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Crédits : SIPA

LR : avec Bruno Retailleau, la droite tient-elle son présidentiable pour 2027 ?

Après son large succès face à Laurent Wauquiez à la présidence de LR, Bruno Retailleau a promis, dimanche soir, à sa famille politique d’autres victoires à venir, avec en ligne de mire les municipales et bien sûr la présidentielle. Vœu pieux ? Ou première marche vers le retour de la droite au pouvoir ?
Simon Barbarit

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Dimanche soir, au siège de LR, dans une salle bondée d’élus et de journalistes, Bruno Retailleau faisait un constat. « Nous avons eu des adhésions par milliers, une participation extraordinaire de 80 %. Vous apportez la preuve que la droite est bien vivante. Elle est debout ce soir. Vous pouvez en être fiers ».

« La victoire de la constance sur l’opportunisme »

« La victoire de Bruno Retailleau hier soir, c’est avant tout la victoire de la constance sur l’opportunisme. Avec Laurent Wauquiez, ils disaient la même chose. Il y en a un que les adhérents ont cru et pas l’autre », tempère Gilles Richard, historien spécialiste de l’histoire des droites en France et président de la société française d’histoire politique.

La large victoire du Vendéen face à son rival Laurent Wauquiez, 74,3 % contre 25,7 %, ne laisse, en effet, planer aucun débat quant à son leadership sur sa famille politique. Un score qui fait également mentir les critiques du député, selon qui, un président de LR membre du gouvernement de François Bayrou entraînerait « une dilution » de la droite dans le macronisme.

Tout à sa joie, Bruno Retailleau a prédit que « cette victoire sera suivie de bien d’autres », et promet d’abord de « faire soulever une belle vague bleue » aux prochaines municipales. « La droite courageuse, audacieuse, crédible et sérieuse. Cette droite-là est de retour », a promis le ministre de l’Intérieur, distillant habilement des adjectifs à même de le décrire, et oubliant qu’avant lui, Valérie Pécresse en 2022 et même Laurent Wauquiez en 2017 faisait la même promesse, sans le résultat escompté.

Si ses proches ont refusé catégoriquement de se projeter sur une candidature de Bruno Retailleau en 2027, c’est l’intéressé qui s’est chargé ce lundi de cranter les bases de cette éventualité. « Je serai le premier artisan de notre victoire, je l’espère bien, en 2027 », a-t-il indiqué sur CNews. Relancé sur son ambition personnelle. « C’est difficile à imaginer » (que je ne pense pas à la présidentielle), a-t-il répondu, amusé.

A la fois ministre de l’Intérieur et patron de la droite, Bruno Retailleau s’est-il tracé une voie royale vers la présidentielle, comme Nicolas Sarkozy avant lui ? Il a d’ailleurs pris soin d’appeler l’ancien chef d’Etat, hier soir, pour lui annoncer sa victoire. « Avec ce score, cette victoire présage l’unité des Républicains. Ce qui est déjà une bonne nouvelle pour eux. Vous pouvez vous permettre de vous disputer quand on est une force politique hégémonique, pas quand vous faites au mieux 10 % dans les sondages », explique Benjamin Morel, politologue, maître de conférences en droit public à l’Université Paris II Panthéon Assas.

« Combien de sympathisants d’Éric Zemmour ont adhéré ? »

Pour le constitutionnaliste, spécialiste de la vie politique française, victoire éclatante ou non à la présidence de LR, « ça ne règle pas le problème majeur des Républicains à la prochaine présidentielle ». « Leur électorat, composé de retraités et de classes moyennes supérieures, ne fait que se réduire. Les retraités d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes qu’il y a 10 ans et hésitent moins à voter Rassemblement national. Quant aux classes moyennes supérieures, elles ont vu leur situation se dégrader ces dernières années, ce qui rend le vote populiste plus aisé pour eux aussi ».

Prise en étau entre le RN et le centre, dans une tripartition de la vie politique, Bruno Retailleau veut faire de sa formation politique, le vote utile « face à la gauche mélenchonisée ». « La France ne penche pas à gauche, elle est de droite et nous sommes la droite », a-t-il martelé, hier soir. Un mois plus tôt le ministre avait estimé que le RN était « très à gauche sur les sujets économiques ».

« Bruno Retailleau inscrit son parti dans la longue tradition de la droite dite classique, néolibérale. Depuis des années ses dirigeants cherchent les moyens de récupérer les électeurs RN, plutôt issus des classes populaires, mais n’ont réussi qu’à consolider le courant nationaliste de la droite. Les européistes néolibéraux sont, eux partis chez Emmanuel Macron et Edouard Philippe. A ce titre, il serait intéressant d’analyser le profil des nouveaux adhérents de LR (de 44 000 au début de la campagne, ils sont maintenant 121 000 NDLR) Combien de sympathisants d’Éric Zemmour ont adhéré ? », s’interroge Gilles Richard.

« Trou de souris »

« Le vrai problème de la droite reste cette prise en étau entre le centre et le RN. Les classes populaires attentent qu’on leur parle d’immigration, de sécurité certes, mais aussi de social. Si vous faites campagne sur la retraite par capitalisation ou la retraite à 65 ans, ça ne va pas vous faire gagner des électeurs de ce côté-là », complète Benjamin Morel. Sur CNews, Bruno Retailleau semble avoir intégré cette partie de l’équation pour une victoire en 2027 et a tenté un grand écart, ce matin. « On a des racines judéo-chrétiennes et des racines de la République sociale » qui « tissent une trame de la générosité française ». « Pas question d’être complaisant avec ceux qui vivent au crochet de la société. Mais ceux qui sont dans le besoin, les travailleurs pauvres, le projet que nous allons construire leur tendra une main secourable », a-t-il promis.

Mais le « Travaillez plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy a bien vécu. « Et en 2007, l’UMP, c’est 350 000 adhérents, c’était un autre monde », rappelle Gilles Richard qui invite à prendre en considération les contextes politiques de chaque époque.

Le contexte, c’est justement ce qui pourrait changer la donne en 2027. L’hypothèse probable d’une non-candidature de Marine Le Pen, les incertitudes entourant la solidité de celle de Jordan Bardella, la multitude de candidatures potentielles au centre et à droite ouvrent « un trou de souris » pour Bruno Retailleau, concède Benjamin Morel.

Dans cette constellation de candidatures possibles, l’étoile de Bruno Retailleau est à son firmament. « Les dernières études prouvent que la personnalité de Bruno Retailleau fait revenir vers la droite beaucoup de gens qui n’étaient plus chez nous, des macronistes ou des gens qui étaient partis au RN. Je pense qu’on est dans une bonne situation pour rassembler », voulait croire dimanche soir, le sénateur des Hauts-de-Seine, Roger, Karoutchi.

« La question du filtre des candidatures va continuer de se poser »

Mais d’autres soutiens de Bruno Retailleau, à l’image de David Lisnard, le président de l’Association des maires de France (AMF), n’ont pas abandonné leurs ambitions personnelles. Le maire de Cannes plaide pour une primaire ouverte et a toujours l’intention d’y participer, appelant à une compétition allant des macronistes au parti d’extrême droite Reconquête d’Éric Zemmour.

« Le score de 74 %, c’est à la fois la force et la faiblesse de Bruno Retailleau. Il a largement plié le match grâce aux soutiens des barons. Mais demain, s’il est fragilisé, ces mêmes barons se diront : pourquoi pas moi ? La question du filtre des candidatures va continuer de se poser », constate Benjamin Morel.

Parmi les chantiers qui attendent le nouveau président de LR qui tiendra son premier conseil stratégique mardi. La réforme des statuts du parti est attendue, elle, pour l’automne. Pendant la campagne, Bruno Retailleau comme Laurent Wauquiez, avaient écarté l’idée d’une primaire ouverte pour désigner le candidat en 2027. Le ministre a encore plusieurs mois pour consolider son image de candidat naturel de son parti.

 

 

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