Lopmi : la réforme de la PJ s’invite dans les débats au Sénat
Les sénateurs ont démarré ce mardi l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) qui prévoit sur le quinquennat une hausse de 15 milliards d’euros de crédits et la création de 8.500 postes de policiers et gendarmes. La réforme contestée de la Police Judiciaire ne figure pas dans le texte. Elle a néanmoins plané sur les débats.

Lopmi : la réforme de la PJ s’invite dans les débats au Sénat

Les sénateurs ont démarré ce mardi l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi) qui prévoit sur le quinquennat une hausse de 15 milliards d’euros de crédits et la création de 8.500 postes de policiers et gendarmes. La réforme contestée de la Police Judiciaire ne figure pas dans le texte. Elle a néanmoins plané sur les débats.
Simon Barbarit

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C’est un texte attendu à la Haute assemblée que Gérald Darmanin a présenté ce mardi en séance publique. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) composé de 15 articles, prévoit sur cinq ans un effort financier de 15 milliards d’euros et la création de 8.500 postes de policiers et gendarmes. Des crédits pour faire face aux risques futurs, le risque « terroriste », « les attaques aux personnes » ou encore le « risque cyber ». Près de 8 milliards de crédits y sont alloués pour répondre à la cyber-délinquance et la cyber-criminalité, telles que les escroqueries, le trafic de stupéfiants ou encore les atteintes aux mineurs.

Le paquet sur le risque cyber

Concernant les « rançongiciels », demandes de rançons après une cyberattaque, le projet de loi conditionne le remboursement par les assurances au dépôt d’une plainte par la victime. Le texte prévoit par ailleurs de réprimer plus sévèrement l’outrage sexiste et comporte plusieurs mesures de simplification de la procédure pénale, telle que l’élargissement du champ de l’amende forfaitaire aux délits passibles de moins d’un an de prison.

En commission, la majorité sénatoriale de droite a durci les peines pour les délits de violences faites aux élus, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains.

« C’est une loi très importante […] On espère qu’elle ne sera pas détricotée au fil des années par Bercy », a rappelé le rapporteur du texte, Marc-Philippe Daubresse qui a prévenu ses collègues des groupes écologistes et communistes, auteurs de plus d’une centaine d’amendements sur 232 « que la commission ne donnerait pas beaucoup d’avis favorables ».

Les communistes et écologistes ont en effet voté en commission contre le texte qui, selon la présidente du groupe CRCE à majorité communiste, Éliane Assassi « consacre une police de la répression », « police robocop » ou encore « techno autoritaire » pour les écologistes au risque de détériorer le lien entre les forces de l’ordre et la population.

Le groupe socialiste s’est abstenu et réserve son vote pour la séance publique. Les socialistes souhaitent notamment faire passer un amendement visant à instaurer de juridictions spécialisées sur les violences sexuelles et sexistes. Le sénateur Jérôme Durain s’est également montré sceptique sur les ajouts de la majorité sénatoriale visant à durcir les peines des refus d’obtempérer et les rodéos urbains. « Nous ne croyons pas que sur ces sujets difficiles, la réponse réside dans un simple durcissement de la punition.

Un bémol, non des moindres, pour le ministre qui fête aujourd’hui c’est 40 ans, la réforme, très contestée par les agents, de la police judiciaire. Pour en finir avec « le fonctionnement en silo » de la police, Gérald Darmanin prévoit de fusionner les effectifs de la sécurité publique, de la police aux frontières, du renseignement et enfin de la police judiciaire sous l’autorité d’un unique « directeur départemental de la police nationale » (DDPN). Placé sous l’autorité du préfet de département, il aura autorité sur l’ensemble de ces services et les personnels de la police judiciaire pourront ainsi « faire bénéficier de leur expertise tous les effectifs de cette nouvelle filière d’investigation.

» Lire notre article. Réforme contestée de la police judiciaire : « La question du pilotage global doit être posée », défend le DG de la police

« Vous avez besoin de la police »

La majorité sénatoriale LR a souhaité préciser en commission que « la reforme de la police nationale devrait prendre en compte la spécificité de la police judiciaire ». « Dans le cadre de ses enquêtes, la police judiciaire doit rester sous l’autorité fonctionnelle du procureur, continuer de traiter seule des affaires sensibles […] au vu du développement exponentiel d’une délinquance organisée qui dépasse les frontières départementales, il pourrait être utile de prévoir des structures zonales », a indiqué Marc-Philippe Daubresse.

Roger Karoutchi (LR), premier vice-Président du Sénat, s’est adressé directement à Gérald Darmanin. « Il faut trouver une solution, parce que ce n’est pas seulement l’affaire de la police […] Vous avez besoin de la police. Il n’y a pas d’Etat, pas de République, sans police ».

A gauche, Éliane Assassi a estimé que la réforme était « synonyme d’intrusion du pouvoir exécutif dans la procédure pénale ». L’écologiste, Guy Benarroche a considéré, lui, qu’elle « affaiblirait » la police.

 

Gérald Darmanin prêt à amender le texte

Sans succès, le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur a tenté de faire adopter un amendement visant à supprimer « la généralisation des directions départementales de la police nationale » figurant dans un rapport sur la police judiciaire annexé au projet de loi.

De son côté, Gérald Darmanin a proposé d’amender la loi Lopmi afin de rassurer la gauche de l’hémicycle. « Est-ce que vous voulez qu’on écrive qu’on laisse aux magistrats la libre instruction et le libre choix des services ? Je suis d’accord. Est-ce que vous souhaitez qu’on écrive qu’aucun policier de PJ ne fera autre chose que des enquêtes du haut du spectre ? Je suis d’accord. Est-ce que vous souhaitez qu’on écrive que pour tout ce qui concerne la délinquance financière et la probité des élus, ne soit pas réglé à l’échelon départemental, mais à l’échelon régional ou zonal ? Je suis d’accord ».

Du côté de la commission des lois, Marc-Philippe Daubresse s’est engagé à amender le texte lors de la commission mixte paritaire, une fois les préconisations du rapport sénatorial connues. Mais le sénateur LR a rejeté, d’emblée, un retour en arrière sur la départementalisation. « Une contradiction », pour Jean-Pierre Sueur.

« On ne peut pas rester dans un monde où on ne se réfère qu’à Clemenceau »

Quelques heures plus tôt, Gérald Darmanin a d’abord rappelé que des expérimentations avaient cours sur l’ensemble du territoire que deux rapports parlementaires, au Sénat et à l’Assemblée étaient en préparation. « Le 15 décembre, je recevrais ce rapport. Je demanderais aux syndicats de venir me voir. On amendera ce qui doit être amendé. Mais je veux vous dire ici qu’on ne peut pas rester dans un monde où on ne se réfère qu’à Clemenceau ». L’ancien ministre de l’Intérieur qui fut le créateur des Brigades du tigre en 1907, l’ancêtre de la police judiciaire. « Depuis Clemenceau, on a inventé Internet […] Le taux d’élucidation a baissé et on ne peut pas se satisfaire de cette situation […] Il faut réformer la police nationale. Pas contre tout le monde, pas de manière autoritaire, ça fait 30 ans qu’on en parle », a-t-il expliqué.

Le ministre a voulu aussi « rassurer les magistrats ». « Ils auront toujours l’entière responsabilité des enquêtes […] pas les préfets, pas le directeur général de la police nationale ».

Enfin, le locataire de Beauvau a souligné que la réforme de la PJ ne constituait pas une disposition législative. « Nous changeons 176 textes réglementaires ».

 

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