Un derby OL-Saint Etienne ? Cela pourrait être l’affiche de la ligue 2, la saison prochaine. Mardi soir, la Direction nationale de contrôle et de gestion (DNCG) a confirmé la rétrogradation de l’Olympique Lyonnais. En novembre dernier, elle avait déjà pris cette décision à titre conservatoire, assortie alors d’une interdiction de recruter et d’un encadrement de la masse salariale.
L’OL, 6e du dernier championnat de Ligue 1 et qualifié pour la prochaine Ligue Europa a annoncé faire appel devant la commission d’appel de la DNCG de cette sanction. Au Sénat, où vient d’être adoptée une proposition de loi visant « à réformer l’organisation du sport professionnel », issue des recommandations d’une mission d’information : intitulée : « Football-business : stop ou encore ?», cette décision interpelle. « C’est une conséquence de la financiarisation à outrance du football professionnel. C’est l’illustration de la fragilité croissante des clubs de ligue 1, sauf un, le PSG car vit grâce au guichet ouvert du fond souverain de l’Etat du Qatar. Les clubs de football sont devenus de simples objets spéculatifs et doivent s’attendre à des hauts et des bas », constate Jean-Jacques Lozach, sénateur socialiste, spécialiste du sport.
« C’est l’affirmation du rôle de la DNCG »
Le texte du sénateur centriste Laurent Lafon, adopté le 10 juin dernier au Sénat, vise justement à réformer l’organisation du sport professionnel en s’appuyant sur les conclusions de la mission présentée à la fin de l’année dernière. La commission avait sévèrement épinglé la gestion de la Ligue de football professionnel (LFP), et les conditions du contrat signé en 2022 avec le fonds d’investissement CVC Capital Partners, qui avait apporté 1,5 milliard d’euros au football professionnel français contre environ 13 % de ses recettes commerciales à vie. « Le football français vit depuis trop longtemps au-dessus de ses moyens. La rétrogradation de l’OL, c’est l’affirmation du rôle de la DNCG. Et ça va dans le bon sens car ça montre que la DNCG est un organisme de contrôle avec un vrai pouvoir de décision et de sanction », relève Laurent Lafon, auteur du texte et président de la commission de la culture et du sport du Sénat qui avait souligné récemment que les déficits cumulés des clubs français étaient estimés à 1,2 milliard d’euros. « Malheureusement, cette gestion se fait sur le dos des supporters. Il y a une déconnexion entre les supporters et les dirigeants », ajoute-t-il.
Actionnaire majoritaire de l’OL Via Eagle Football Holdings, l’Américain John Textor a pris la présidence du club en 2023 succédant à Jean-Michel Aulas. Sa gestion est au cœur des critiques de certains observateurs et des supporters car l’homme d’affaires est à la tête d’une petite galaxie de clubs, de Botafogo au Brésil et Molenbeek en Belgique. Les Bad Gones, principal club de supporters de l’OL, ont revendiqué dès le lever du jour sur leurs réseaux sociaux le déploiement sur des ponts et murs de la capitale des Gaules de plusieurs banderoles hostiles au président : « Textor dehors ! »
A la sortie de son audition dans la journée devant la DNCG, John Textor avait pourtant tenu des propos optimistes. « Nous sommes très satisfaits des procédures mises en place par la DNCG cette année », s’était-il félicité. Quelques heures à peine avant son audition, il avait obtenu un accord pour la cession de ses parts dans le club anglais de Crystal Palace à l’homme d’affaires américain Robert Wood Johnson, propriétaire de l’équipe de football américain des New York Jets, une transaction estimée à 222 millions d’euros par la BBC. Ces dernières semaines, les signaux semblaient donc plutôt positifs et si des mesures d’encadrement étaient toujours envisagées, l’option d’une rétrogradation en Ligue 2, décidée à titre conservatoire en novembre dernier, ne semblait plus vraiment d’actualité à Lyon. Eagle Football Holding avait lancé le 13 juin son introduction à la Bourse de New York. Mais le fruit de cette opération, qui dépend des conditions de marché, n’est pas encore déterminé, pas plus que ce que pourrait toucher l’OL du produit de la cession des parts dans Crystal Palace.
Pour réduire les dépenses, une centaine de salariés des services administratifs et commerciaux du club étaient partis dans le cadre d’un plan de départs volontaires. Sur le plan sportif, les fins des contrats d’Alexandre Lacazette, Nicolas Tagliafico et Anthony Lopes, et les transferts de Maxence Caqueret cet hiver et de Rayan Cherki, cédé pour 42,5 millions d’euros à Manchester City voilà deux semaines, ont allégé la masse salariale. Sans oublier, le paiement des options d’achat de plusieurs joueurs : 19,5 millions pour Saïd Benrahama (12 millions d’euros à Neom/promu en première division saoudienne), Amin Sarr (5 millions d’euros à Vérone) et Johann Lepenant (2,5 millions d’euros à Nantes).
« Prévenir toute situation de multipropriété »
« Cela n’a visiblement pas suffi pour convaincre le gendarme financier du football français. C’est surprenant. Le montant des dettes ne semble pas être couvert. Le délai était peut-être trop court pour prendre en compte la vente des parts de Crystal Palace et les garanties financières. C’est pourquoi notre texte prévoit la possibilité pour DNCG de faire un contrôle plus accru », souligne le rapporteur de la proposition de loi, Michel Savin (LR).
L’article 9 vise, en effet, à préserver la viabilité économique des clubs, en prévoyant une analyse des comptes d’exploitation des clubs, indépendamment des apports de leurs actionnaires « afin de prévenir toute situation de multipropriété portant atteinte à l’indépendance des clubs ou à la loyauté des compétitions professionnelles ». « Actuellement, la DNCG peut sanctionner un club à la fin d’une saison mais ne peut empêcher un actionnaire d’acheter un club. Dès l’arrivée de John Textor à Lyon, sa solidité financière était mise en doute. C’est pour cette raison qu’il faut permettre à la DNCG de stopper l’entrée d’un actionnaire au capital », explique Laurent Lafon.
La proposition de loi devrait être examinée à l’Assemblée nationale à l’automne.