Loïc Hervé : « Le pass sanitaire est une très mauvaise idée ! »
Le sénateur centriste de la commission des lois désapprouve le souhait d’Emmanuel Macron d’instaurer un « pass sanitaire », craignant qu’il finisse par être utilisé à « d’autres finalités ». Il promet de combattre ce projet au Sénat.

Loïc Hervé : « Le pass sanitaire est une très mauvaise idée ! »

Le sénateur centriste de la commission des lois désapprouve le souhait d’Emmanuel Macron d’instaurer un « pass sanitaire », craignant qu’il finisse par être utilisé à « d’autres finalités ». Il promet de combattre ce projet au Sénat.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Loïc Hervé est sénateur centriste (UC) de la Haute-Savoie, corapporteur de la loi « Sécurité globale » et membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Interview.

Emmanuel Macron souhaite la mise en place d’un « pass sanitaire ». Un tel dispositif est-il pertinent ?

Je suis d’emblée extrêmement réservé sur cette mesure. D’abord parce qu’elle va à nouveau affecter les libertés publiques. Autant je peux admettre la nécessité de produire un justificatif pour prendre un vol international, autant dans des actes de la vie quotidienne, cela me paraît difficile. Pour l’instant, on parle des foires et salons et des festivals, des événements de plus de 1000 personnes. Ma crainte, c’est qu’on ait par exemple une quatrième vague cet automne et qu’on élargisse l’utilisation de ce pass à d’autres actes de la vie quotidienne comme l’accès à une salle de spectacle de moindre importance, l’accès au restaurant, l’accès aux transports intérieurs, train, métro, bus.

Pour l’heure, le chef de l’État ne lenvisage en aucun cas « pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis »…

L’enfer est toujours pavé de bonnes intentions. L’outil en soi peut être proportionné à l’instant T, mais dès lors qu’il existe, le risque de le voir se répandre et d’être utilisé à d’autres fins est présent. On l’a vu avec l’application StopCovid qui avait au début une seule finalité, il y en a désormais davantage. Honnêtement, je pense que c’est une très mauvaise idée. Je combattrai cette idée au Sénat, non pas sur la dimension européenne, cela me choque moins. Par contre, j’ai évidemment à combattre cette idée au niveau national, parce que je ne veux pas qu’il y ait des contreparties à la vaccination. Cela voudrait dire que la vaccination donne des droits supplémentaires à ceux qui ont pu, ou voulu se faire vacciner. La vaccination est un choix individuel qui ne doit pas donner lieu à des contreparties.

À propos de l’application StopCovid devenue TousAntiCovid, quelles sont vos réticences ?

C’était d’abord d’avoir une application centralisée qui fasse remonter les informations personnelles, des données personnelles, vers un organisme d’État. On n’a jamais fait ça en France ! C’est un préalable qui me gêne énormément. Et deuxièmement, c’est le principe même d’une application qui me dérange et qui pourrait être demain utilisée à d’autres fins et étendue. Comme le pass sanitaire, une espèce de chose qui va rentrer dans la vie quotidienne. Je ne veux pas en entendre parler.

Vous dénoncez une « atteinte aux libertés individuelles ». Comment pouvez-vous lutter contre ce projet au Sénat ?

Le président de la République a parlé de la nécessité que le Parlement se saisisse de cette question. Le Parlement aura à autoriser cette finalité en France ou à autoriser l’exécutif à le faire. Et puis, si les collègues veulent le faire, il faudrait qu’on pose les garanties les plus importantes possibles. Dans les différents groupes du Sénat, je ne suis pas sûr que nous soyons majoritaires à être contre. À nous de convaincre. Alors on va nous dire ‘aller dans un salon professionnel ou aux Vieilles Charrues, ce n’est pas un acte de vie quotidienne’. Mais c’est quand même la liberté d’aller et venir. Pas de contreparties !

Emmanuel Macron assure que « le pass sanitaire ne sera jamais un droit daccès qui différencie les Français ». Comment en avoir l’assurance ?

La preuve ! Il dit cela et en même temps, on sait que le pass sanitaire sera utilisé comme un élément de différenciation. Il faut être cohérent. Si ça veut dire pas de pass sanitaire sur le territoire national, eh bien non, ce n’est pas le cas. S’il y a une nouvelle vague, il sera généralisé ce truc-là ! Il est là le combat. Un certain nombre d’événements sont gratuits. Il n’y a pas de contrôle. Il n’y a pas de billets. Par exemple un gros événement comme une étape du Tour de France, vous faites comment ? Il y a quand même les prérogatives de puissance publique qui ne sont pas données à n’importe qui. Est-ce qu’on va demander que les contrôles soient effectués par les gendarmes et les policiers ? Ça veut dire qu’on va les occuper à faire du contrôle sanitaire physique. Si ce n’est pas le cas, ce seront des agents de sécurité privée. Sont-ils légitimes ? Sont-ils formés ? J’en doute vraiment. Et qu’est-ce qu’on fait si une personne n’a pas le pass ? On l’empêche de rentrer ? Tout ça est très embêtant.

Partager cet article

Dans la même thématique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le

French L1 football match between Olympique Lyonnais (OL) and Le Havre AC
8min

Politique

Salaires exorbitants, conflits d’intérêts, droits TV : retour sur la commission d’enquête qui a mis un carton rouge au Foot business

Série- Les enquêtes du Sénat. C’est une commission d’enquête qui a connu de nombreux soubresauts. Alors que le football professionnel traversait une crise majeure liée aux revenus des droits TV, les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin ont lancé une commission d’enquête pour encadrer le sport professionnel. Entre auditions, visite du siège de la Ligue de football et révélations de Complément d’enquête, retour sur les préconisations de la commission d’enquête pour stopper le Foot business.

Le

Le Mans Manifestation des maires de la Sarthe
4min

Politique

Elections municipales : il n’y a jamais eu autant de maires démissionnaires depuis 2020

Le nombre d’édiles qui renoncent à poursuivre leur mandat n’a jamais été aussi élevé, selon une étude de l'Observatoire de la démocratie de proximité AMF-Cevipof/SciencesPo. Les démissions ont été multipliées par quatre depuis 2020 par rapport à la période 2008-2014. Les tensions au sein des Conseils municipaux sont invoquées comme première cause de renoncement.

Le