Loi Pacte: tensions autour d’ADP avant l’adoption définitive du texte controversé
Faciliter la vie des entreprises, mieux associer les salariés: le Parlement doit adopter définitivement jeudi le volumineux projet de loi Pacte...
Par Pierre ROCHICCIOLI
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Faciliter la vie des entreprises, mieux associer les salariés: le Parlement doit adopter définitivement jeudi le volumineux projet de loi Pacte au prix d'un bras de fer sur la privatisation d'Aéroports de Paris, contre laquelle un référendum d'initiative partagée (RIP) est enclenché.
"Tous ceux qui se réunissent dans un attelage de circonstance pour proposer un référendum d'initiative partagée, alors que le texte n'est même pas encore voté, font le jeu des populismes et affaiblissent la démocratie représentative", a accusé jeudi Bruno Le Maire à l'ouverture des débats.
"Vous voulez passer en force" sur ADP et "vous êtes manifestement très inquiets par cette décision (d'un RIP, ndlr), ce qui prouve que nous avions raison de le faire", a réagi le député Insoumis Alexis Corbière. "Ce dont vous avez peur, c'est du peuple (..) Vous êtes dans cette affaire dans une dérive autoritaire", a-t-il enchaîné, alors que des "marcheurs" protestaient vivement.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à l'Assemblée nationale, le 10 avril 2019 à Paris
AFP
L'Assemblée nationale, qui a le dernier mot sur le Sénat, devrait valider ce texte emblématique du ministre de l'Economie sur "la croissance et la transformation des entreprises" en fin de matinée.
Mesure phare, le projet de privatisation du groupe ADP, un des leaders mondiaux dans lequel l'Etat détient 50,63% des parts, a connu mardi un rebondissement de dernière minute. Près de 250 parlementaires, de LFI à LR, et avec le soutien du RN, ont sorti pour la première fois la carte d'un RIP, afin de tenter d'empêcher le gouvernement de "vendre la poule aux oeufs d'or".
Mais plusieurs obstacles devront être levés pour que le RIP, procédure complexe introduite dans la Constitution en 2008, et qui nécessite le soutien de 10% de l'électorat (4,5 millions de personnes) ait une chance d'aboutir à une consultation des Français.
"Pas gêné" par l'organisation d'un référendum sur la question, le président du MoDem, François Bayrou, a dit jeudi ne pas croire que la privatisation d'Aéroports de Paris "soit une décision vitale pour la France" mais elle le "choque moins que la privatisation des autoroutes".
- "coup politique" -
Pour le gouvernement, il s'agit avant tout d'un "coup politique" contre un texte qu'il défend comme "une étape majeure dans la transformation économique du pays".
"Il va nous permettre de lever les blocages et donner les moyens aux PME de grandir", avait proclamé Bruno Le Maire à l'ouverture des débats en septembre, comme pour vanter une "loi Macron II" après celle sur la croissance de 2015.
La répartition des actionnaires du groupe ADP (Aéroport de Paris) au 31 décembre 2018
AFP
Droite et gauche, à l'Assemblée comme au Sénat, y voient surtout un texte "fourre-tout" et "obèse" avec plus de 220 articles sur des sujets très divers. Le Sénat à majorité de droite a rejeté le projet de loi à deux reprises, et fait monter la pression sur la privatisation d'ADP, certains pointant un "cadeau à Vinci", qui ne cache pas son intérêt.
"Ce sont deux visions incompatibles du rôle de l'entreprise dans la société qui se sont confrontées", jugent les députés "marcheurs".
- "mal à l'aise" -
Outre ADP, le gouvernement entend privatiser la Française des jeux (FDJ), un choix également dénoncé comme "stupide", "dogmatique et déraisonnable économiquement" par les oppositions qui ont mis en avant le volet santé publique lié à l'addiction aux jeux.
Ces cessions, dont les conditions - totale ou partielle - ne sont pas encore connues, doivent alimenter un fonds pour l'innovation. Elles sont présentées par M. Le Maire comme symboliques d'une "nouvelle doctrine" du rôle de l’État.
Le projet de loi vise notamment à lever les contraintes légales qui obligent l'État à détenir la majorité des parts d'ADP
AFP/Archives
Celui-ci a selon lui "le mauvais rôle lorsqu'il exerce des activités commerciales en lieu et place d'un entrepreneur privé" et "le bon rôle lorsqu'il fait respecter l'ordre économique, gère des services publics".
Parmi les autres mesures, le projet de loi entend simplifier la vie des entreprises, notamment en assouplissant les seuils qui déclenchent des obligations fiscales et sociales.
Les salariés ne sont pas oubliés avec un élargissement des bénéficiaires potentiels des plans d'épargne salariaux ou la promotion de l'épargne retraite.
Ont été ajoutés la publication des écarts de salaires dans les grandes entreprises, et un prochain encadrement des retraites chapeaux, mesure de dernière minute.
Moins d’un an après le précédent projet de loi, le gouvernement va porter un nouveau texte sur l’immigration. L’idée est de reprendre « les articles censurés par le Conseil constitutionnel », selon l’entourage du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Mais chez les députés Renaissance, on prédit un groupe coupé en deux sur le sujet. « On sait qu’aucun texte ne passera sans l’accord du RN », pointe le sénateur écologiste Guy Benarroche.
Le gouvernement a annoncé l’examen d’un nouveau texte sur l’immigration dès le début de l’année 2025. Il y a à peine un an, la droite sénatoriale menée par Bruno Retailleau avait vu ses amendements au précédent texte largement censurés par le Conseil constitutionnel au motif de cavaliers législatifs. Ces dispositions pourraient réapparaître.
Invité de la matinale de Public Sénat, le député de la Somme, Jean-Philippe Tanguy a expliqué la position de son groupe sur la proposition du gouvernement de présenter un nouveau texte sur l’immigration au début de l’année 2025. Le député de la commission des finances a également détaillé la position de son groupe sur le vote du budget, sans évoquer précisément les amendements que son groupe défendra.
Invités à débattre du budget 2025 sur Parlement hebdo, le rapporteur LR de la commission des finances du Sénat, Jean-François Husson, et le député PS Arthur Delaporte, s’opposent sur le sujet. « Il faudra bien faire des efforts », défend le sénateur LR, quand le socialiste dénonce « un effort incommensurable ».
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