux, constituera sans nul doute l’un des temps forts des débats parlementaires sur ce texte, qui débuteront par le Sénat à partir du 6 novembre.
Qu’est-ce que l’AME ?
L’aide médicale d’Etat a vu le jour en 2000. Elle est l’héritière de l’aide médicale gratuite (AMG), un dispositif social né à la fin du XIXe siècle et permettant aux plus pauvres de bénéficier d’un accès aux soins. C’est la réforme de la couverture maladie universelle (CMU), sous le gouvernement Jospin, qui a abouti à la création d’un système bicéphale, avec un dispositif propre aux sans-papiers, l’AME, qui les distingue des résidents en situation régulière, pouvant quant à eux directement bénéficier de l’Assurance maladie via la couverture maladie universelle.
Qui peut en bénéficier, dans quelles conditions ?
Pour bénéficier de l’AME, il faut résider en France depuis plus de trois mois sans titre de séjour. L’AME est conditionnée à certains plafonds de revenus, qui varient selon la situation familiale du demandeur ou selon qu’il se trouve en métropole ou des les Dom. Ainsi, un étranger seul, résidant à Paris, ne doit pas gagner plus de 9 719 euros par an, contre 10 817 euros en Guyane, à la Martinique, en Guadeloupe, à la Réunion. La demande doit être renouvelée chaque année.
Notons que les mineurs en situation irrégulière peuvent bénéficier de l’AME sans conditions de délai.
L’AME donne droit à une prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers, dans la limite des tarifs fixés par la Sécurité sociale. Les bénéficiaires n’ont pas à déclarer de médecin traitant. Néanmoins, certains examens médicaux ne sont pas remboursés et dans le cas des soins non urgents, la prise en charge peut prendre plusieurs mois. En revanche, la couverture reste complète pour les mineurs, quelle que soit la situation.
Quelle est la position des uns et des autres ?
Le débat autour de l’AME concerne la taille du panier de soins. La majorité sénatoriale de droite et du centre n’a pas attendu l’ouverture des discussions en séance publique pour s’attaquer au dispositif. Dès l’examen du texte en commission, l’AME a été transformée par la Chambre haute en aide médicale d’urgence recentrée « sur la prise en charge de la prophylaxie et du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive ».
Mais l’adaptation proposée par les sénateurs LR divise jusqu’au sein même du gouvernement. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a salué dans les colonnes du Parisien « un bon compromis qui allie fermeté et humanité ». Il s’agit également de brosser dans le sens du poil les LR, sans lesquels le texte immigration n’a que très peu de chances d’être adopté par le Parlement. En revanche, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, et l’un de ses prédécesseurs avenue Duquesne, Olivier Véran, l’actuel porte-parole du gouvernement, ont tous les deux pris la défense de l’AME, craignant un repli des demandes sur le système hospitalier et les urgences, déjà minés par le manque de personnels.
Au début du mois d’octobre, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé avoir confié à Patrick Stefanini, l’ancien monsieur élection des LR, et à Claude Evin, ancien ministre des Affaires sociales, une mission sur l’Aide médicale d’Etat, dont les conclusions devraient permettre à l’exécutif de clarifier sa ligne.